Territoriales 2023 en Polynésie, inscription de la montagne Pelée à l’UNESCO, comité interministériel aux Outre-mer, réforme constitutionnelle et évolutions statutaires, sénatoriales, tour des juges à Teahupo’o, avenir institutionnel calédonien, crise de l’eau à Mayotte ou encore déplacement d’Emmanuel Macron dans le Pacifique : retour sur les actualités qui ont marqué l’année 2023.
En Polynésie, le retour en force des indépendantistes
Près de 20 ans après leur première arrivée au pouvoir en 2004, et 10 ans après le retour des autonomistes de Gaston Flosse en 2013, les indépendantistes du Tavini Huira’atira, menés par Moetai Brotherson lors des territoriales de 2023, ont signé une victoire historique au second tour, s’octroyant une majorité stable de 38 élus à l’Assemblée territoriale. De quoi gouverner tranquillement sans craindre la déstabilisation politique courante vécue entre 2004 et 2013.
Il faut dire que le parti indépendantiste a donné le « la » dès les législatives de 2022, remportant les trois circonscriptions polynésiennes, dont une particulièrement difficile. Il a aussi bénéficié d’un fort rejet à l’égard du président sortant, l’autonomiste Édouard Fritch, et son parti, miné par l’affaire du mariage d’un de ses élus en pleine crise covid, et par son soutien au chef de l’État. En outre, la personnalité de Moetai Brotherson, qualifié de « modéré », a permis au parti fondé par Oscar Temaru de fédérer et ratisser large.
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Toutefois, quelques divisions ont émergé depuis leur victoire, notamment entre le gouvernement de Moetai Brotherson et sa majorité à l’Assemblée, incarnée par le président de l’institution Tony Geros, considéré comme représentant d’une aile plus « traditionnaliste » du parti indépendantiste.
La Montagne Pelée inscrite au Patrimoine Mondial de l'Unesco
Après la yole ronde en 2020, un autre joyau de la Martinique a fait son entrée au Patrimoine de l'Unesco en 2023. Il s'agit de la Montagne Pelée et des Pitons du Nord qui est le 7ème bien naturel français à figurer au patrimoine mondial de l'Unesco, et le 50ème, biens culturels compris. En Outre-mer, la Montagne Pelée est le 5ème site inscrit, après le lagon de Nouvelle-Calédonie, les Pitons et cirques de La Réunion, le marae Taputapuātea en Polynésie et les Terres australes et antarctiques françaises. L’île rejoint aussi Sainte-Lucie et la Dominique, qui ont aussi inscrit leurs pitons.
Cette inscription est le fruit de la candidature portée depuis plusieurs années par la Collectivité territoriale de Martinique et le Parc naturel régional de la Martinique. Le site naturel des Volcans et forêts de la Montagne Pelée et des pitons du nord de la Martinique s’étend sur 15 000 hectares et couvre les deux massifs volcaniques et forestiers du nord de l’île. Ces aires volcaniques intègrent des exemples de forêts humides très anciennes, et le nombre d’espèces endémiques végétales le plus important des Petites Antilles. Situé au sein du Parc naturel régional de la Martinique, le site bénéficie de mesures de protection, notamment trois réserves biologiques intégrales garantissant la préservation des massifs et la libre évolution des écosystèmes forestiers.
En 2024, ce sont les îles Marquises, un bien mixte naturel et culturel, et en série, qui devrait être défendues par la France devant le Comité du Patrimoine mondial.
Le Centre spatial guyanais de Kourou dit au revoir à Ariane 5
Après 27 ans de service, le lanceur phare de l’Agence Spatiale Européenne, Ariane 5 a tiré sa révérence le 6 juillet 2023. En près de 30 ans de fonction, la fusée a comptabilisé 117 vols depuis la base spatiale de Kourou et aura mis environ 239 satellites en orbite. Un véritable succès spatial malgré des débuts difficiles. Ariane 5 s'est construit au fil des ans une fiabilité telle que la Nasa lui confie même son emblématique télescope James Webb, d'une valeur de dix milliards de dollars. Le lancement, réussi le jour de Noël en 2021, marque l'apothéose pour celle qui envoya les sondes Rosetta sur la comète Tchouri (2004) et Juice vers Jupiter, en avril 2023.
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Après ce dernier vol d'Ariane 5, le centre spatial guyanais a peaufiné ces derniers mois les derniers préparatifs pour le premier vol d'Ariane 6 prévu entre le 15 juin et 31 juillet 2024. Un test critique le 23 novembre dernier à Kourou, qui consistait en une mise à feu sur la durée complète d'une mission du moteur Vulcain 2.1, s'est réalisé avec succès. Initialement prévu pour 2020, le premier vol d'Ariane 6, conçu pour affronter la concurrence du lanceur américain Space X, a été reporté à plusieurs reprises en raison de la pandémie de Covid-19 et de difficultés de mise au point.
72 mesures au Comité interministériel aux Outre-mer
Engagement pris en réponse à l’appel de Fort-de-France, le Comité interministériel aux Outre-mer (CIOM) s’est réuni le 18 juillet dernier pour acter une série de 72 mesures, « pour transformer les économies » et « mieux vivre en Outre-mer », touchant à la fois la vie chère, la souveraineté alimentaire le logement, la continuité territoriale, l’éducation, ou encore la santé.
Nommé deux jours après ce CIOM, Philippe Vigier, ministre délégué chargé des Outre-mer, en a fait sa feuille de route. Il a ainsi réuni les élus ultramarins autour d’un bilan d’étape du CIOM les 23 et 24 novembre dernier, rue Oudinot. « Il n’y a pas un seul sujet qu’on ait laissé de côté » a assuré le ministre à l’issue de ces deux jours de discussions, parfois vives et houleuses, ou franches et directes selon les points de vue.
Emmanuel Macron en Nouvelle-Calédonie et dans le Pacifique
Ce fut le grand déplacement du chef de l’État cet été : une tournée en Nouvelle-Calédonie, au Vanuatu, en Papouasie-Nouvelle-Guinée et jusqu’au Sri Lanka. Dans l’archipel calédonien, le président a tenté d’ouvrir « une nouvelle page institutionnelle », annoncé un « pacte de Nouméa » de « pardon et d’avenir », tout en regrettant l’absence de l’Union calédonienne aux négociations prévues sur place, ou encore, décoré la militante Marie-Claude Tjibaou.
Au Vanuatu, Emmanuel Macron a déroulé la stratégie d’élargissement de la présence française dans l’Indopacifique, en annonçant notamment l’ouverture à Port-Vila d’une agence de l’AFD, une nouvelle ambassade de France aux îles Samoa, le déploiement d’un Erasmus du Pacifique ou encore, la création d’une académie militaire dans le Pacifique. En Papouasie-Nouvelle-Guinée, le chef de l’État a voulu miser sur la protection des forêts comme levier de l’influence de la France dans ce pays.
Paris 2024 : La tour de la discorde
Tout semblait bien parti pour le district de Teahupo’o, choisi pour accueillir les épreuves de surf de Paris 2024 : les travaux de réfection de la route et de la marina avancent, tout comme la nouvelle passerelle et le village olympique. Mais en octobre, la vidéo d’un surfeur local mettant en cause la nouvelle tour des juges, dont le coût est estimé à 4,6 millions d’euros, met le feu aux poudres et lance un long feuilleton politico-médiatique aux multiples rebondissements.
Face à la mobilisation populaire poussée par plusieurs associations de Teahupo’o, le COJO et le gouvernement de la Polynésie acceptent de réétudier toutes les options possibles pour minimiser l’impact environnemental au centre des inquiétudes liées à la nouvelle tour des juges. Finalement, État, COJO et gouvernement polynésien annoncent une tour allégée, autant en superficie qu’en poids, qui nécessiterait moins de forages sur le platier récifal qui fait face à la vague.
Malheureusement, début décembre, des tests techniques réalisés dans le lagon de Teahupo’o provoquent des dégâts sur le récif, confortant ainsi les positions des associations et surfeurs les plus opposés à la nouvelle tour. Alors que le président de la Polynésie décide de suspendre une nouvelle fois les travaux, la Fédération internationale de Surf fait part de ses inquiétudes et salue cette nouvelle suspension, tandis que la Surfrider Foundation apporte son soutien aux opposants à la nouvelle tour.
Après une énième réunion entre le chef de l’exécutif polynésien et les associations locales, les travaux repartent de plus belle et cette fois-ci, sans accros. Dernier événement en date : la sortie de la Fédération internationale qui préconise des drones. Trop tard pour Moetai Brotherson, qui s’étonne d’une prise de position aussi tardive. Il faut dire que le temps presse, la tour doit être opérationnelle le 13 mai prochain pour l’épreuve de la WSL. Cette dernière a rappelé sa volonté d’avoir une tour aux normes pour l’étape tahitienne du circuit professionnel.
De son côté, et malgré les sollicitations des villes hexagonales anciennement candidates à l’accueille des épreuves de surf, le COJO n’entend pas déplacer celles-ci. Pour la Polynésie, ce serait aussi une perte financière considérable.
L’avenir institutionnel de la Nouvelle-Calédonie toujours en discussion
Voilà un dossier qui traverse les années depuis le contesté troisième et dernier référendum d’autodétermination, organisé en décembre 2021 et boycotté par les indépendantistes. En 2023, la Première ministre a réuni par deux fois les acteurs politiques calédoniens, en avril et en septembre, et le ministre de l’Intérieur et des Outre-mer, Gérald Darmanin, s’y est rendu cinq fois en un an.
Lors du rendez-vous de septembre, Paris a remis aux partenaires calédoniens un projet d’accord, un document martyr, à enrichir avec les propositions des uns et des autres. Alors que les partenaires indépendantistes semblaient accueillir le document positivement à Paris, celui-ci a été rejeté par l’Union calédonienne, parti membre du FLNKS, à son retour en Nouvelle-Calédonie.
Sur place, les discussions se sont toutefois poursuivies sous l’initiative de Calédonie ensemble, parti non indépendantiste, mais l’espoir de l’État d’arriver à un accord statutaire pour la Nouvelle-Calédonie fin 2023 pour une révision constitutionnelle début 2024 s’est peu à peu éloigné. Cette semaine, la Première ministre a annoncé une révision constitutionnelle sur le corps électoral uniquement, comme recommandé par le Conseil d’État, et une loi organique pour le report des provinciales de mai 2024. Cette révision constitutionnelle, concernant le corps électoral, pourrait avoir lieu avant juillet prochain.
Réformes constitutionnelles et révisions statutaires : Priorité à la Nouvelle-Calédonie
Si une révision constitutionnelle est « à coup sûr » nécessaire pour la Nouvelle-Calédonie et que la « singularité » de la Corse « ouvre la voie à une forme d’autonomie dans la République », le chef de l’État a confirmé, dans le cadre des 65 ans de la Constitution début octobre, que cette révision pouvait aussi s’ouvrir à l’ensemble des Outre-mer qui « doivent pouvoir être mieux reconnus dans notre Constitution ». « Et si le consensus se dégage en ce sens, donner lieu aussi à des évolutions du texte constitutionnel ».
Si le discours avait ravi une partie des élus ultramarins, notamment de Guyane ou encore de Martinique, le président de la République a insisté, le 20 octobre, sur la priorité donnée à la Nouvelle-Calédonie, et son intention de consacrer dans un second temps les évolutions statutaires pour d’autres territoires. Ce fut lors d’un rendez-vous à l’Élysée des élus des Outre-mer, tous territoires confondus.
Une précision qui n’a pas fait l’unanimité : si les députés calédoniens ont salué le fait que la Nouvelle-Calédonie soit traitée prioritairement et à part, le président de la Collectivité territoriale de Guyane, qui a fait le parallèle avec la Corse, dont le dossier institutionnel paraît bien avancé : « Ce qui est valable pour les Corses, doit aussi l’être pour le territoire guyanais », a-t-il déclaré, rappelant par ailleurs que l’évolution statutaire est inscrites au plan d’urgence adopté en 2017, et que des travaux ont déjà débuté sur place.
Comme gage, Emmanuel Macron avait annoncé la nomination, dès novembre, d’experts institutionnels, deux par territoire, pour avancer sur ces travaux d’évolution statutaire. Mais alors que l’année touche à sa fin, ses experts n’ont pas encore été nommés.
Sénatoriales 2023 : Quelques surprises en Outre-mer
En septembre, une partie des sièges au Sénat ont été renouvelés. En Outre-mer, les grands électeurs de Nouvelle-Calédonie, de La Réunion, de Mayotte, de Saint-Pierre et Miquelon, de Guadeloupe et de Martinique ont été appelés aux urnes. Et le scrutin a eu son lot de surprises.
En Nouvelle-Calédonie, l’indépendantiste FLNKS et ancien maire de Lifou, Robert Xowie, et le loyaliste LR et ancien maire de Dumbéa, Georges Naturel, ont déjoué tous les pronostics en faisant tomber la tête de file Les Loyalistes, présidente de la province et ancienne secrétaire d’État, Sonia Backès, ainsi que le sénateur LR sortant Pierre Frogier. « Trahison » pour les uns, leçon d’humilité pour les autres, l’élection aura permis l’arrivée d’un indépendantiste au palais du Luxembourg, une première.
À La Réunion, la droite locale a résisté à l’occasion de ce scrutin. Certes, la liste d’union de la droite et du centre a laissé deux sièges sur quatre et perdu en voix, mais l’élection a finalement dépassé les attentes et renforcé des personnalités politiques locales comme Michel Fontaine, à l’initiative de cette liste d’union, et Cyrille Melchior, président du département. Si, à gauche, on revient au Sénat après 6 ans d’absence, les deux sièges gagnés ont laissé entrevoir une rivalité entre la présidente de la Région, Huguette Bello (PLR), et la maire de Saint-Denis, Ericka Bareigts (PS).
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En Guadeloupe, le GUSR du président du Département Guy Losbar, considéré proche de Renaissance, plutôt à sa gauche, a réalisé une belle percée dans une gauche divisée, élisant deux sénateurs sur trois : Dominique Théophile (sortant) et Solange Nadille. De son côté, l’ancien ministre des Outre-mer, et sénateur PS sortant, Victorin Lurel, a résisté aux dissidences des socialistes guadeloupéens, qui furent nombreux à concourir au scrutin. Les résultats des listes socialistes traduisent une perte de vitesse du PS guadeloupéen, au profit du GUSR de Guy Losbar.
En Martinique, la sénatrice sortante Catherine Conconne, qui siégeait au groupe socialiste, a été élue dès le premier tour, avec 479 voix sur 809 grands électeurs. Catherine Conconne qui fut membre du Parti progressiste martiniquais de Serge Letchimy, a prouvé sa capacité à se maintenir sans la formation politique majoritaire à la Collectivité territoriale.
Le scrutin à Saint-Pierre et Miquelon a signé le retour en grâce de l’ancienne ministre des Outre-mer Annick Girardin, tandis qu’à Mayotte, le sénateur sortant, siégeant au groupe du parti présidentiel RDPI, a sauvé son siège alors qu’il n’était pas en ballotage favorable à l’issue du premier tour.
A sec, Mayotte a soif !
Le territoire de Mayotte a été marqué par une grave crise de l'eau début septembre. L'île qui dépend des eaux pluviales pour son alimentation en eau potable, fait face à son plus grand épisode de sécheresse depuis 1997. Face à l'absence de pluie, les taux de remplissage des deux retenues collinaires de Combani et Dzoumogné étaient considérés à un niveau critique, respectivement à 9,94% et 22% à la mi-décembre contre 51% et 33% à la même période en 2022.
Pour préserver la précieuse ressource, des tours d'eau ont été instaurées à raison de deux jours sur trois sans eau. Des coupures qui impactent l'activité économique et la vie quotidienne des habitants. Le manque d'eau contraint les entreprises et les établissements à fermer temporairement.
Le Gouvernement a notamment pris des mesures d'urgence comme la distribution gratuite de bouteilles d'eau à l'ensemble de la population, la prise en charge des factures d'eau par l'Etat, le lancement de travaux pour l'agrandissement de l'usine de dessalement. Début décembre, la Première Ministre Elisabeth Borne, accompagnée d'Aurélien Rousseau, ministre de la Santé et Philippe Vigier, ministre délégué aux Outre-mer, s'est rendue sur le territoire pour la première fois depuis sa nomination à Matignon. Lors de ce déplacement, Elisabeth Borne a également annoncé entre autres la création d'une grande opération d'intérêt national à Mayotte, l'extension du CHM, la construction d'une seconde prison de 400 places.
La crise de l'eau a franchi un pas supplémentaire lorsque des contrôles de la qualité de l’eau montrent des traces de métaux lourds « au-delà des seuils d'alerte, conduisant à l’interdiction de la consommation de l’eau du robinet pour une partie de l’archipel. Pour mettre en place l'ensemble des mesures d'urgence, Christophe Lotigié, a été nommé nouveau préfet en charge de la sortie de crise, en remplacement de Gilles Cantal dont la mission est arrivée à échéance.
Eline Ulysse et Jean Tenahe Faatau