Outre-mer : Des échanges « francs et directs » à l’Élysée, sur la réforme constitutionnelle et le CIOM

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Outre-mer : Des échanges « francs et directs » à l’Élysée, sur la réforme constitutionnelle et le CIOM

Le président de la République a reçu ce vendredi une soixantaine d’élus des Outre-mer lors d’un déjeuner de travail, pour évoquer essentiellement la réforme constitutionnelle, qui concernera d’abord la Nouvelle-Calédonie, et la continuité du CIOM. Si l’Élysée se montre satisfait, les élus ultramarins sont plus nuancés.

« Les échanges ont été grands et directs » confie l’Élysée. « Les élus avaient une liberté de parole, la capacité d'intervenir facilement devant le président, la Première ministre, le ministre de l'Intérieur et des Outre-mer et le ministre délégué aux Outre-mer ». Ce rendez-vous s'est inscrit dans la suite de celui que le président avait déjà eu avec l'ensemble des élus des DROM, le 7 septembre 2022, suite à l’appel de Fort-de-France. Rendez-vous à l’issue duquel il s’était engagé à réunir un Comité interministériel aux Outre-mer, tenu en juillet dernier, et qui a donné lieu à l’annonce de 72 mesures. 

« Les premières mesures ont déjà pu être mises en œuvre » a assuré l’Élysée. « Les autres ont l'objet d'un suivi régulier au niveau des ministères, mais aussi dans des échanges avec les élus », ajoute-t-on. Toujours d’après l’Élysée, les élus ultramarins auraient souligné leur « satisfaction générale », « l’efficacité de la méthode » avec « une réelle appropriation » de celle-ci « et donc une attente forte des prochains rendez-vous ». « Les décisions qui ont été prises apportent des réponses concrètes, quelques fois discutées, pas nécessairement consensuelles d'un territoire à l'autre, mais en tout cas adaptées aux enjeux et avec toujours cette volonté de dialogue », constate encore l’Élysée. 

Sur la question constitutionnelle, et alors qu’on pouvait croire que la réforme annoncée début octobre par Emmanuel Macron serait générale avec à la fois l’avenir institutionnel calédonien, la Corse et les Outre-mer, ce dernier a bien précisé aux élus que « la Nouvelle-Calédonie était un sujet en soi ». Pour autant, le président « a entendu » les attentes d’une évolution institutionnelle dans d’autres territoires, mais celles-ci ne seront pas concrétisées « dans le même calendrier que la Nouvelle-Calédonie », dont l’adoption d’un futur statut est fixée, par le chef de l’État, au premier trimestre 2024.

Pour les autres territoires, le chef de l’État a annoncé le lancement, dès le mois prochain, d’une « période de consultation avec des experts mandatés » pour « rencontrer l'ensemble des élus, pour faire des propositions territoire par territoire ». Par « experts », l’Élysée entend « des personnalités qualifiées, avec une expérience politique et juridique et une connaissance des Outre-mer qui leur permette d'avoir un dialogue d'égal à égal avec les élus des différentes territoires concernées et en même temps, une vision politique de l'État pour justement travailler dans notre Constitution ». Les premiers retours de cette mission sont attendus début 2024. 

« La question institutionnelle ne peut avancer que dans le consensus », a insisté le chef de l’État aux élus. Un consensus à la fois des élus, mais aussi de la population, précise l’Élysée, qui devra être consultée. « Quelque fois, dans les interventions, on pouvait retrouver à la fois une demande davantage de convergence, mais aussi une demande de plus de spécificité » constate l’Élysée qui plaide que « chacun des Outre-mer puissent s’orienter vers une stratégie qui est la plus adaptée à ses enjeux, à ses contraintes et qui est la plus porteuse d'un développement économique ». C’est « l’objectif à tous dans la politique proposée par le gouvernement pour les Outre-mer ».

Côté calendrier, les prochains rendez-vous sont fixés : un point d’étape du CIOM, vraisemblablement fin novembre et pour la Nouvelle-Calédonie, un déplacement de Gérald Darmanin et Bruno Le Maire, pour le nickel, là-aussi, en novembre. Un déplacement, initialement prévu en octobre, qui a été légèrement repoussé compte tenu de l’actualité internationale et nationale. Contacté par la rédaction, le ministre Philippe Vigier a confié sa satisfaction après cette réunion, soulignant « une méthode, une volonté et une ambition transpartisane où tout le monde a partagé sa pierre à l’édifice ». « Globalement, les élus souhaitaient cette séquence et ce moment » a-t-il aussi rappelé

Les réactions des élus :

« [Le Président de la République] a souligné que toute évolution institutionnelle, tout changement statutaire, doit être lié à un projet de développement économique et social », a réagi le député de Guadeloupe Max Mathiasin (LIOT) à la sortie de l’Élysée. « Il est tout à fait ouvert à ce que les travaux commencent (…) dès le début de mois de novembre », a-t-il assuré. Elie Califer, député PS de Guadeloupe a lui aussi constaté « des ouvertures sur les évolutions institutionnelles, territoire par territoire, en fonction de la volonté des uns et des autres », saluant « une écoute » du gouvernement.

« Concernant la Polynésie, aucun élus polynésien n’a pu parler avec le président de la République, mais ce que je retiens (…) c’est qu’il a parlé de la révision constitutionnelle, qui était le sujet majeur qu’attendaient l’ensemble des élus des Outre-mer, il a dit qu’il n’y avait pas de tabou sur cette question mais qu’il fallait qu’il y est un consensus dans chacun des territoires pour qu’il y ait une évolution institutionnelle », a déclaré le député GDR, localement membre du parti indépendantiste, Tematai Le Gayic.

« À nous d’essayer de trouver un consensus » estime le député qui met toutefois une critique sur ce consensus : « En France, ils font passer un 49-3 parce qu’ils n’ont pas de consensus. La méthode, quand elle ne fonctionne pas en France, ne peut pas être imposée en Outre-mer. C’est la majorité qui décide. On a un gouvernement indépendantiste en Polynésie, et on viendra proposer une révision constitutionnelle pour la décolonisation et l’indépendance de la Polynésie ».

« Nous, élus calédoniens, nous avons souhaité préciser que malgré les vicissitudes de nos compatriotes des autres territoires ultramarins de changer de statut, que ça ne devait pas retarder la réforme de la constitution de la Nouvelle-Calédonie, puisque nous sommes en discussion depuis 2 ans déjà pour un nouveau statut, tout ça dans la suite logique des accords de Matignon et de Nouméa » a réagi de son côté le député Renaissance Nicolas Metzdorf. « Le président de la République a annoncé que la prochaine réforme constitutionnelle concernera uniquement la Nouvelle-Calédonie. Ça nous rassure », a-t-il ajouté, soulignant ses inquiétudes sur la situation économique calédonienne.

« [Le Président de la République] a indiqué que c’était le dossier qui était le plus avancé et de très loin en termes de révision constitutionnelle et qu’il serait traité à part des autres demandes qui se sont exprimées à travers les autres prises de paroles », a confié l’autre député de Nouvelle-Calédonie Philippe Dunoyer, satisfait « d’un calendrier avancé pour l’archipel ». « D’autres demandes sont plus lointaines, moins en état d’être présentées », a-t-il ajouté rappelant « qu’au final, c’est aux députés et aux sénateurs d’adopter la loi ».

La présidente de la Région Réunion, Huguette Bello apparaît, de son côté, être restée sur sa faim. « Il y a beaucoup de problèmes que l’on n’a pas pu évoquer », listant la pauvreté, les retraites faibles, les salaires, ou encore les logements et le Centre hospitalier universitaire. Elle note toutefois que le président s’est engagé à se rendre dans chaque territoire « pour écouter ».  « C’est une réunion avec 80 personnes où évidemment, la parole n’est pas si distribuée que l’on voudrait qu’elle soit. Moi-même j’ai été interrompue ».

Sur les discussions portant sur le CIOM, « nous avons insisté sur nos particularités, notamment l’accompagnement des personnes âgées et des personnes porteuses d’un handicap », a confié le président du Département de La Réunion Cyrille Melchior, joint par nos partenaires d’Antenne Réunion, qui cite aussi « le manque le logements neufs et de réhabilitation de logements anciens », ou encore l’accompagnement des jeunes en difficultés. Sur la réforme constitutionnelle, Cyrille Mechior a rappelé son refus d’une telle évolution institutionnelle pour l’île, et rappelé « vouloir travailler sur une feuille de route avec l’État de façon apaisée ». Le président Macron « a répondu que bien évidemment chaque territoire à ses particularités ».  

« Il y a quelques éléments de satisfaction » pour le président de la Collectivité territoriale de Guyane, Gabriel Serville, qui salue notamment la mission d’expert. Le territoire fait partie de ceux qui demandent et travaillent sur une évolution institutionnelle. « C’est une logique qui est entamée depuis très longtemps. Il s’agit pour nous de porter sur la Guyane un regard d’empathie, comme il l’a fait pour la Corse. Il n’y a pas de raison que la République porte un regard de la sorte sur la Corse qui se situe à quelques encablures de Marseille, et pas sur la Guyane qui se situe à 7 000 km. Ce qui est valable pour les Corses, doit aussi l’être pour le territoire guyanais », a-t-il déclaré.

« Le début de la réunion m’a coupé l’appétit » a déclaré pour sa part le président du conseil exécutif de la Collectivité de Martinique, Serge Letchimy, qui regrette « des propositions pas très concrètes ». « Nous attendons avec impatience la nomination des 2 experts pour entrer en discussion des négociations », a-t-il ajouté. « Il faut à la fois changer de modèle économique (…) et asseoir les responsabilités (…). Le président a franchi un nouveau pas, c’est de rentrer dans un processus d’agenda et de calendrier, qui va se conclure pas une consultation de la population », estime Serge Letchimy.