Moetai Brotherson, 53 ans, a été élu vendredi président de la Polynésie française par les 38 élus de son parti Tavini Huiraatira, majoritaires à l’Assemblée locale depuis leur victoire aux élections territoriales des 16 et 30 avril.
« Nous avons pris l’engagement de vous servir et de ne pas nous servir » a déclaré cet ingénieur informatique, en référence au nom du parti indépendantiste Tavini Huira’atira, qui signifie « servir la population ». Né d’un père infirmier d’origine danoise et d’une mère institutrice polynésienne, Moetai Brotherson est devenu vendredi le plus jeune président de la Polynésie. Son élection a eu lieu sous les applaudissements des militants venus nombreux dans le hall de l’Assemblée, place Tarahoi, pour assister à la séance.
Moetai Brotherson -qui a fait carrière dans l’Hexagone, au Japon, en Allemagne et aux États-Unis, où il assista aux attentats du 11 septembre, avant de rentrer sur sa terre natale, la Polynésie-, a assuré vouloir « respecter le peuple avant tout, respecter également toutes les institutions, respecter l'État pour qu'il nous respecte, respecter également nos cousins du pacifique ». Et face aux candidats autonomistes qui ont fait part de leurs inquiétudes, il assure ne pas vouloir « combattre l’autonomie ».
Qualifié d’indépendantiste modéré, la candidature de Moetai Brotherson à la présidence de la Polynésie, annoncée dès le mois de mars, a contribué à la victoire du parti bleu-ciel. Le désormais ancien député du GDR a également infléchi le programme du parti sur des thèmes plus sociaux et économiques, alors que la Collectivité connaît une forte inflation et que les inégalités se creusent. « C’est un sage qui saura diriger les affaires de ce pays, et puis il est très bien entouré avec Tony à la présidence, les élus du Tavini Huiraatira et on sera toujours là » a confié Oscar Temaru à Radio 1 Tahiti. À 78 ans, le fondateur du parti avait décidé de se mettre en retrait sans quitter la politique. Il est toujours maire de la commune de Faa’a, la plus peuplée de Polynésie, siège toujours à l’assemblée et était d’ailleurs tête de liste pour son parti.
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Pour conclure son discours, le nouveau chef de l’exécutif polynésien, qui devrait dévoiler son équipe lundi, a lancé un message à la jeunesse : « je voudrais dire que vous êtes réellement l'avenir de ce pays. Il faut que vous soyez fiers d'être Polynésiens. Sans cette fierté, vous ne pourrez pas vous projeter. Il faut que vous ayez envie de bâtir ensemble notre pays. (...) L'éducation, ce n'est pas forcément de chercher à avoir un Bac +12. C'est d'aider chaque enfant à trouver sa voie ». « Sans nos langues, nous ne sommes plus rien » a ajouté l’admirateur des écoles publiques immersives en langues basques ou bretonnes. « Il nous faut non seulement préserver, mais aussi faire fleurir nos langues ».
Malgré une majorité écrasante de 38 sièges sur 57, le groupe indépendantiste a assuré vouloir prôner l’ouverture et le partage avec les oppositions. Ce vendredi, trois autres candidats se sont d’ailleurs présentés face au candidat indépendantiste, dont l’élection n’était qu’une « formalité », selon les propos d’une élue de l’opposition. Le président sortant, battu dans les urnes, Édouard Fritch, a recueilli les 16 voix de son groupe, et l’ancienne députée Nicole Sanquer a recueillie les 3 voix des élus non-inscrits appartenant sa jeune formation politique, formé en 2020 en rupture avec le Tapura Huira’atira d’Édouard Fritch.
Communauté des Îles Marquises
Autre candidat, Benoît Kautai, élu et maire de l’archipel des Marquises, a profité de la tribune pour envoyer un message aux indépendantistes : « si l'archipel de la société a voté pour le parti indépendantiste, c'est un choix que nous devons respecter, mais il n'y a aucune raison pour que le peuple Marquisien numériquement inférieur soit trainé dans un processus qu'il n'a pas choisi ». Les îles Marquises, annexée avant Tahiti et les autres îles de Polynésie puis rattachées à l’ancienne colonie, ont largement voté pour les listes autonomistes lors des territoriales. « Les îles Marquises est l'archipel le plus attaché à l'autonomie, le plus ancré dans la République française », a-t-il.
L’élu a souhaité également défendre le projet de Communauté des Îles Marquises : un projet politique permettant à ces îles situées à 1 500 km au nord-est de Tahiti de gagner en compétence de gestion (économie, tourisme, transports, culture, artisanat), s’inspirant des « provinces de Nouvelle-Calédonie ». « Il s'agit d'un projet prioritaire sur lequel nous souhaiterions travailler », a-t-il ajouté, « Ce projet sera synonyme d'autogestion et de développement maîtrisé. Le projet de décentralisation de la Terre des Hommes ne date pas d'aujourd'hui », a conclu l’élu marquisien avant finalement de retirer sa candidature.
Déjà présent jeudi pour l’élection du président de l’Assemblée territoriale, Roch Wamytan, membre de l’UC et président indépendantiste du Congrès calédonien, a appelé à « tirer un avantage maximum de ces leviers politiques et institutionnels » désormais entre les mains du parti indépendantiste polynésien. En Nouvelle-Calédonie, les indépendantistes sont également aux commandes du Congrès, du gouvernement et de deux provinces sur trois. « Cette année, il sera important d’assurer une proximité pour faire avancer nos dossiers dans nos discussions avec le gouvernement français » a-t-il poursuivi.
Passation et annonce du gouvernement
Après avoir été élu, une passation de pouvoir a eu lieu entre Moetai Brotherson et Édouard Fritch, non plus à l’Assemblée territoriale mais au palais présidentiel de l’avenue Pouvanaa a Oopa. Si Moetai Brotherson arrive avec un nouveau programme économique et social, des dossiers au long cours ont été passés entre les deux présidents : celui de l’organisation des épreuves de surf des JO de Paris 2024, les nombreux dossiers sur le tourisme ou encore, « les relations avec les communes et les circonscriptions administratives ».
La nomination du gouvernement de Moetai Brotherson aura lieu lundi. Mais déjà des noms sont connus : Eliane Tevahitua a été annoncée à la vice-présidence, chargée de la Culture, de l’Enseignement supérieur et de la Recherche. Elle serait la première femme à occuper le poste. Jordy Chan, jeune ingénieur des ponts et chaussées, est attendu à l’Équipement ; Rony Teriipaia, agrégé en Re’o Ma’ohi, à l’Éducation ; et Vannina Crolas, secrétaire générale du parti indépendantiste, à la Fonction publique. D’après la presse locale, Chantal Minarii Galenon, élue indépendantiste mais aussi présidente du Conseil des Femmes de Polynésie, devrait être nommée à la Solidarité, au Logement et à l’Aménagement.