Point d’orgue de cette visite en Nouvelle-Calédonie, le président de la République a prononcé un discours sur la Place des Cocotiers, à Nouméa, devant la statue de la poignée de main historique entre Jean-Marie Tjibaou et Jacques Lafleur. Il a appelé, dans ce discours, à construire « un pacte de Nouméa », de « pardon et d’avenir ».
« Il faut savoir tresser deux chemins : le chemin du pardon et de l'ambition commune et de l'avenir », a déclaré le chef de l’État devant environ 8 500 personnes rassemblées Place des Cocotiers à Nouméa, devant la statue de figures tutélaires Jean-Marie Tjibaou et Jacques Lafleur, et la nouvelle Place de la Paix.
Ce mercredi après-midi, en clôture d’un déplacement de 2 jours, le président de la République a souhaité s’adresser directement aux Calédoniens dans un format rappelant quelques prédécesseurs, tels que Jacques Chirac ou Valéry Giscard D’Estaing. Cinq ans auparavant, Emmanuel Macron avait tenu son discours au théâtre de l’Île, durant lequel il avait déclaré, quelques mois avant le premier référendum d’autodétermination, que « la France serait moins belle sans la Nouvelle-Calédonie ».
« Je suis heureux de revenir ici et en cinq ans un chemin courageux a été parcouru, le destin de la Nouvelle-Calédonie s'est précisé » a-t-il déclaré, « en 5 ans, nous avons avancé, les consultations se sont tenues. Elles ont été organisées dans le respect des règles démocratiques, l'État a veillé à la bonne tenue du scrutin ». Si les trois référendums se sont en effet bien tenus, donnant le « non » à l’indépendance vainqueur, le troisième et dernier scrutin est entaché par le boycott des indépendantistes, politiques et coutumiers.
« Je ne mésestime pas les aspirations déçues de ceux qui défendaient un tout autre projet mais je leur dis à tous : nous devons avoir collectivement la grandeur d'accepter ces résultats et de construire ensemble la suite » leur a-t-il glissé. « Je suis venu vous dire très solennellement, avec respect et humilité, que je serai aussi, avec vous toutes et tous, le président d'un nouveau projet. Je veux le bâtir avec vous. Celui de la Nouvelle-Calédonie dans la République » a-t-il ajouté.
« Blessé » par l’absence de certaines formations indépendantistes
« Mon souhait est que nous bâtissons ensemble un statut nouveau pour prévoir des institutions, de la stabilité dans le temps, de la visibilité dans le temps, de la reconnaissance de tous mais pas des rendez-vous tous les ans où on vote » a-t-il poursuivi, développant un « projet d'avenir (…) pour une société plus ambitieuse » et « une puissance océanienne, véritable levier de rayonnement ». « La base est un projet économique et social. Les jeunes auront un avenir », a-t-il insisté.
Le chef de l’État s’est aussi dit « blessé » par l’absence de certaines formations indépendantistes plus tôt ce mercredi, lors d’une « réunion de travail avec les parties prenantes aux négociations sur l’avenir de la Nouvelle-Calédonie ». L’Union calédonienne et le Rassemblement démocratique océanien, membres du FLNKS, avaient indiqué ne pas vouloir prendre part à ce format. « Il ne faut pas accepter, en quelque sorte, les diktats, de ceux qui ne savent plus trop où est leur base et qui viennent là en disant : « n'y allons pas parce que peut-être, tous ne seront pas d'accord » », a estimé le chef de l’État.
Emmanuel Macron est ensuite revenu sur la remise de l’acte de possession de la Nouvelle-Calédonie de 1853, qu’il avait faite lors de sa visite de 2018. Une « erreur » a-t-il admis : « J'ai compris qu'il fallait bâtir un chemin avec plus d'humilité et de temps (…). J'ai compris que l'erreur que j'avais faite, c'était de penser qu'un acte unilatéral pouvait venir changer un autre acte unilatéral. Ça ne correspond pas, ni à la cosmogonie mélanésienne, ni au fond, au récit, à l'histoire, à la force kanak, et calédonienne ». « Le chemin du pardon est un chemin de fraternité, de vérité et de courage » a-t-il ajouté, « j'y suis prêt, je pense que ce chemin est important, il faut le faire ensemble avec beaucoup d'humilité ».
« Avancer sur le dégel du corps électoral »
« À court terme il faut avancer sur le dégel du corps électoral » a également déclaré le chef de l’État qui évoque un dégel avant les provinciales de 2024. « Je souhaite une révision de la constitution début 2024. Je vous demande d'engager un travail pour faire advenir une citoyenneté pleine et entière fondée sur un contrat social fait de devoirs et de droits, pas juste fondée sur une inscription à la liste électorale » a-t-il expliqué, en prévenant qu’il ne sera « pas question de revenir sur les acquis ».
Sur le nickel, Emmanuel Macron souhaite que le minerai emblématique de la Nouvelle-Calédonie soit « pris en compte dans la législation européenne pour les matières premières critiques ». « Une partie du nickel est stratégique, une autre moins, on doit réorienter une partie de la production pour aller vers les bons produits », a-t-il ajouté. Et face à des usines qui peinent à trouver leur rentabilité, le chef de l’État appelle à « bouger la doctrine nickel et les équilibres de production », à la « refonte du système énergétique » dépendant des énergies fossiles, et à « un projet nickel d'avenir ».
Lors de ce déplacement, le chef de l’État a souhaité mettre en avant d’autres sujets, outre l’avenir institutionnel de l’archipel, notamment la stratégie indopacifique, l’environnement, le modèle économique, la jeunesse ou encore l’agriculture. Sur ce sujet, il assure que l’État « va aider pour faire une production plus compétitive » a-t-il annoncé, estimant aussi que, « lucide, l'immense défi sera le foncier ». « Il faut aménager le foncier, permettre aux jeunes de reprendre à un bon coût, l'Adraf sera réformée à faire de l'aménagement foncier dont nous avons besoin. La leçon de Moindou, c'est celle-là je l'ai retenue », a-t-il déclaré.
Emmanuel Macron a aussi mis en avant un « modèle économique permette de construire un modèle social plus vertueux », « plus juste », plus soucieux des « inégalités entre les femmes et les hommes ». Sur l’Indopacifique, le chef de l’État souhaite « conforter la Nouvelle-Calédonie comme une puissance océanienne ». « La France offre la véritable indépendance qui construit un projet d'avenir universel », a-t-il insisté, mettant en garde contre les « hégémonies et impérialismes ».
Une « académie du Pacifique » en Nouvelle-Calédonie
Sur un plan plus militaire, Emmanuel Macron a rappelé que la nouvelle loi de programmation dans ce domaine concernait la Nouvelle-Calédonie à hauteur de 18 milliards de Fcfp et 200 militaires supplémentaires. « Nous allons redoubler d'ambition » a-t-il assuré, annonçant une « académie du Pacifique ici même pour former des militaires de toute la région ».
« Nous avons une réponse à apporter » sur le climat, a également déclaré le président. « Notre réponse c'est le mariage d'une nation qui sait réconcilier la voix d'un peuple autochtone et de grandes puissances scientifiques ». Emmanuel Macron en a profité pour annoncer remplacement du navire de l'Ifremer, et aussi, pour la région, des investissements « importants » de l’AFD au Vanuatu et en Papouasie-Nouvelle-Guinée, prochaines escales de sa tournée océanienne. En Nouvelle-Calédonie, « 760 millions de francs sont mobilisés pour » la biodiversité.
Un « pacte de Nouméa » du pardon et de l’avenir
« En cinq ans, nous avons fait beaucoup. Et nous n'avons pas le droit d'en rester là » a-t-il poursuivi, exprimant une nouvelle fois son refus du « sur place ». « Nous devons construire aujourd'hui notre avenir, pour les plus jeunes qui sont ici, et les générations qui nous succéderont (…). Ce que je veux avec vous c'est bâtir ce chemin de pardon et ce chemin d'avenir », a insisté Emmanuel Macron, concluant sur un « pacte de Nouméa » : « qui engage tout le monde, un pacte qui doit nous conduire à sortir du face à face des uns et des autres, un pacte de respect et d'ambition, de tradition et d'ambition. Un pacte d'enracinement et universel. Ce pacte du pardon et de l'avenir ».