En Nouvelle-Calédonie, industriels et élus veulent croire à un avenir pour la filière du nickel et attendent beaucoup des choix qui seront faits après la remise d'un rapport préoccupant sur le principal pilier de l'économie du "Caillou".
Rendu public le 1er août, cet audit de l'Inspection générale des finances (IGF) et du Conseil général de l'économie (CGE) questionne la stratégie concernant ce métal, objet d'intenses débats entre indépendantistes et loyalistes. "Le rapport montre ce que donne la stratégie nickel actuelle et, tristement, cela donne des entreprises qui ne sont pas rentables", commente Béatrice Pierre, présidente de Prony Resources, usine hydrométallurgique orientée vers les batteries.
Alors que le nickel est l'un des métaux stratégiques les plus demandés sur les marchés mondiaux en raison de la transition énergétique, les trois sociétés qui assurent sa production en Nouvelle-Calédonie (la Société le Nickel / SLN, Koniambo Nickel SAS et Prony) subissent des pertes depuis douze ans, indique le rapport. "Aujourd'hui, nous savons ce que l'on doit faire" pour être rentable, estime la patronne de Prony.
Première recommandation: augmenter la production des usines pour atteindre leur capacité nominale tout en réduisant leurs coûts, élevés au regard de la concurrence internationale.
L'audit rappelle en outre que les pays de l'Union européenne pourraient être confrontés à de graves difficultés d'approvisionnement en nickel pour la fabrication des batteries.
Or ce marché porteur échappe à la SLN et à KNS, deux usines pyrométallurgiques qui produisent des ferronickels essentiellement utilisés dans les alliages inoxydables. L'IGF leur recommande de développer la production de mattes, un produit plus concentré en nickel utilisable dans les batteries après raffinage.
La SLN doit engager une étude et KNS a déjà procédé à des tests au travers de filiales de son actionnaire Glencore pour transformer son ferronickel en "nickel batterie". "Dix pour cent de notre production en 2023 pourrait intégrer cette filière", estime Alexandre Rousseau, directeur de la communication de Koniambo Nickel.
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"Bataille" de l'énergie
Autre enjeu: l'énergie utilisée par les industriels calédoniens, qui est particulièrement carbonée et dont les dépenses "peuvent être deux fois supérieures à celles de leurs concurrents indonésiens", relève le rapport. "C'est la mère des batailles et c'est ce qui nous tire vers le bas", résume Jérôme Fabre, directeur général de la SLN.
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Les investissements nécessaires sont chiffrés à 4,15 milliards d'euros pour la conversion des deux centrales à charbon existantes en centrales à gaz, un développement de l'énergie photovoltaïque, des stockages via des batteries et des stations de transfert d'énergie par pompage. Ces solutions coûteuses ne pourront être prises en charge que par l'État, a reconnu le président Emmanuel Macron à Nouméa fin juillet. Et elles ne se concrétiseront que dans plusieurs années.
Pour retrouver des marges de manoeuvre, les rapporteurs évoquent également une "réforme du contrôle des exportations", notamment pour KNS et Prony dont les ressources sont classées en réserve géographique métallurgique - l'export de minerai leur est donc interdit.
"C'est quelque chose qui pourrait nous être bénéfique", confirme Béatrice Pierre, "et c'est très faible, on parle de 300.000 tonnes alors que nous excavons presque 12 millions de tonnes par an".
D'autres orientations relèvent de décisions politiques. C'est le cas des participations des collectivités au capital des usines, que le rapport propose de revoir à la baisse, et d'une réforme de la fiscalité pour un meilleur partage de la valeur ajoutée.
"Le nickel a toujours été un socle des accords politiques calédoniens", remarque Christopher Gygès, secrétaire général des Loyalistes (non-indépendantistes). "Nous souhaitons un grand accord depuis le début et la question du nickel doit être au centre de ça".
Sollicité par l'AFP, le camp indépendantiste a souhaité se concerter avant de communiquer. Les recommandations du rapport mettent à mal sa doctrine, qui prévoit de ne pas exporter de minerai brut - sauf à destination des usines offshore détenues par des intérêts calédoniens -, de maîtriser la ressource et de viser une participation majoritaire des collectivités au capital des outils de production.
Une réunion est prévue en septembre, à la suite de discussions sur l'avenir institutionnel de l'archipel prévues à Paris fin août. "C'est important que ces discussions politiques et industrielles avancent pour que l'on sache quelle sera la stratégie du pays", relève le patron de la SLN. "Est-ce que les choix permettront aux usines de survivre, ou alors est-ce que nous sommes amenés à n'avoir qu'une activité minière?"
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Avec AFP