Sécurité, relations État-Pays, vie chère : Gérald Darmanin dresse le bilan de son déplacement en Polynésie

Sécurité, relations État-Pays, vie chère : Gérald Darmanin dresse le bilan de son déplacement en Polynésie

Le ministre de l’Intérieur et des Outre-mer, Gérald Darmanin, a conclu son déplacement en Polynésie française en accordant une interview aux chaînes locales Polynésie La 1ère et TNTV. Il a notamment évoqué la sécurité, les relations entre l’État et le Pays, les essais nucléaires, la vie chère ou encore, l’environnement et le réchauffement climatique. 

Sécurité : La Polynésie française, « territoire le plus sûr de la République »

« La Polynésie française est sans doute le territoire le plus sûr de l’ensemble des Outre-mer et de la République française » a assuré ce samedi soir Gérald Darmanin, qui a conclu son déplacement de 4 jours en Polynésie, qui l’a amené à Teahupo’o, à Moorea, aux Marquises et aux Tuamotu. « C’est le territoire où il y a le moins de délinquance, de crimes, d’attaques contre les personnes, les biens, les logements, les voitures ».

Toutefois, le ministre de l’Intérieur n’a pas nié les problématiques qui concernent à la fois la Polynésie et le cœur de ses compétences au gouvernement. Il cite notamment les violences intrafamiliales et les violences sur les femmes, la sécurité routière et la lutte contre le trafic de stupéfiants. Sur la première problématique, le ministre avait annoncé jeudi l’envoi de deux nouvelles brigades de gendarmerie, de 10 effectifs chacune, dont une spécialisée sur la lutte contre les violences intrafamiliales et contre les femmes, « très importantes en Polynésie ».

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Sur la lutte contre les trafics de drogue, méthamphétamines -localement appelée « ice »- et cannabis en particulier, Gérald Darmanin évoque l’arrivée de « quatre chiens formés pour la gendarmerie nationale et la douane pour lutter contre l’ice » et « un renfort aussi de la police aux frontières à l’aéroport ». « Nous allons aussi faire un travail avec les douaniers pour pouvoir renforcer la lutte au sein de ce qu’on appelle l’OFAST : au mois de septembre, j’aurais l’occasion d’annoncer des renforts en effectifs et en moyens pour qu’en Polynésie comme ailleurs on lutte contre la drogue ». 

Le ministre a appelé une nouvelle fois les maires polynésiens à se saisir des fonds de l’État dédiés à l’installation de caméras de surveillance : « ça aide les enquêteurs à retrouver les auteurs, à connaître les modes opératoires et ça aide le procureur de la République, le parquet, les juges à avoir des preuves pour condamner les personnes ». « La Polynésie est très en retard pour le nombre de caméras de vidéo-protection » a-t-il regretté, assurant que « tous les maires de Polynésie, singulièrement ceux qui sont ici à Tahiti ou à Moorea, peuvent obtenir de l’État beaucoup d’argent pour installer ces caméras ».

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Sur le retour des fonctionnaires de police ultramarins sur leur territoire d’origine, et plus précisément du retour des policiers polynésiens en Polynésie, Gérald Darmanin rappelle qu’en « Polynésie française, plus de 95% des policiers qui sont ici sont des Polynésiens » et que « plus de 50% des gendarmes qui sont Polynésiens, c’est un chiffre qui n’est atteint dans aucun autre Outre-mer ». « On ne peut pas faire que tous les Polynésiens qui servent en métropole ou en Outre-mer reviennent ici, il faudrait créer des centaines de postes » a estimé le ministre.

Le premier flic de France appelle plutôt à une montée en grade : « Il faut encourager les Polynésiens à passer des concours pour devenir officier ou commissaire de police ». « Ce qui m’intéresse c’est la compétence et le service » a-t-il poursuivi, ajoutant : « Il n’y a pas assez de Polynésiens à des postes de responsabilité : j’ai demandé au HC de repérer les meilleurs cadres (…) pour pouvoir les amener vers le poste d’officier ou de commissaire de police, et de les nommer en Polynésie comme ailleurs ». En outre, le ministre a annoncé un doublement des effectifs des réservistes au sein de la police et de la gendarmerie.

Réchauffement climatique : « La France va mettre les moyens »

Rappelant le « danger imminent » qui guette les îles et particulièrement les atolls polynésiens, le ministre a assuré que « la France va mettre énormément de moyens pour aider à ce qu’il n’y ait pas de réfugiés climatiques ». D’abord des moyens scientifiques, « c’est par la science française qu’on arrivera à lutter contre ce réchauffement climatique », mais aussi des moyens financiers, a assuré Gérald Darmanin, citant le fonds Macron pour la construction d’abris de survie -le ministre a inauguré samedi celui de l’atoll de Kaukura, qui sert aussi d’école- ou encore pour des infrastructures assurant la transition énergétique. Il a d’ailleurs confirmé le soutien de l’État pour « l’hybridation photovoltaïque » de la centrale thermique de cet atoll.

Relations État-Pays : « Je n’ai pas peur d’aller aux Nations Unies »

En mai dernier, les relations entre l’État et la Polynésie sont entrées dans une nouvelle dimension, inédite, avec l’arrivée des indépendantistes au pouvoir, exécutif comme législatif. Et si ce n’est pas la première fois que le parti indépendantiste est aux commandes, c’est la première fois qu’il dispose d’une majorité solide pour mener les affaires du Pays, et selon la vision souverainiste portée par son fondateur et leader historique, Oscar Temaru.

Durant sa visite, Gérald Darmanin a notamment été amené à se positionner sur la modification constitutionnelle impliquant la Nouvelle-Calédonie, les élus polynésiens souhaitant en profiter pour introduire, par exemple, la notion de citoyenneté pour la protection du foncier ou de l’emploi. « Cette demande n’est pas encore claire, il n’y a pas eu de délibération votée par l’Assemblée de Polynésie, mais elle sera entendue » a assuré Gérald Darmanin qui renvoie toutefois à l’arbitrage du chef de l’État, « c’est lui qui modifiera ou qui peut demander la modification de la Constitution ». 

« Ce qui compte d’abord pour les Polynésiens, c’est l’efficacité de ce que nous faisons : est-ce qu’ils ont accès à l’école, à la santé, à l’emploi, est-ce que la vie est moins chère, est-ce qu’on peut lutter contre les monopoles, contre le réchauffement climatique, comment on lutte contre la drogue, comment les enfants des Marquises peuvent continuer à faire leurs études à Papeete, comment Papeete ne prend pas tout le pouvoir, comment les enfants de Papeete peuvent continuer à faire leurs études en métropole ? C’est ça que veulent les Polynésiens, pas des discussions institutionnelles qui me semble-t-il plaisent qu’aux élus mais pas à la population » a-t-il ensuite développé le ministre.

Toutefois, « si en revanche le président Brotherson et son exécutif pensent et démontrent que c’est par des changements institutionnels que nous serons plus efficaces pour les Polynésiens, je dis chiche » a-t-il ajouté. En attendant, Gérald Darmanin rendra compte de cette demande au Président de la République à son retour à Paris, a-t-il assuré. 

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Autre souhait des élus indépendantistes : que la France participe aux débats de la Commission chargée des questions de décolonisation concernant la Polynésie, réinscrite sur la liste des territoires non autonomes à décoloniser depuis 2013. La France, et son ambassadeur aux Nations Unies particulièrement, est accusée de jouer le jeu de la chaise vide, contrairement aux débats calédoniens. « Il peut y avoir dans l’attitude de la France dans les années précédentes une forme de ce qui a pu apparaître comme du mépris, ce n’est pas le cas » tempère Gérald Darmanin qui assure « ne pas avoir peur d’aller aux Nations Unies », comme il l’a récemment fait pour la Nouvelle-Calédonie.

« C’est au Président de la République de décider de la position de la France aux Nations Unies » a-t-il rappelé, estimant toutefois qu’ « il n’y a pas à décoloniser la Polynésie ». « C’est aujourd’hui les Polynésiens qui dirigent la Polynésie française ». La prochaine réunion de la Commission onusienne chargée des questions de décolonisation est prévue en octobre prochain. Les indépendantistes polynésiens, Moetai Brotherson en premier, surveilleront de près la position de la France vis-à-vis de ce territoire.

Interrogé sur les invitations de dignitaires lancées par le président de la Polynésie pour les épreuves de surf des JO de Paris 2024, Gérald Darmanin a donné raison à Moetai Brotherson : « il a raison de faire flotter ici dans le Pacifique les drapeaux français et polynésiens », dit-il, « ce sera une très belle diplomatie régionale pour lui et pour la Polynésie ». « Je l’ai dit que, personnellement, je pense que la Polynésie devrait avoir davantage de pouvoir diplomatique », pour mener des accords commerciaux ou culturels avec ses voisins régionaux, a-t-il ajouté. « Que le président Brotherson puisse discuter avec les représentants des îles du Pacifique, avec les Mélanésiens qui sont les frères et les cousins des Polynésiens, je trouve cela tout à fait normal ».

Essais nucléaires : « Tous les engagements sont tenus »

Si le sujet n’a pas été évoqué durant ce déplacement, où aucune séquence n’était dédiée à ce lourd passif entre l’État et la Polynésie, les conséquences sanitaires et environnementales des essais français en Polynésie demeurent au cœur des discussions entre l’État et le Pays. « La souffrance que vivent les Polynésiens me touche profondément et je crois que nous devons continuer l’accompagnement que souhaitent les Polynésiens, tout en regardant vers l’avenir » a déclaré Gérald Darmanin qui assure que « tous les engagements pris il y a deux ans (par Emmanuel Macron lors de la table ronde sur les conséquences des essais et lors de sa visite en juillet 2021, ndlr) sont tenus ».

« L’État met beaucoup de moyens pour reconnaître ses fautes, sa dette » a assuré le ministre qui évoque un prochain déplacement « avec le ministre des Armées, pour évoquer cette question ». En attendant, le ministre de l’Intérieur et des Outre-mer a assuré que des missions sont menées pour chiffrer la compensation financière de la Caisse locale de prévoyance sociale, qui a pris en charge les dépenses sanitaires liées aux essais avant l’arrivée de la loi Morin, pour également lever les doutes et inquiétudes sur les maladies trans-générationnelles ou encore, pour réfléchir à une indemnisation forfaitaire défendue par le gouvernement Brotherson.

« Le président Brotherson a demandé une mission indépendante que nous lui avons accordée, attendons les conclusions de cette mission » a dit Gérald Darmanin à au sujet des indemnisations forfaitaires demandées pour pallier le système d’indemnisations actuel, jugé encore insuffisant. « Il faut objectiver (…) et sur cette base objective, le gouvernement de la République française s’engagera » a assuré le ministre qui appelle à « regarder l’avenir » tout en concédant que « ce dossier ne sera jamais vraiment derrière nous ».

Vie chère : Une mission sur les monopoles en Outre-mer

Regarder l’avenir, c’est aussi selon le ministre poursuivre la lutte contre la vie chère. Et après les premières initiatives en la matière, prises notamment par l’ancien ministre délégué Jean-François Carenco, mais qui concernaient essentiellement les Départements et Régions d’Outre-mer, Gérald Darmanin a annoncé une mission sur les monopoles dans les territoires ultramarins, à commencer par la Polynésie.

« J’entends le président Brotherson quand il nous invite à lutter contre les monopoles économiques et il y a trop de monopoles économiques en Outre-mer et en Polynésie française. C’est pour ça que je vais lancer une mission dès mon retour à Paris, avec le ministre délégué aux Outre-mer Philippe Vigier qui va piloter cela, pour faire le constat des monopoles en commençant par la Polynésie, et on va proposer au président Brotherson de travailler ensemble pour lutter contre ces monopoles car quand il y a des monopoles, il y a des prix très élevés et quand il y a des prix très élevés ce sont les Polynésiens du quotidien qui n'arrivent pas à s'en sortir », a-t-il expliqué.

Indopacifique : « Se méfier des gros voisins impérialistes »

« La France aujourd’hui protège, par ses valeurs, la Nouvelle-Calédonie, Wallis et Futuna et la Polynésie. Quand il y a un problème, la France est là » a déclaré le ministre sur une séquence portée sur l’axe indopacifique. « Il faut se méfier des gros voisins, qui sont très impérialistes, qui ont un gros chéquier, mais qui n’ont pas les mêmes valeurs que nous » a-t-il ajouté, pointant plus précisément les appétits de la Chine dans cette région du globe, disputée avec les États-Unis et ses alliés.

« Si demain les Polynésiens souhaiteraient avoir plus de pouvoir, d’indépendance, notre travail c’est de pouvoir les aider à être plus autonomes, économiques, alimentairement » a-t-il aussi déclaré en référence à ses propos lors de son arrivée, propos vivement critiqués par le parti indépendantiste et Oscar Temaru en tête. Et en parlant d’autonomie, Gérald Darmanin a salué « l’incroyable ouverture d’esprit et l’écoute du président Brotherson » concernant la demande des maires marquisiens qui aspirent à davantage de décentralisation et d’autonomie vis-à-vis de Tahiti et Papeete. 

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« Bien sûr c’est grâce à la Polynésie et la Nouvelle-Calédonie que la France est une grande puissance, mais l’inverse est vrai aussi, c’est parce qu’il y a la France en Polynésie et en Nouvelle-Calédonie que nous sommes libres, démocratiquement indépendants » a-t-il aussi dit. « La Polynésie et la Nouvelle-Calédonie ont nourri la France, lui ont permis d’être plus belle, plus autonome, plus grande, et en même temps la France a aidé la Nouvelle-Calédonie et la Polynésie à être libres ».

Une aide à Hawaii

« Si le gouvernement américain souhaite une aide particulière, nous l’apporterons » a assuré Gérald Darmanin, au lendemain du violent incendie qui a détruit 80% de la petite ville hawaiienne de Lahaina, sur l’île de Maui, et tué plus d’une centaine de personnes. Pour la Polynésie, il annonce aussi avoir « décidé avec le président Brotherson que la France paierait une étude sur la sécurité civile pour voir comment on peut créer un centre d’incendie et de secours contre les calamités en Polynésie ».

Darmanin 2027 ?

« En tant que citoyen engagé, je m’inquiète pour mon pays » a déclaré le locataire de la Place Beauvau, naturellement amené sur une probable candidature en 2027, que l’ancien président Nicolas Sarkozy appelle de ses vœux. « Mon travail d’homme politique c’est d’alerter le plus possible les médias, les penseurs, les intellectuels, la population, mes collègues ministres, l’opposition face au désastre Le Pen » a-t-il poursuivi.

« J’ai 40 ans, je suis ministre de l’Intérieur et des Outre-mer, c’est un poste absolument magnifique, un travail considérable mais un grand honneur pour moi et je ne pense pas à autre chose que d’essayer d’être le meilleur possible à ma place, et je servirais mon pays à la place qui sera la mienne plus tard », a conclu le ministre.