En Polynésie, Gérald Darmanin plaide « l’autonomie alimentaire, économique, agricole » avant « de penser à autre chose »

©Haut-commissariat de la République en Polynésie

En Polynésie, Gérald Darmanin plaide « l’autonomie alimentaire, économique, agricole » avant « de penser à autre chose »

Le ministre de l’Intérieur et des Outre-mer a démarré ce mercredi un déplacement de 4 jours en Polynésie, accompagné par la ministre des Sports et le ministre délégué aux Outre-mer. Un déplacement tourné notamment vers l’organisation des épreuves de surf de Paris 2024, dans un contexte politique de changement de relations avec Paris à la faveur de l’arrivée des indépendantistes à la tête du « Pays ». Reportage sur place avec nos partenaires de TNTV.

Il y a cinq ans, Gérald Darmanin effectuait une visite en Polynésie en tant que jeune ministre de l’Action et des Comptes publics, accueilli par l’ancien président de la Collectivité d’Outre-mer Édouard Fritch, autonomiste. Cinq ans plus tard, l’ambitieux numéro 3 du gouvernement revient dans une Polynésie dirigée par le parti indépendantiste d'Oscar temaru, avec l’ancien député Moetai Brotherson, qualifié de modéré, à la tête de l’exécutif et Antony Geros, maire de Paea et figure d’une ligne plus ferme, à la tête du législatif local.

Dès son arrivée à l’aéroport international de Tahiti-Faa’a, mercredi matin (en fin d’après-midi à Paris) le ministre de l’Intérieur et des Outre-mer a répondu aux questions des journalistes présents à son arrivée. « Nous sommes très heureux d’être en Polynésie et d’être accueillis par le président du gouvernement », a-t-il déclaré en préambule.

Cette visite est notamment destinée à faire le point sur les préparatifs de l’épreuve de surf des Jeux Olympiques qui se déroulera, l’année prochaine, sur le spot de Teahupo’o. « Ce qui m’intéresse, aujourd’hui, c’est de pouvoir accompagner le gouvernement polynésien avec la ministre de Sports pour la grande épreuve du surf, qui est très importante pour l’ensemble de notre pays et pour la Polynésie », a-t-il diten précisant que des « moyens renforcés de police et de gendarmerie » seront déployés pour la durée de l’évènement.

Interrogé sur la participation des élus indépendantistes polynésiens à la prochaine réunion du Comité spécial de la décolonisation des Nations Unies, Gérald Darmanin a indiqué s’y être rendu il y a quelques mois, « pour la première fois pour un ministre de l’Intérieur », « pour parler de la Nouvelle-Calédonie ». « Je sais que le président du gouvernement -Moetai Brotherson, Ndlr- a eu des échanges avec le président de la République et vous comprendrez bien que ce ne sont pas les sujets qu’il peut aborder avec moi mais avec le président de la République », a déclaré Gérald Darmanin. Puis d’ajouter : « Nous sommes respectueux du choix des Polynésiens. Vous aurez constaté que j’ai félicité le président Brotherson dès son élection (…). Des gestes ont été faits de part et d’autre pour rassembler tous les Polynésiens ».

Grands investissements

Le ministre de l’Intérieur a également indiqué vouloir discuter avec les élus locaux du « réchauffement climatique » car « la Polynésie sera en premier touchée », à l’occasion d’une visite sur l’atoll de Kaukura aux Tuamotu. « C’est ce qui touche la jeunesse et cela mérite de grands investissements de la part de l’État ». « C’est aussi le cas du développement économique. J’ai entendu de la part du président du gouvernement qu’il considérait qu’il y avait encore beaucoup de travail économique à faire (…). Quand on voit qu’on ne produit que 35% de ce que l’on consomme en Polynésie, il faut d’abord faire l’autonomie alimentaire, me semble-t-il, l’autonomie économique, agricole, plutôt que de penser à d’autres choses » a-t-il encore estimé.  

Le ministre de l’Intérieur entend enfin aborder « d’autres sujets institutionnels » avec ses interlocuteurs. « Je vais également aux Marquises et les Marquises ont aussi demandé un certain nombre d’évolutions institutionnelles. Est-ce qu’elles sont toutes bonnes pour le gouvernement de la Polynésie française ? Il faut qu’on en discute », a-t-il conclu.

Sitôt après avoir quitté l’aéroport et une étape au Monument aux morts de Papeete, les trois ministres ont entamé des rencontres protocolaires. Ils ont été reçus à la Présidence par Moetai Brotherson. Une rencontre pour faire un tour d’horizon des nombreux dossiers intéressant le Pays et l’État : l’aéroport international de Tahiti-Faa’a et celui (envisagé) des Marquises, le triplement de la capacité de pêche sur 10 ans, la hausse de la Dotation globale d’autonomie (DGA) versée annuellement par l’État et, bien sûr, l’organisation de l’épreuve de surf des prochains Jeux Olympiques.

Les conséquences des essais nucléaires ont également occupé une partie des discussions. « On en parle à chaque fois que l’on se voit (…). Ce n’est pas une surprise pour eux. Ils savent que ce dossier est là et ne va pas s’en aller. Il faudra bien, à un moment donné, trouver une solution conjointe qui pourra satisfaire tout le monde. En tant que président du Pays, ce qui me satisferait, c’est que l’État assume pleinement ses responsabilités (…), qu’on puisse se mettre d’accord sur le statut des victimes, sur les modalités d’indemnisation et le remboursement des sommes qui ont été portées par la CPS », a indiqué, à l’issue de la rencontre, Moetai Brotherson.

Le gouvernement local chiffre ce dernier point à environ 100 milliards de Fcfp (près de 838 millions d’euros). Un décompte que ne partage pas l’État. « Il faudra peut-être envisager de faire une étude commune pour aboutir à des chiffres sur lesquels on peut s’entendre », a souligné le président de la Polynésie. Moetai Brotherson est également revenu sur la prochaine réunion du Comité spécial de la décolonisation aux Nations-Unies qui se tiendra au mois d’octobre : « J’en ai discuté avec le président de la République qui m’avait assuré à l’époque que la position de la France serait modifiée (…) J’ai envie de faire confiance au président de la République (…) On leur demande qu’on puisse enfin entamer le dialogue sur cette question de la décolonisation, sur le processus ».

Après le président du Pays, les trois ministres se sont rendus à l’Assemblée de Polynésie où ils ont été accueillis par le président de l’institution, Antony Géros. « La discussion s’est très bien passée (…) Ce qui est intéressant c’est que l’on a un ministre -Gérald Darmanin, Ndlr- qui connaît déjà la Polynésie », s’est félicité celui-ci. Il a notamment été question de la révision du statut de la Polynésie souhaitée par la majorité. « Il -Gérald Darmanin, Ndlr- nous a expliqué qu’il valait mieux laisser passer les Jeux Olympiques et se raccrocher au deuxième calendrier institutionnel pour présenter les projets de modifications que l’on souhaite voir apportées à la loi organique. Cela nous convient. Cela va nous laisser le temps d’interroger l’ensemble des élus de l’hémicycle », a conclu Antony Géros.

Esther Cunéo et Laure Philibert pour TNTV