La Polynésie compte faire ralentir les bateaux pour protéger les baleines

De mai à octobre, les baleines sont nombreuses dans les passes et les lagons de Polynésie pour protéger leurs baleineaux des prédateurs. Mais elles se rendent ainsi vulnérables à l'activité humaine, notamment aux navettes maritimes ©Oceania

La Polynésie compte faire ralentir les bateaux pour protéger les baleines

Deux propositions de texte, une loi du pays et une résolution, doivent être étudiées jeudi à l’Assemblée de la Polynésie pour fixer de nouvelles limitations de vitesse aux bateaux de plus de 12 mètres. Dix nœuds dans tous les lagons, en plus des limitations actuelles, et surtout 12 nœuds maximum demandés à l’État en dehors des passes et dans les zones à « risque élevé de collisions » avec les cétacés. L’objectif est d’éviter les blessures de baleines qui alarment régulièrement l’opinion. Quitte à ralentir les navettes Tahiti–Moorea : deux à six minutes supplémentaires sont à prévoir. Explications de notre partenaire Radio 1 Tahiti. 

La proposition a été rédigée par l’élu indépendantiste Tematai Le Gayic pour « passer à l’action » après « plusieurs années de débats ». Un débat qui tourne autour d’une question : faut-il ralentir les bateaux pour éviter les collisions avec les baleines.

Les professionnels de la mer se sont toujours montrés réservés, les militants environnementaux parlent d’une « nécessité ». Notamment Oceania, qui mène le programme de vigie à bord des navettes qui effectuent la liaison entre Tahiti et Moorea, particulièrement à risque vu le trafic maritime et la densité de cétacés, en saison, d’une passe à l’autre.

L’ex-député, candidat à la mairie de Papeete en mars prochain, dit avoir aussi échangé avec le photographe militant Temoana Poole, et s’est rapproché de la DPAM, du cluster maritime ou encore de l’armée pour ajuster ses propositions.

Côté lagon pour le Pays, côté océan côté État

Le résultat, ce sont deux textes distincts. Une proposition de loi du Pays d’abord, qui vient modifier le code de l’Environnement pour y intégrer une vitesse maximale de dix nœuds dans l’ensemble des lagons pendant la période de migration des baleines. Le Code, dont les dispositions sur ce point datent des années 70, ne comporte actuellement qu’une limitation à cinq nœuds dans les zones « à moins de 70 mètres d’un rivage ou d’une installation de pêche » ou une infrastructure portuaire.

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Une nouvelle obligation, plus restrictive, qui ne s’appliquerait qu’aux bateaux de plus de 12 mètres, comme celles qui sont demandées à l’État concernant la « mer territoriale », c’est à dire la zone des 12 miles nautiques après le récif. C’est une proposition de résolution qui formalise cette demande : 12 nœuds maximum dans les « zones présentant un risque élevé de collision ».

Des zones qui resteront à définir, même si le dernier mile avant les passes est le premier visé : certains bateaux arrivent dans la passe de Papeete à « au moins 25 nœuds » a relevé Oceania, pour qui il est impossible, à cette vitesse, d’éviter les accidents. Une première version des textes tablait sur des vitesses maximales plus basses, mais qui aurait pu handicaper la « manœuvrabilité » des navires. La commission de l’équipement et des transports, avant de valider les deux propositions, a aussi ajouté une obligation de consultation des communes concernées avant limitations des vitesses dans leur lagon.

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Tematai Le Gayic insiste sur le fait que ce ne sont que les plus gros bateaux qui sont visés, ceux qui peuvent infliger des blessures sérieuses aux cétacés qui s’abritent et se reposent, parfois avec leur petit, aux abords des passes et dans les lagons. Voire dans certains cas les tuer : le décès d’une baleine juvénile, fin 2024 -et qui fait toujours l’objet d’une enquête-, avait eu écho bien au-delà de la Polynésie.

Mata Tohora a aussi signalé, courant septembre de cette année, des blessures par une hélice ou une étrave d’un autre jeune animal suivi par l’association. « Des comparaisons internationales démontrent, que ce soit aux États-Unis ou en Nouvelle-Zélande, que réduire la vitesse de navigation permet véritablement de réduire les risques de collisions, et surtout les risques mortels liés à ces collisions », précise l’élu.

Deux à six minutes de trajet supplémentaire

Moins de collisions, peut-être, mais aussi plus de temps de trajet pour les navires qui seront ralentis. C’est la crainte exprimée depuis longtemps déjà par les professionnels de la mer dans ce débat. Et notamment par les compagnies de transport Tahiti-Moorea qui ont fréquemment rappelé que leurs milliers passagers, professionnels et scolaires en particuliers, n’ont pas de temps à perdre dans leur traversée.

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« Les travaux qui ont été faits par l’association Oceania montrent que ça pourrait impacter les trajets avec deux à six minutes supplémentaires », détaille-t-il. « Ce n’est pas forcément une contrainte énorme. Mais comme je l’ai dit aux acteurs économiques, la préservation des cétacés, c’est dans l’air du temps, dans le sens de l’histoire. Et surfer sur la préservation des écosystèmes peut avoir une attractivité économique pour les résidents et pour les touristes. Ils pourront mettre en avant que ce sont des acteurs économiques engagés pour protéger la baleine ». 

Les deux textes doivent être étudiés par Tarahoi ce jeudi. Une autre proposition de loi de Tematai Le Gayic est inscrite à l’ordre du jour : la réactivation de l’incitation fiscale à la création d’emploi, bien mieux accueillie par les milieux économiques.

Charlie René pour Radio 1 Tahiti