Grandes figures des Outre-mer : Paul Vergès, fondateur du Parti communiste réunionnais et l'un des pionniers sur les questions environnementales

Grandes figures des Outre-mer : Paul Vergès, fondateur du Parti communiste réunionnais et l'un des pionniers sur les questions environnementales

La série hebdomadaire d’Outremers360 sur les personnalités emblématiques qui ont marqué l’histoire des Outre-mer continue. A quelques jours de l'anniversaire du 9 ème anniversaire de son décès, nous nous intéressons aujourd’hui au parcours du Réunionnais Paul Vergès (1925-2016), fondateur du parti communiste local et détenteur d’un record de longévité politique sans précédent. Conseiller général, député de La Réunion, député européen, sénateur, président de Région, cet homme passionnément engagé pour son île fut aussi l’un des premiers parlementaires à alerter sur les conséquences du réchauffement climatique.

Paul Vergès voit le jour le 5 mars 1925 à Oubone, dans le royaume de Siam — aujourd’hui Ubon Ratchathani, en Thaïlande. Il est le fils de Khang Pham-Ti, une jeune enseignante locale, et de Raymond Vergès, médecin originaire de La Réunion et consul de France. Cette double culture marquera profondément son itinéraire et sa perception du monde. En 1931, la famille s’installe à La Réunion, où Raymond Vergès prend la tête du service de santé de la colonie. Il s’engage alors en politique, devenant maire de Saint-Denis et député à l’Assemblée constituante. Il joue un rôle clé dans l’adoption de la loi du 19 mars 1946, qui transforme La Réunion, la Guadeloupe, la Martinique et la Guyane en département français.

En 1942, Paul Vergès et son frère Jacques montent à bord du Léopard, un contre-torpilleur français venu soutenir le ralliement de La Réunion à la France libre. Ils s’engagent alors dans la Résistance. À la Libération, leurs chemins prennent des directions différentes. Paul rejoint le Parti communiste français à Paris, tandis que Jacques se lance dans des études de droit et deviendra un célèbre avocat. En 1954, Paul Vergès revient s’installer à La Réunion avec son épouse Laurence et leurs enfants. Il prend alors la tête du journal Témoignages, fondé dix ans plus tôt par son père, et débute sa carrière politique. 

Fondation du Parti communiste réunionnais

En 1955, il est élu conseiller général de Saint-Paul. L’année suivante, il accède au poste de député de La Réunion à l’Assemblée nationale, représentant le Parti communiste. Rapidement, Paul Vergès se distingue comme une figure engagée dans la lutte contre les injustices sociales et les discriminations découlant du statut colonial. En 1959, il fonde le Parti communiste réunionnais (PCR), qui s’impose comme une force politique majeure dans l’île. Le PCR, que Vergès dirigera toute sa vie, défend l’autonomie culturelle et économique de La Réunion, tout en s’inscrivant dans le cadre républicain français.

Mais la montée en puissance du PCR suscite une vive opposition de la part des autorités locales. Le journal Témoignages, qui dénonce les irrégularités électorales et publie des articles du Monde et de L’Humanité défavorables à la guerre d’Algérie, fait l’objet de nombreuses saisies. Son directeur, Paul Vergès, est accusé d’atteinte à la sûreté de l’État et condamné à plusieurs mois de prison ferme. En mars 1964, anticipant son arrestation et refusant d’exécuter sa peine, il choisit la clandestinité, qu’il maintiendra pendant vingt-huit mois. Lorsqu’il se rend aux autorités en 1966, il obtient un non-lieu.

Paul Vergès aborde les conséquences du changement climatique (2016)

Paul Vergès va par la suite enchaîner les mandats électoraux. Maire du Port (1971-1989), il est élu ensuite député européen à deux reprises (1979–1989 et 2004–2007), où il défend les intérêts des territoires ultramarins. Il siège également au Sénat de 1996 à 2004, puis de 2011 à 2016, organisme dont il deviendra le doyen d’âge. En septembre 1996, il interpelle l’opinion publique sur l’urgence de considérer les effets du réchauffement climatique comme une priorité nationale. Le 19 septembre 2001, Paul Vergès parvient à faire adopter, à l’unanimité des deux chambres parlementaires, une loi consacrant cette priorité.

L’année suivante, en 2002, il est nommé à la tête de l’Observatoire national sur les effets du réchauffement climatique (ONERC). De manière générale, les enjeux environnementaux occupent une place centrale dans son engagement politique, notamment à travers son soutien actif au développement des énergies renouvelables. « La Réunion doit tourner le dos au modèle actuel ; nous devons ouvrir la voie à un développement durable, fondé notamment sur l’objectif stratégique de l’autonomie énergétique. À un co-développement durable. La condition pour ouvrir cette nouvelle voie,  c’est que Paris prenne conscience de l’urgence de la situation, de la rapidité de l’aggravation de la crise, de la nécessité de réformer », confiait Paul Vergès dans une interview à Outremers360 en mars 2016.

En faveur d’un développement durable

De 1998 à 2010, il assume également la présidence du Conseil régional de La Réunion. Durant cette période, il s’engage activement en faveur du développement durable, de la promotion de la culture réunionnaise et de la réduction des inégalités sociales. Paul Vergès lance plusieurs initiatives dans les domaines des énergies renouvelables et de l’aménagement du territoire. À ses yeux, l’île constitue un véritable laboratoire à taille humaine, où s’expriment, dans un contexte singulier, les grandes dynamiques mondiales — démographiques, économiques et environnementales — ainsi que les contradictions propres à la fois au capitalisme et au monde en développement.

Cependant, l’influence du PCR décline. Lors des élections législatives de 2007, Paul Vergès subit une lourde défaite face à Didier Robert, un jeune candidat de l’Union pour un mouvement populaire (UMP) qui se présente pour la première fois au suffrage universel. Trois ans plus tard, ce dernier lui ravit la présidence de la Région. En 2013, affaibli, le parti se voit contraint d’organiser un « congrès de la reconstruction ». Paul Vergès s’éteint trois ans plus tard, le 12 novembre 2016 à Saint-Denis de La Réunion, à l’âge de 91 ans. Son décès marque la fin d’une époque pour la politique réunionnaise, sur laquelle l’ombre du patriarche planait depuis les années cinquante.

PM

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