Essais nucléaires : La loi du député Brotherson rejetée par l’Assemblée nationale

Essais nucléaires : La loi du député Brotherson rejetée par l’Assemblée nationale

Après un premier rejet en commission de défense, c’est en séance plénière que les députés ont écarté ce texte, qui proposait une réforme profonde des mécanismes d’indemnisation et de réparation des essais nucléaires. Le député de Polynésie Moetai Brotherson estime que les arguments mis en avant par le gouvernement central « n’augurent rien de bon » pour la table ronde du 1er et 2 juillet prévue à l’Élysée. Explications de notre partenaire Radio 1 Tahiti. 

Après un premier débat interrompu plus tôt dans la journée, la proposition de loi préparée depuis plus de deux ans par le député Moetai Brotherson, membre du parti indépendantiste polynésien siégeant au sein de la Gauche dmocrate et républicaine (GDR, parti communiste), a été rejetée tard dans la nuit, jeudi, à Paris, dans une assemblée aux rangs très clairsemés. 

Le texte présenté en niche parlementaire prévoyait d’importantes évolutions sur les réparations environnementales des essais, l’élargissement des possibilités de reconnaissance de la qualité de victime, la reconnaissance des maladies trans-générationnelles, ou encore le remboursement des sommes engagées par la Caisse de prévoyance sociale (équivalent de la sécurité sociale en Polynésie) au titre des maladies radio-induites, et le retrait du seuil d’1 millisiervert parmi les critères ouvrant droit à l’indemnisation. 

Soutien de Maina Sage et Nicole Sanquer

« Ça n’est pas une surprise, la commission de la défense avait donné le ton », a commenté le député dans une conférence de presse en visioconférence donnée dans la foulée. « Ça n’est pas pour moi que je suis déçu, c’est pour les victimes », a-t-il réagit. « Cette PPL contenait l’expression de la plupart des Polynésiens et de la plupart des associations ».

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L’élu se dit en revanche « très content » du soutien et des prises de paroles des deux autres députées de Polynésie. Nicole Sanquer et Maina Sage ont effectivement voté le texte, de même que plusieurs députés centristes, ainsi que les représentants de la France Insoumise, dont Jean-Luc Mélenchon, et le groupe de la Gauche démocrate et républicaine auquel appartient Moetai Brotherson.

Mais malgré l’absence de la plupart des parlementaires au Palais Bourbon, dont l’ensemble des élus Les Républicains, le groupe La République en Marche, qui rassemble 269 députés sur 577, a fait jouer sa majorité dans l’hémicycle. Le parti présidentiel avait déjà signifié son opposition au texte en commission. Ses représentants avaient notamment estimé que les conséquences du nucléaire et les mécanismes de réparations et d’indemnisations devaient d’abord être « mis à plat » lors de la table ronde de haut-niveau convoquée par l’Élysée le 1er et 2 juillet à Paris.

Emmanuel Macron doit s’y exprimer lui-même, avant d’éventuelles annonces qui pourraient être formulées sur le sujet lors d’une visite présidentielle en Polynésie, entre les mois de juillet et d’août. Une « forme de confiscation du débat parlementaire au profit de la lumière de Jupiter », dénonce Moetai Brotherson qui se dit « choqué » par cette « attitude récurrente de la majorité ».

« Données factuelles » et « mauvaise foi »

Lors des débats, le ministre de la Santé Olivier Véran a expliqué « comprendre l’émotion et la sensibilité du sujet », mais s’est dit « aussi sensible aux données factuelles ». Il a notamment expliqué que la suppression du seuil d'1 millisiervert introduit dans la loi Morin par l’amendement Tetuanui, serait un « remède pire que le mal », et empêcherait les indemnisations plus qu’elle ne les ouvrirait. 

Plus tôt, la ministre des Armées Florence Parly avait reconnu des possibilités « d’améliorer » les textes en réunissant « tous les acteurs concernés », mais assuré que « toute personne souffrant d’une maladie radio-induite était aujourd’hui indemnisée ».

Là encore, Moetai Brotherson dénonce des arguments « qui ne tiennent pas » et un discours « teinté de mauvaise foi » qui « n’augure rien de bon » pour la table ronde de début juillet. Une réunion à laquelle le député rappelle que plusieurs organisations engagées dans le combat du nucléaire (Moruroa e Tatou, 193, l’église protestante Ma’ohi, le parti indépendantiste…) ne participeront pas. Lui-même hésite encore à s’y rendre en sa qualité de parlementaire. 

Charlie René pour Radio 1 Tahiti