Essais nucléaires en Polynésie : La PPL Brotherson rejetée en Commission de la Défense

Essais nucléaires en Polynésie : La PPL Brotherson rejetée en Commission de la Défense

La proposition de loi « Prise en charge et réparation des conséquences des essais nucléaires français » du député de Polynésie Moetai Brotherson a été examinée ce mercredi en Commission de la Défense. Le texte, qui doit passer en séance le 17 juin, a été rejeté par les députés de la majorité.

Cette PPL vise plusieurs objectifs : « environnement, maladies trans-générationnelles, victimes collatérales (ou ayants-droits, ndlr), vraie prise en charge au-delà de l’indemnisation, remboursement des sommes portées par la CPS (équivalent de la sécurité sociale en Polynésie), retrait du critère du millisievert », avait expliqué le député sur sa page Facebook. 

Concernant l’objectif visant au retrait du millisievert, la PPL vise à supprimer l’amendement « Tetuanui », déposé par la sénatrice de Polynésie Lana Tetuanui, qui instaure le critère du millisievert (mSv) parmi les critères ouvrant droit à l’indemnisation. Ce seuil, retenu dans la procédure d’indemnisation après la suppression du risque négligeable par la loi EROM en 2017, est vécu par les associations qui accompagnent les victimes comme un nouveau frein à l’indemnisation. 

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Pour ce qui est de l’objectif environnemental et dépollution, cette PPL demande la création d’une « commission chargée d'étudier les moyens à mettre en œuvre pour la dépollution des sites des essais nucléaires ». Le député de Polynésie, siégeant au groupe Gauche démocrate et républicaine (GDR), évoque notamment l’atoll de Moruroa et sa fragilisation suite aux essais français.

« Nous ne pouvons pas soutenir cette proposition de loi » a déclaré Guillaume Vuilletet, député LaRem et rapporteur en 2019 de la loi portant réforme du statut de la Polynésie. « Il y a une radioactivité stable et en décroissance » a-t-il poursuivi, concernant la demande d’une commission pour la dépollution des sites. 

Pour le retrait du millisievert, Guillaume Vuilletet évoque « une erreur » : « soit on juge que tout le monde peut être concerné, soit on pense qu’il y a des avis scientifiques qui doivent étayer cela ». Pour le député de la majorité, le « vrai rendez-vous est celui de la table ronde qui va être organisée prochainement sous l’égide du président de la République », qui toujours selon lui « doit permettre de mettre à plat tout cela ». Cette table ronde promise par le président de la République devrait avoir lieu les 1er et 2 juillet prochain

Le président du groupe GDR, André Chassaigne, a naturellement vivement défendu la PPL du député Brotherson, qui sera par ailleurs examinée dans l’hémicycle à l’occasion de la niche parlementaire de son groupe. « Oui ou non, la loi Morin a-t-elle des manques sur l’aspect environnemental et humain des essais nucléaires ? (…) Est-ce qu’une table ronde permettra un travail aussi constant et approfondi qu’une commission chargée d’établir un programme de dépollution (…) ? », a-t-il interrogé, voyant en la table ronde « de la simple communication ». 

« Concernant les indemnisations des victimes ou de leurs proches : oui ou non, les critères d’indemnisation sont-ils trop restreints ? oui ou non, les dossiers ne sont-ils pas trop complexes à monter pour les victimes ? Oui ou non ne faut-il pas élargir la loi Morin aux victimes de maladies trans-générationnelles dues aux essais ? (…) Est-il normal que ce soit la Caisse de prévoyance sociale de Polynésie qui prenne en charge les dépenses des victimes ? », a-t-il ajouté. « Pensons aux victimes, au devoir que la France a ». 

« Le texte proposé touche à un sujet particulier » a rappelé la députée de Polynésie Maina Sage (Agir). « Notre réponse législative », plus précisément l’actuelle loi Morin indemnisant les victimes des essais, « est-elle à la hauteur ? (…) Force est de constater que non », a-t-elle déclaré. La députée a aussi souligné l’enquête du média Disclose publiée en mars et révélant que « cet exercice de vérité depuis 2006 (date du rapport du CEA, ndlr) aurait été tronqué ». « Les retombées sont deux à dix fois supérieures à ce qu’on nous a dit », a-t-elle insisté. 

Pour la députée, les révélations du média Disclose remettent ainsi en cause les critères actuels ouvrant droit à l’indemnisation, notamment celui du millisievert. « Sur le fond je suis solidaire » a assuré la députée, mais souligne la nécessité « d’un travail collectif » et « trans-partisan » à travers la table ronde. « On ne pourra pas avancer ensemble si nous n’avons pas fait toute la vérité et si nous n’avons pas rendu justice à toutes les victimes », a-t-elle poursuivi, exhortant son collègue de Polynésie à y participer. 

Voix dissonante au sein de la majorité, le député du Finistère, Didier Le Gac, « considère que la plupart des dispositions de cette PPL constitue un véritable progrès pour les populations civiles et militaires » pour pallier aux « manquements » de l’actuelle loi. « À titre personnel », ce député de Bretagne qui connaît bien les marins de Brest « qui ont participé à l’effort de dissuasion nucléaire », votera en faveur de la PPL du député polynésien. 

« J’ai un peu de mal à voir disqualifier l’action de notre Assemblée simplement parce que l’exécutif a décidé la mise en place d’une table ronde », s’est agacé le député Moetai Brotherson, « l’un n’exclut par l’autre ». « J’espère sincèrement que les quelques jours qui séparent l’examen en Commission et la session à l’Assemblée nationale permettront aux uns et aux autres de réfléchir » a-t-il ajouté, après le rejet de sa loi par la Commission. 

Réagissant encore sur la table ronde promise par Emmanuel Macron, le député rappelle « qu’elle est loin de faire l’unanimité en Polynésie ». « La plupart des associations de victimes ont déjà indiqué qu’elles ne participeront pas. Les confessions religieuses s’interrogent et il est probable qu’elles ne participent pas non plus », tout comme le parti indépendantiste, principal opposant politique aux essais nucléaires. « Elle tiendra plus de la coquille vide que de la table ronde », a-t-il ajouté. 

Selon le député, la raison pour laquelle certaines associations, comme Moruroa e Tatou, ne participeront pas à cette table ronde est que « l’essentiel de ce (qu’elles veulent) exprimer est dans » cette PPL. Si le député avait déclaré participer à cette table ronde en sa qualité de parlementaire, il estime « qu’en tant que Polynésien, je serais tellement peu respecté que je n’ai pas envie d’y participer ». 

Revoir l’examen de la PPL du député Moetai Brotherson ici