Baisse de la défiscalisation nationale : Contre un « coup de rabot uniforme » le président de la Polynésie réclame « un meilleur encadrement »

Moetai Brotherson mardi soir, à la sortie de l'Élysée ©Outremers360

Baisse de la défiscalisation nationale : Contre un « coup de rabot uniforme » le président de la Polynésie réclame « un meilleur encadrement »

En mission à Paris, où il a notamment participé à la rencontre entre le chef de l’État et les élus ultramarins à l’Élysée mardi soir, Moetai Brotherson a été reçu jeudi par le Directeur général des Outre-mer, Olivier Jacob, et plus tard par le Premier ministre Sébastien Lecornu. Plusieurs sujets dans un contexte politique instable : les conventions États-Pays, les Contrats de développement, la baisse de la défiscalisation nationale ou encore la PPL organique visant à élargir les compétences des communes polynésiennes, à laquelle le président de la Polynésie est opposé.

C’est surtout la convention entre l’État et la collectivité d’Outre-mer, concernant la santé en Polynésie, qui concentre les efforts du chef de l’exécutif local. Pour l’heure, la convention est toujours en négociation, et le président de la Polynésie espérait une signature de celle-ci lors d’un déplacement du ministre de la Santé, Yannick Neuder, en Polynésie en fin d’année.

Lors de son dernier déplacement à Paris, Moetai Brotherson avait trouvé un Yannick Neuder « ouvert » à la prise en charge par l’État des molécules onéreuses, utilisées pour le traitement des cancers, les insuffisances rénales et les maladies neuro-dégénératives, et qui représentent une dépense annuelle de près de 33 millions d’euros ; et la prise en charge par l’État des évacuations sanitaires d’urgence, chiffrées à 12,57 millions d’euros par an.

Or, « nous avons eu la désagréable surprise de constater que ces deux points ont été exclus du mandat de négociation donné au nouveau Haut-commissaire (de la République en Polynésie, ndlr), Alexandre Rochatte ». Moetai Brotherson devra donc, dit-il, revenir à Paris « toquer » à la porte du nouveau ministre et espérer une position également positive du remplaçant de Yannick Neuder. Mieux encore, « ce sera peut-être à nouveau monsieur Neuder, nous l’espérons ». 

Avec Olivier Jacob, Moetai Brotherson a aussi évoqué les Contrats de développement et de transition (CDT) État-Pays, à la fois sur la partie « communes » et la partie « collectivité ». L’État ayant diminué de moitié sa participation au CDT des communes, la crainte était de voir une diminution similaire sur celui qui concerne la Collectivité qui comprend « de grands enjeux, notamment autour des jeux du Pacifique ». « On nous a expliqué que c'était un des sujets sur lesquels l'État entendait tenir ses engagements, donc c'est plutôt une bonne nouvelle » a assuré le président polynésien.

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L’autre sujet budgétaire et qui, en Polynésie, suscite une inquiétude unanime : la baisse de la défiscalisation nationale, prévue dans le projet de loi de Finances. « Cette baisse qui est annoncée de 11 points sur la défiscalisation, ce qui se traduit concrètement par des diminutions de 30 à 40% des crédits, c'est problématique pour le secteur de l'aérien, c'est problématique pour le secteur du tourisme, pour les projets hôteliers. Et par ricochet, ça peut être problématique pour l'économie », prévient Moetai Brotherson.

« On a un peu l'impression de payer pour les erreurs qui ont été commises par d'autres, puisqu’en la matière, la Polynésie française a plutôt été un bon élève de la défiscalisation. On a fait un bon usage de cette défiscalisation (…). Nous allons bien sûr défendre une autre vision que celle du coup de rabot uniforme qui est proposé, en proposant un meilleur encadrement. Il y a certaines dispositions qui sont envisagées, qui nous paraissent du bon sens, mais la logique mécanique de diminution ne nous paraît pas du tout adaptée », a-t-il ajouté.

Gouvernement Lecornu : pour le maintien de Manuel Valls aux Outre-mer 

Présent mardi soir à l’Élysée pour entendre les propositions d’Emmanuel Macron sur les évolutions statutaires en Outre-mer, Moetai Brotherson a noté un consensus des élus ultramarins sur le maintien de Manuel Valls au Ministère des Outre-mer. « Tous ceux qui étaient présents au dîner à l'Élysée se sont exprimés dans ce sens, que ce soient des parlementaires, que ce soient des présidents d'exécutifs (…). Maintenant, la décision appartient au Premier ministre ».

Pour le président de la Polynésie, « la période est suffisamment critique ». « Les situations sont compliquées de Mayotte à la Guyane, les Antilles, en Nouvelle-Calédonie, évidemment. Je ne pense pas que ce soit le bon moment de changer d'interlocuteur ». Pour l’heure, l’hypothèse que Manuel Valls soit reconduit à ses fonctions est toujours sur la table, bien que des changements peuvent bousculer les nominations jusqu’au dernier moment.

Moetai Brotherson a également profité de ce déplacement pour faire entendre sa position sur la proposition de loi organique visant à élargir les compétences des communes en Polynésie française. Cette PPL organique, à l’initiative des sénateurs polynésien Lana Tetuanui et Teva Rohfritsch, et défendue la semaine dernière par une délégation de maires en visite à Paris, n’est pas du goût du président du pays, qui dénonce un texte « opportuniste (…) à la veille des élections communales et sénatoriales », « qui vient finalement ouvrir un open bar aux communes dans le partage de compétences du pays sans possibilité réelle de contrôle ce qui nous paraît déraisonnable ».

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« C'est de surcroît inutile » ajoute Moetai Brotherson qui rappelle « le projet de loi de pays, déjà prévu dans le dispositif statutaire qui existe, va être examiné là, lors de la session budgétaire » à l’Assemblée territoriale de Polynésie. Ce projet de loi de pays prévoit d’activer pour toutes les communes les dispositions du titre II de la loi organique de 2004 (statut de la Polynésie française, ndlr) « en matière de développement économique, aides et interventions économiques ».

Un sujet que le président polynésien a prévu d’évoquer succinctement avec le Premier ministre, qu’il a rencontré jeudi en fin de journée. Un rendez-vous pour évoquer également la défiscalisation, « parce que ça me paraît important qu'il soit informé des enjeux », et les « sujets spécifiques à la Polynésie », comme « les questions de double continuité territoriale qui sont toujours pendantes ».

Dans la même journée, le président polynésien était reçu par le vice-président du Parlement européen, Younous Omarjee, « pour travailler sur le contrat d’association entre l’Union Européenne et les PTOM », a indiqué ce dernier, « heureux d’annoncer que nos efforts pour le doublement du budget de l’UE en direction des PTOM ont été entendus par la Commission Européenne, ainsi que l’ouverture à l’éligibilité de nombreux nouveaux instruments dont le Global Gateway », un programme de l’Union européenne qui mobilise jusqu’à 300 milliards d’euros  d’investissements « en faveur de projets durables ».