Emmanuel Macron a reçu mardi soir à l'Élysée les élus des collectivités ultramarines pour faire le point sur les « évolutions statutaires » de leurs territoires, promettant la mise en place de groupes de travail dédiés pour la Martinique, la Guyane et la Guadeloupe, trois territoires qui veulent tendre à l’autonomie.
« La départementalisation c’est bien, mais ça fait trop longtemps » résume le député socialiste de Guadeloupe Christian Baptiste, à l’issue de cette rencontre avec Emmanuel Macron, autour des évolutions statutaires et du rapport des experts Pierre Égéa et Frédéric Monlouis-Félicité.
Parlementaires, présidents d'exécutifs et associations des maires des collectivités -à l'exception de la Nouvelle-Calédonie- étaient conviés pour ce moment d' « échanges sur les perspectives d'évolution des institutions ultramarines », processus dans lequel la Martinique, la Guadeloupe ou la Guyane sont engagées. A contrario, La Réunion et Mayotte ont réitéré leur souhait du statu-quo, tandis que pour la Polynésie française -déjà autonome et qui dispose d’un pouvoir normatif- et Wallis et Futuna, il serait davantage question d’introduire davantage de « souplesse » dans les statuts.
Selon plusieurs élus présents, le chef de l'État a annoncé durant la rencontre la mise en place pour ces trois collectivités de « groupes de travail » sur l'évolution statutaire qui devront rendre leur copie avant fin décembre. Ces groupes de travail seraient composés des parlementaires ultramarins, des élus locaux, du Ministère des Outre-mer, des équipes du Premier ministre et de l’Élysée.
« Une évolution institutionnelle au service du développement économique »
Emmanuel Macron a « ouvert la porte » à une modification de la Constitution qui offrirait plus d'autonomie aux territoires le souhaitant, a estimé le député de Guyane, Davy Rimane. « Il veut que tous les travaux soient finis avant la fin de l'année », a-t-il dit à la presse.
« Je pense qu'un grand pas a été franchi : Emmanuel Macron a décidé d'ouvrir le chantier de la réforme constitutionnelle avec un premier agenda avant fin décembre », a renchéri Serge Letchimy, président de la Collectivité territoriale de Martinique (CTM), se disant « rassuré mais extrêmement prudent ». Rappelant que le souhait des Antilles et de la Guyane est d’aller vers « une évolution institutionnelle au service du développement économique ».
« Nous souhaitons aller vers une évolution, mais pas à n’importe quel prix » abonde la députée socialiste de Martinique, Béatrice Bellay. Selon le chef de l'État, « on ne peut pas demander de nouveaux droits sans en sacrifier d’autres, ce n’est pas notre ligne de conduite » a-t-elle ajouté, soulignant que l’exécutif aurait mis sur la balance l’évolution statutaire à certains « choix » économiques et sociaux pour ces territoires.
Emmanuel Macron « nous a expliqué que nous devions faire le choix entre l’inscription régionale -avoir une diplomatie régionale- ou se rapprocher des standards de la République sous-entendu que si on s’inscrit dans la région, on ne pourra pas bénéficier des aides sociales » confirme Christian Baptiste, pour qui « changer de statut ou donner des pouvoirs statutaires veut dire répondre aux attentes de nos compatriotes en matière de développement économique et développement de l’emploi ».
Réforme constitutionnelle ou simple fusion des articles 73 et 74
« J’ai senti une volonté d’avancer sur le dossier. Emmanuel Macron a cerné la question, il a compris que la plupart des territoires souhaitent évoluer » salue Marie-Luce Penchard, vice-présidente de la Région Guadeloupe.
D’après l’ancienne ministre des Outre-mer, Pierre Égéa aurait évoqué la possibilité de « fusionner l’article 73 et 74 pour crisper un peu moins de débat et conforter l’égalité des droits pour que les Guadeloupéens qui seront amenés à se prononcer aient toutes les garanties que la solidarité nationale soit au rendez-vous ». Elle se dit toutefois « dubitative » sur une évolution statutaire sans passer par la révision constitutionnelle.
Le scepticisme demeure cependant. Gabriel Serville, président de la Collectivité territoriale de Guyane (CTG), a refusé de se rendre au dîner. Dans une interview à Outremers360, donné quelques heures avant le dîner, il a dénoncé « un mépris de classe et une condescendance » du chef de l’État, demandant « un traitement différencié pour la Guyane », à l’instar de l’évolution statutaire de la Corse. En Guyane, le projet d'autonomie, longtemps à l'arrêt depuis la visite d'Emmanuel Macron en mars 2024, a repris à l'été 2025.
D’autres élus ont décliné l'invitation, dont le sénateur PS de Guadeloupe Victorin Lurel qui dit « faire le constat lucide que rien n'a avancé pour nos territoires » depuis la précédente rencontre. Parmi les autres absents, les élus de la gauche réunionnaise, dont la présidente de région Huguette Bello. A l'AFP, son entourage dit juger que « le format et le thème ne sont pas adaptés aux questions urgentes qui nous préoccupent ».
Les avancées concrètes en matière d'évolutions institutionnelles restent limitées depuis que la Guadeloupe, la Martinique et la Guyane ont ouvert ces chantiers qui nécessiteraient une modification de la Constitution.
Lire aussi : Les élus ultramarins conviés à l'Élysée pour discuter des « évolutions statutaires » de leurs territoires
En Guadeloupe, les élus ont adopté en juin une résolution visant à transformer l'archipel, aujourd'hui département et région, en collectivité unique dotée « d'un pouvoir normatif autonome », mais le projet reste freiné par l'absence de consensus local. En Martinique, le principe d'une autonomie élargie fait consensus. Un Congrès des élus devant travailler sur le « pouvoir normatif » de l'île est prévu les 8 et 9 octobre.
En Guyane, plus avancée, les élus locaux ont parachevé leur projet d'autonomie en avril 2024. Longtemps à l'arrêt, le dialogue avec l'État a repris en juin à l'occasion de la visite sur place du ministre des Outre-mer démissionnaire Manuel Valls, présent à la rencontre mardi. L’évolution statutaire de la Guyane était notamment un des points du plan d’urgence signé en mars 2017, à l’issue d’un mouvement social historique dans le département.
En Polynésie française, le débat autonomie contre indépendance
Pour le président de la Polynésie Moetai Brotherson, cadre du parti indépendantiste Tavini Huira’atira, « l’autonomie est un statut dans lequel il ne faut pas se complaire », a-t-il prévenu, appelant une nouvelle fois « l’ouverture d’une discussion multilatérale » vers l’indépendance de la Collectivité d’Outre-mer, « à la suite de la 4ème commission des Nations unies à laquelle je vais participer la semaine prochaine ».
Une position à laquelle ne souscrit pas le député autonomiste Moerani Frébault : « Le président de la Polynésie n’a pas reçu mandat de la population pour entamer des discussions à New York avec l’État sous l’égide de l’ONU. Si de telles discussions devaient avoir lieu, ce serait en Polynésie, avec la population, et les partis politiques ».
Lui défend le « maintien du système d’autonomie » de la Polynésie, « certes perfectible et qui peut être évolutif, mais qui fonctionne », pour preuve « la stabilité institutionnelle et économique du territoire ». La Polynésie française a obtenu son premier statut d’autonomie en 1977. Puis quelques années plus tard, l’autonomie interne de 1984.
Outremers360 avec AFP