En mission à Paris, le président de la Polynésie française a été reçu ce vendredi matin par le ministre de la Santé pour évoquer la future convention État-Pays, qui devrait être signée à la fin de l’année, à l’occasion d’une possible visite de Yannick Neuder. Reste encore à confirmer l’intégration dans cette nouvelle convention « le degré de prise en charge des molécules onéreuses (…) et des évacuations sanitaires d’urgence ». Avec Manuel Valls ce jeudi, Moetai Brotherson a aussi évoqué d’autres sujets : les archives de l’État, la lutte contre la consommation d’« ice » ou encore, la décolonisation.
Principal sujet de son déplacement à Paris, le président polynésien repart avec un calendrier pour la future convention santé État-Pays, venue à échéance en 2023, renouvelée par deux avenants dont un qui doit être signé à son retour à Papeete.
Deux points de blocage restent à dénouer pour cette future convention, avaient rappelé en début de semaine nos partenaires de Radio 1 Tahiti : la prise en charge des molécules onéreuses, utilisées pour le traitement des cancers, les insuffisances rénales et les maladies neuro-dégénératives, et qui représentent une dépense annuelle de près de 33 millions d’euros ; et la prise en charge des évacuations sanitaires d’urgence, chiffrées à 12,57 millions d’euros par an.
« Le ministre a bien compris notre intention » assure Moetai Brotherson, accompagné à ce rendez-vous par la députée de son parti, Mereana Reid Arbelot, et la députée de l'opposition Nicole Sanquer, ainsi que son ministre de la Santé, Cédric Mercadal. Conviés au rendez-vous, les sénateurs polynésiens Lana Tetuanui et Teva Rohfritsch n'ont pas pu se libérer.
« On va attendre que ces éléments puissent être intégrés dans le mandat qui sera donné au Haut-commissaire de la République en Polynésie pour qu'on puisse avancer sur cette convention santé. L'intention étant de pouvoir la signer d'ici la fin de l'année lors de la venue du ministre de la Santé » précise le chef de l’exécutif polynésien qui rappelle l’engagement de Yannick Neuder de tenir la prochaine commission de suivi des conséquences des essais nucléaires en Polynésie.
Moetai Brotherson a aussi évoqué la prise en charge des détenus, un sujet à la double casquette justice et santé, également au programme de son entretien avec Marie Guévenoux, ancienne ministre chargée des Outre-mer, devenue conseillère du ministre de la Justice Gérald Darmanin, en déplacement au Brésil et en Guyane. « On a chez nous des prisonniers qui sont à ce jour pris en charge par le régime de solidarité polynésien, alors que partout ailleurs dans la République, (…) ils sont pris en charge par l'AME » explique le président. « Ça représente des sommes qu'on aimerait voir prises en compte et supportées par l'État plutôt que par les Polynésiens ».
Augmenter les peines pour les trafiquants d’ « ice »
Autre sujet santé : celui des unités médicales de justice (UMJ). « Aujourd'hui, on a un décalage entre la convention forfaitaire qui a été passée, qui se basait sur un total de 3 000 actes à l'année et la réalité des actes qui sont au-dessus des 7 500. À un moment donné, il faut réajuster cette convention à la réalité de ce qui est pratiqué », estime Moetai Brotherson.
Toujours avec le Ministère de la Justice, le président polynésien, qui a présenté début 2025 un plan d’urgence contre la consommation importante de méthamphétamine (« ice ») dans la collectivité, a réclamé une augmentation des quantums de peine (le montant de l'amende ou la durée de la peine privative de liberté ou des peines privatives ou restrictives de droit, ndlr) liés au trafic de cette drogue devenu un fléau sociétal. « Il y a une demande quasi unanime des élus en Polynésie pour un renforcement des quantums de peine pour les trafiquants d'ice », rappelle-t-il. Le président polynésien espère aussi l’arrivée de décrets, concernant notamment les « amendes forfaitaires pour les navires en situation de mouillage illégal ».
Outre Yannick Neuder et les équipes de Gérald Darmanin, Moetai Brotherson aussi rencontré le ministre des Outre-mer, Manuel Valls, ce jeudi soir, où les sujets ont été plus vastes, allant des archives de l’État -qui concerne aussi le Ministère de la Justice pour les archives liées au foncier-, la préparation de l’UNOC-3 ou encore la décolonisation, qui doit être évoquée lors d’une rencontre ce vendredi avec le Quai d’Orsay.
« Depuis mon élection, j'ai proposé une démarche qui, pour l'instant, n'a abouti que partiellement, par la présence de l'État au 4ème comité des Nations unies (chargé des questions de décolonisation, ndlr) pour la première fois après mon élection. Mais la suite, pour l'instant, n'est pas là. On en a discuté avec Manuel Valls. J'en discuterai avec le Ministère de l’Europe et des Affaires étrangères ».
Comme la Nouvelle-Calédonie, la Polynésie est inscrite sur la liste onusienne des territoires à décoloniser. Une inscription, ou plutôt une réinscription, qui aura 12 ans ce 17 mai. L’occasion d’interroger le président polynésien, membre du parti indépendantiste Tavini Huira’atira lui-même proche du FLNKS, sur la situation calédonienne. Et pour Moetai Brotherson, « la démarche » de Manuel Valls « est la bonne ». « Il fallait proposer une base de travail, de réflexion. Qu'elle ne convienne pas à tout le monde, c'est le propre d'une base de travail. Mais la démarche et la méthode utilisée par le ministre des Outre-mer a eu le mérite de ramener le camp indépendantiste à la table des discussions », a-t-il ajouté.
Valls en Polynésie : pas encore de dates précises
Concernant un déplacement de Manuel Valls en Polynésie, les équipes du Ministère visent toujours la fenêtre estivale, comme l’avait précisé le locataire de la rue Oudinot devant la commission d’enquête sur les conséquences des essais nucléaires. Aucune date précise n’est toutefois avancée, le calendrier parlementaire étant pour l’heure chargé, entre les lois Mayotte (programme et organique), le projet de loi contre la vie chère que le ministre doit proposer ou encore, les niches parlementaires des groupes de l’Assemblée qui pourraient, pour certaines, concerner les Outre-mer.
Au-delà des rendez-vous ministériels, Moetai Brotherson a reçu, jeudi matin, les premiers éléments d’une étude de routes commandée par la compagnie internationale Air Tahiti Nui, à la demande de son gouvernement. Si pour l’heure le président polynésien, chargé des transports internationaux, se garde d’en dire davantage, il salue les « bonnes indications » fournies par le cabinet de conseil Arthur D. Little. « J'attends beaucoup de cette étude puisqu'ensuite, on la confrontera aux perspectives, à la fois en termes de développement touristique, mais aussi en termes de développement de l'aérien chez nous », a-t-il expliqué, précisant que de nouvelles routes impliquent aussi une flotte et un budget adaptés.
Le gouvernement de la Polynésie doit aussi « entrer dans des discussions sur l'aérien domestique », « terminaison de l'aérien international pour le tourisme », notamment « dans les discussions de renégociation de la Délégation de Service Public (DSP) et sur la négociation générale sur le trafic aérien domestique. C'est le moment de se poser, examiner la situation et définir les bonnes stratégies ». Cette DSP, qui permet de maintenir un cordon ombilical entre Tahiti et les îles peu peuplées et peu touristiques, est assurée par la compagnie historique Air Tahiti, qui, en plus de l’expérience, dispose d’une flotte d’une dizaine d'avions.