Aérien : Pour célébrer le premier anniversaire de son Paris-Nouméa via Bangkok, Aircalin a effectué « le plus long vol au monde » avec 25% de SAF

©Jet Photo / Yvan Panas

Aérien : Pour célébrer le premier anniversaire de son Paris-Nouméa via Bangkok, Aircalin a effectué « le plus long vol au monde » avec 25% de SAF

Ce mois de décembre, la compagnie internationale calédonienne a fêté le premier anniversaire de sa ligne Nouméa-Paris via Bangkok, qui lui a notamment permis de retrouver l’équilibre financier. Cette ligne marque aussi un nouvel élan pour Aircalin, qui va opérer deux A350 à l’horizon 2028. Surtout, la compagnie à l’Hibiscus a voulu marquer le coup sur le volet des réductions des émissions carbone, en emportant 25% de SAF sur le vol Paris-Bangkok-Nouméa : « le deuxième plus long vol au monde et le plus long vol au monde au départ de Paris » avec du SAF, nous précise Yann Genay, attaché à la Direction Générale, spécialiste SAF chez Aircalin.

C’est une première pour un vol très long courrier, surtout au départ de Paris. Le 10 décembre dernier, pour fêter le premier anniversaire de sa ligne Paris-Nouméa via Bangkok, Aircalin a emporté 25% de Sustainable Aviation Fuel, ou SAF (carburant aviation durable) dans ses entrailles, contre les 2% minimum imposées par l’Union européenne. Une démarche environnementale vertueuse, puisque le SAF est un carburant raffiné notamment à partir de l’huile de cuisson usagée ; donc à la base un déchet (pas en concurrence avec un produit créé donc pas de tension sur la production d’huile de cuisson).

Ce SAF, Aircalin se l’est procuré pour ses deux tronçons : à la fois le Paris-CDG vers Bangkok, puis Bangkok vers Nouméa. « Sur le premier, c'est avec notre fournisseur Total qui nous approvisionne en carburant au départ de Paris. On a passé un accord commercial pour acheter l'équivalent de 25% de SAF sur ce vol-là. Le Paris-Bangkok a donc été fourni avec l'équivalent de 25% de quantité de SAF par rapport à la totalité du carburant », explique Yann Genay. 

« Total a une raffinerie en Normandie qui fabrique du SAF et ils injectent ce carburant dans le pipeline qui l’amène jusqu'au dépôt pétrolier de Roissy et d'Orly. La quantité envoyée dépend des achats. Ces 25% ont été injectés dans le dépôt pétrolier, mais ils sont bien au crédit du vol Aircalin, puisque c'est nous qui les avons achetés et donc ils sont dans la chaîne d'approvisionnement. C'est le procédé classique d'un aéroport où il y a du SAF physiquement, puisqu'il se trouve mélangé avec le carburant d'aviation classique dans les dépôts d'Aéroports de Paris », poursuit le spécialiste SAF d’Aircalin. 

En outre, le SAF fourni aux Aéroports de Paris par Total est doublement vertueux, étant fabriqué en France, avec des matières premières en provenance d’Europe. « C'est pour ça qu'il est crédité d'un excellent coefficient de réduction d'émission de carbone. Son stock de matières premières venant de l'Europe et étant raffiné en France, ça permet une chaîne d'approvisionnement et de traitement optimale ».

Pour son vol Bangkok-Nouméa, Aircalin s’est appuyé sur le constructeur Airbus, qui a mis en place un mécanisme de « Book and Claim ». Celui-ci permet aux compagnies aériennes d’acheter du carburant aérien durable là où il est produit pour le réseau mondial, elles reçoivent en échange les crédits correspondant à la réduction des émissions générées.  Ce mécanisme permet à des compagnies comme Aircalin qui n'ont pas accès au SAF sur certaines escales (comme Bangkok en l’occurrence) de s’en procurer. 

Lire aussi : Aérien : La ligne Nouméa-Paris via Bangkok a permis à Aircalin de retrouver l’équilibre financier

« Airbus a permis à Aircalin d’accéder au SAF, à hauteur de 25% de la totalité du carburant nécessaire pour le vol Bangkok-Nouméa ; le crédit lié à la réduction d'émission carbone de cette quantité étant attribué à Aircalin sur ce vol Bangkok-Nouméa », résume Yann Genay. « Ce sont donc deux systèmes différents d’approvisionnements. Dans le premier, le SAF est acheminé dans le système intégré de l'aéroport et dans l'autre, le SAF est sourcé sur le marché mondial et est mis sur une route particulière, ici à travers le dispositif du constructeur Airbus. Finalement, le Paris-Bangkok-Nouméa, sur sa totalité, est donc crédité de 25% de SAF » ajoute-t-il.

« Cette opération était fondamentale pour nous » souligne le cadre d’Aircalin. « D'abord, c'est le plus long vol du monde opéré avec du SAF, et on a voulu démontrer que c'était possible de le faire sur du très long courrier, puisqu'aujourd'hui, le SAF est surtout utilisé sur des vols plutôt régionaux ou moyen-courrier, notamment en Europe. 25% sur un vol qui est aujourd'hui le deuxième plus long vol au monde et le plus long vol au monde au départ de Paris, cela n’était jamais arrivé ».

L’opération, visant surtout à démontrer et à marquer le coup pour le premier anniversaire du Nouméa-Paris-Nouméa via Bangkok, ne sera toutefois pas, dans l’immédiat, pérennisée. Pas pour des raisons dépendantes de la compagnie, mais « pour des raisons de coût notamment ». « En Europe, on est plutôt sur un coût de quatre à cinq fois le prix du carburant classique. Ça ne peut pas être fait sur tous les vols, à l’heure actuelle », concède le spécialiste.

Ajouté à cela, l’absence de SAF dans les autres escales de la compagnie. « Dans le Pacifique, en Australie et en Nouvelle-Zélande, il n'y en a pas. Singapour se prépare : c'est en train d'arriver pour l'année prochaine. La Thaïlande y travaille aussi, à priori pour 2027 ». Il faut aussi, précise Yann Genay, que l’industrie mondiale permette à l’aviation de bénéficier d’un SAF plus abordable, « parce qu'avec un prix aussi important, on ne peut pas le faire seul. Ça va peser très lourd dans les finances ».

Objectif : « 15% de SAF en 2030 sur notre réseau »

Pour autant, la compagnie à l’Hibiscus poursuit sa feuille de route de décarbonation, établie en 2023, et dont l’objectif est de réduire de 25% ses émissions de gaz à effet de serre à l’horizon 2030. « Aujourd’hui, on a fait environ la moitié du chemin grâce au pilier 1 de la décarbonation : avoir une flotte d'avions la plus moderne et la plus performante. Les avions de nouvelle génération consomment moins (…). On a déjà fait entre 10 et 15% d'économie de carburant rien qu'en passant des Airbus classiques aux Airbus Neo : A320 et A330 ».

« Le second pilier de la décarbonation est le SAF. Car une fois qu'on a une flotte d’avions modernes et économes, c'est le SAF qui va permettre d’assurer la part la plus importante de la décarbonation du secteur du transport aérien. Et là, on espère d'ici 2030 être capable d’incorporer 15% de SAF au global de notre consommation de carburant sur le réseau d’Aircalin » poursuit Yann Genay. « Cela dépendra de la manière dont l'industrie de l’aviation sera accompagnée pour que le SAF soit plus abordable et disponible. Mais 15% de SAF en 2030 sur notre réseau, c'est l'objectif ».

Concernant sa flotte, déjà jeune et moderne, Aircalin ira encore un peu plus loin à l’horizon 2027 et 2028, avec l’acquisition de deux A350-900 pour assurer ses vols long-courriers. « Tous les Airbus et Boeing, et surtout tous les Airbus de nouvelle génération, que ce soit des 320, des 330 ou des 350, sont certifiés avec 50% d'emport de SAF. C'est-à-dire qu'aujourd'hui, vous pouvez mettre dans tous ces avions moitié-moitié : SAF et carburant fossile ».

Lire aussi : Aérien : Après son « historique » Nouméa-Paris via Bangkok, Aircalin fait l’acquisition de deux A350-900

« D'ici deux à cinq ans, ils seront tous certifiés à 100%. C'est-à-dire que demain, on pourra faire voler tous ces avions avec uniquement du SAF. Et l’A350 va continuer à nous aider à cette trajectoire parce qu'il est encore plus performant que l’A330Neo en termes de consommation au siège, parce qu'on fait toujours le ratio par rapport à la capacité de l'avion et au nombre de sièges à bord » assure Yann Genay.

En complément des deux piliers principaux de sa feuille de route de décarbonation -le renouvellement de la flotte et le SAF-, Aircalin travaille également sur les « green operations », « c'est-à-dire toutes les opérations qui font que les plans de vol sont optimisés avec les meilleures routes, et les meilleurs niveaux de consommation. On a déjà les logiciels qui nous permettent de le faire ». Un outil important pour la compagnie du Pacifique sud qui, pour relier Paris, doit passer par des routes sensibles, que ce soit en raison de la géographie ou de la géopolitique.

« On travaille aussi en permanence sur l'optimisation du poids embarqué, par exemple les conteneurs bagages et les chariots de service pour les repas les plus léger possibles. Tout ça, ça fait économiser du poids à bord et le poids dans un avion, c'est ce qui fait la consommation. Plus on retire des kilos, plus on réduit la consommation et conséquemment les émissions carbone » conclut Yann Genay.