Plus de 10 jours après le passage du cyclone Chido, l’eau est revenue dans presque tout le territoire, même si ce retour est soumis de nouveau à un planning restrictif de tours d’eau. En revanche, de nombreux villages n’ont toujours pas accès à l’électricité. Parmi les bonnes nouvelles : 9 gabiers à Mamoudzou et en Petite Terre sont désormais disponibles pour pouvoir retirer du liquide, et de plus en plus de grandes surfaces acceptent de nouveau les cartes de crédit. Le point d’inquiétude est désormais sanitaire. Les déchets en tout genre s’accumulent. Pour la sénatrice de Mayotte Salama Ramia, il faut désormais que l’armée intervienne pour aider au nettoyage du territoire.
En ce jour de Noël, dans le village d’Acoua, situé en bord de mer, côté nord-ouest, l’heure n’est pas à la fête mais au ramassage des déchets et à brûler ce qui peut l’être. Surpris en pleine tâche, les habitants d’Acoua voient apparaître la sénatrice Salama Ramia, accompagnée des deux conseillers départementaux du canton de M’Tsamboro.
Abdoul Kamardine et Zouhourya Mouayad Ben, vice-présidente du Conseil Départemental en charge de la culture et du sport. « C’est la première fois que je vois nos élus depuis le début de cette crise », entend-on derrière nous. « Non, ce n’est pas vrai, ils sont venus quand même », réplique un autre habitant qui passait par là. « Ils ne nous ont juste apporté aucune solution. Nous avons un peu d’eau depuis lundi mais toujours pas d’électricité ». Ces doléances, c’est ce que la sénatrice de Mayotte Salama Ramia est venue écouter. « J’étais hier dans le sud à Bouéni », explique-t-elle. « Je suis aujourd’hui dans le canton de M’Tsamboro pour constater la réalité de ce que vivent les habitants, notamment les plus isolés. Quand j'écoute ce qui est dit au niveau de la presse, au niveau national, on a l’impression que tout est réglé, or c’est la deuxième commune que je visite et tout ce que je vois, c’est que les gens continuent d’être coupés du monde. On nous avait annoncé des Starlink qui étaient mis dans les communes, je ne vois rien de cela. Il n’y a pas de connexion, pas d’électricité, pas de vivres. Mon but, c’est d’aller le plus possible sur le terrain. Mon rôle, c’est de remonter toutes ces informations que je vois au plus haut. Non, tout ne va pas bien comme c’est dit ».
Éviter la catastrophe sanitaire
Depuis quelques jours dans le village d’Acoua, la mer emporte les déchets. Ceux qui s’entassent dégagent une odeur qui fait vomir Ma Oumra, qui habite juste à quelques mètres de la plage. « Déjà qu’on ne mange pas grand-chose, si en plus nous vomissons le peu que nous avons à cause des odeurs... Je ne parle même pas de la maladie qui arrive. Nos enfants tombent malades ».
Cette inquiétude, la sénatrice la partage. « Si on ne réagit pas maintenant, on va rentrer dans une autre crise et là, on va devoir maintenant affronter, en plus de cette crise cyclonique, une crise sanitaire. Le préfet a annoncé que le SIDEVAM (Syndicat intercommunal d'élimination et de traitement des déchets) allait s’attaquer au nettoyage dans les prochains jours… Ça ne me rassure pas. En temps normal, le SIDEVAM manque de moyens, manque de ressources humaines… Nous n’étions déjà pas capables de nettoyer Mayotte avant le cyclone… Imaginez là, maintenant ! »
Salama Ramia a indiqué avoir saisi le ministre des Outre-mer sur cette question. « Il est temps que l’armée rentre en jeu. On a le RSMA, on a la Légion étrangère. On nous dit qu’il y a 1 200 hommes qui sont arrivés… Quand je pose la question dans les communes, personne ne voit ni la sécurité civile, ni les militaires. J’habite en Petite Terre. Je confirme qu’il y a des avions qui arrivent avec du monde à bord. Mais je ne les vois pas. Il faudrait que l’armée soit sur le terrain pour aider la population. Mon combat maintenant, c’est que, à tout prix, le gouvernement comprenne qu’on a besoin d’un nettoyage… En une fois d’abord…L’’armée peut le faire ». Pour Zouhourya Mouayad Ben, la conseillère départementale du canton de M’Tsamboro, la situation est incompréhensible. « On nous avait demandé de remonter les sites qui peuvent abriter des militaires ou des agents de la sécurité civile, mais jusqu’à ce jour je n’ai pas de retour. Je ne sais pas où ça en est. Alors oui, moi aussi je me pose la question : où sont toutes ces personnes dont on nous parle ? Je circule d’Acoua jusqu’à Mamoudzou et je ne vois personne. Pendant ce temps, les pillages ont lieu, même dans les villages les plus reculés ».
Remonter les «bonnes» informations
Si la communication semble se fluidifier au fur et à mesure que les jours passent, le décalage entre les situations que vivent les habitants selon leur lieu de résidence et ce qui est décrit politiquement ou médiatiquement est assez flagrant. Sur les distributions d’eau et de vivres, c’est le bouche-à-oreille qui prime. Les horaires ne sont que très rarement communiqués et, quand ils le sont, ils sont rarement respectés. Comptez une demi-journée pour pouvoir repartir avec un pack d’eau dans la commune de Mamoudzou, sur les points de distribution. « Un pack ! », s’exclame Ma Oumra. « Ici, c’est une bouteille par personne. Une pour chaque enfant dans la famille. J’en ai cinq ».
L’urgence aussi pour la sénatrice Salama Ramia, qui compte se rendre dans les prochains jours dans chaque commune, c’est de constater la réalité de ce que vivent les habitants. « Je ne peux pas être partout. Je vais déjà là où il y a des urgences, là où c’est isolé. Il y a des communes où ça va, où on arrive à avoir de l’eau et de l’électricité, et de la nourriture. Il n’y a peut-être pas suffisamment, mais voilà… Je vais là où les élus municipaux et départementaux m’alertent. Hier, c’était à Bouéni. Demain, ce sera dans le Centre ». Actuellement, il y a une réelle disparité dans les villages : 63 % du réseau Orange est rétabli sur 43 % du territoire. Dans une communication officielle, la préfecture indiquait encore que désormais les villages auraient de l’eau durant 8 heures pendant deux jours pour que celle-ci soit coupée le jour d’après. Sur le terrain, force est de constater que le planning n’est lui non plus pas respecté. « Un peu d’eau, c’est mieux que pas d’eau du tout », relativise Ma Oumra.
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Abby Said Adinani