Alors que la guerre en Ukraine a accentué une inflation déjà présente avec la crise sanitaire liée au Covid-19, les Départements, Régions et Collectivités d’Outre-mer sont à la manœuvre pour atténuer l’envolée des prix dans des territoires où la vie chère est déjà une problématique endémique. Tour d’horizon.
Dans les départements et régions d’Outre-mer, la loi de régulation économique présentée par l’ancien ministre Victorin Lurel, de novembre 2012 met en place le bouclier qualité-prix (BQP), qui « prévoit qu'un certain nombre de produits de la consommation courante voient leurs prix fixés par négociation, ou, en l'absence d'accord, par le préfet ». Et c’est ce fameux bouclier qualité-prix qui est en négociation actuellement en Martinique ou en Guyane, dans ce contexte d’inflation.
En Martinique, les discussions ont débuté en mars alors que l’inflation s’élève à 2,6% sur l’île. Sur place, l’Observatoire des Prix, des Marges et des Revenus de la Martinique préconise trois listes de produits pour le BQP 2022 : la première comprenant 101 produits pour un coût maximum global de 306 euros concernant les surfaces de vente égales ou supérieures à 1 000 m2, la seconde de 52 produits pour un coût maximum global de 160 euros pour les surfaces comprises entre 800 et 1 000 m2, et la dernière composée de 27 produits pour un coût maximum global de 86 euros pour les surfaces de moins de 800 m2.
Toujours en Martinique, l’Assemblée de la Collectivité territoriale a confié au Conseil exécutif, présidé par Serge Letchimy, une mission de négociation avec l’État et l’ensemble des acteurs engagés dans les mécanismes de formation des prix (communes, distributeurs, etc.) afin de travailler à la baisse des prix de 1 000 produits de première nécessité. Il s’agira plus précisément de travailler à la révision des mécanismes de fiscalité et notamment d’octroi de mer sur un panel de 1000 produits concernant les ménages les plus modestes et de la classe moyenne.
En Guyane, où le BQP 2022 est entré en négociation le 25 avril, les prix de 85 produits de grande consommation ont été gelés pour l’année. En parallèle, un nouvel « Observatoire des Prix » a vu le jour, composé des distributeurs, de la Direction générale de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des fraudes, de l’Insee et des consommateurs à travers des associations. Cet observatoire nouvelle mouture permettra également aux consommateurs de comparer les prix directement sur internet, dès le mois de juin.
Mais en Guyane comme partout en Outre-mer, les particuliers ne sont pas les seuls à pâtir de l’inflation. Les professionnels, notamment du BTP, montent aussi au créneau. « Nous les professionnels nous demandons une obligation de révision de prix sur tous les marchés des chantiers qui vont démarrer et une étude en cours ou déjà chiffrée pour intégrer cette nouvelle révision de prix avec des formules novatrices notamment sur l’imprévision » a déclaré Olivier Mantez, président de la Cellule économique régionale de la construction (CERC), interrogé par Guyane La 1ère. Les professionnels demandent notamment la mise en application en Guyane d’une circulaire incitant les commanditaires publics à tenir compte des circonstances exceptionnelles, moyennant modifications des contrats, application de l’imprévision, invitation à la suspension des pénalités et à une clause de prix dans tous les contrats à venir.
« Débat sur toutes les causes de la vie chère »
À La Réunion, après une première Assemblée plénière abrégée le 25 mars en raison de tensions avec une partie des citoyens participants aux travaux, l’Observatoire des prix et de marges sur l’île s’est une nouvelle fois réunie vendredi avec comme ordre du jour l’octroi de mer, souvent pointée comme cause de la vie chère dans les DROM, ou encore, la formation des prix des fruits et légumes. Concernant le BQP 2022, il a déjà été acté le 16 mars dernier, « avec une liste maintenue à 153 produits et un prix stabilisé à 348 euros pour le BQP 2022 contre 349 euros en 2021 », « malgré les tensions sur les approvisionnements et la production ».
Pour les DROM, il faut bien entendu s’intéresser aux engagements du président réélu Emmanuel Macron en matière de lutte contre la vie chère. Si pour l’heure la mise en œuvre de son programme est suspendue à la nomination d’un nouveau gouvernement et aux échéances législatives, le chef de l’État a pris des engagements en la matière. Il a notamment promis un « débat sur toutes les causes de la vie chère ». C’est dans les collectivités du Pacifique sud, compétentes en matières économique, fiscale et sociale, que les réponses ont été plus concrètes et rapides, car pas suspendues aux échéances électorales -du moins, pas directement-.
En Polynésie par exemple, le gouvernement local a revalorisé le salaire minimum de 2%. Une mesure entrée en vigueur le 1er mai, après une première revalorisation de 2% en décembre. Les plus de 30 000 pensions de retraite de la tranche A ont aussi été revalorisées de 2% au 1er mai, tout comme la valeur de l’indice 100 a été augmentée à 1030 (contre 1015 auparavant) pour les agents de la Fonction publique.
À noter qu’outre répondre à un contexte international, le gouvernement a aussi tenu à répondre à une gronde locale. En effet, l’exécutif d’Édouard Fritch a dû mettre en place une nouvelle taxe sociale, ou « contribution pour la solidarité », d’1% afin d’éviter la banqueroute de son système social. Une mesure qui a été vivement critiquée par les consommateurs, certains syndicats et le patronat. Concernant les hydrocarbures, le gouvernement a mobilisé son Fonds de régulation des prix de l’hydrocarbure (FRPH) pour ainsi bloquer l’augmentation pour les particuliers et les professionnels, au moins jusqu’en juin. Ce qui n’a toutefois pas empêché les transporteurs maritimes entre les îles de Tahiti et Moorea d’augmenter les prix des billets. Une décision qui a étonné le gouvernement local. Autre mesure : l’élargissement de la liste des produits de première nécessité.
En Nouvelle-Calédonie, le chef du gouvernement, Louis Mapou, a réuni vendredi les organisations syndicales et patronales représentatives, l’ISEE, l’IEOM, l’Autorité de la concurrence, plusieurs directions de la collectivité ou encore, les collaborateurs des autres membres du gouvernement pour réfléchir à une réponse face à l’inflation. D’ores et déjà, l’Exécutif a, dès le jeudi 28 avril, revalorisé à la hausse le taux du salaire minimum garanti (SMG) et du salaire minimum agricole garanti (SMAG). Cette première décision doit s’accompagner dans les semaines à venir de mesures conjoncturelles, mais aussi structurelles qui seront présentées dans un plan d'actions contre l'inflation et pour la défense du pouvoir d'achat. Plan qui, dans sa première mouture, pourrait être présenté en collégialité aux membres du gouvernement, dès ce mercredi 4 mai.