Lauréate du 3ᵉ prix du Grand Prix V.I.E Amériques en mars dernier, Irickcia Frédéric a également été récompensée il y a quelques semaines, lors du 3ᵉ Grand Prix V.I.E des Outre-mer. En effet, depuis maintenant 2 ans, la Guadeloupéenne s’illustre comme Supply Chain Quality Manager chez Airbus, au Canada. À l’approche de la fin de son contrat de Volontariat International en Entreprise (V.I.E), Irickcia Frédéric entend prolonger l’aventure professionnelle et renforcer son engagement au sein de l’entreprise qui l’a vue évoluer. Un parcours porté par une volonté claire : faire rayonner la Guadeloupe dans les grands ensembles de l’industrie mondiale.
Quand on lui demande ce que les différentes distinctions qu’elle a reçues ont suscité chez elle, Irickcia Frédéric est plutôt directe. « Je viens d’un territoire connu pour être une terre de champions. Cette culture de l’exigence et de l’ambition, je l’ai en moi. » C’est d’ailleurs au nom de cette ambition qu’elle quitte, en 2018, sa Basse-Terre natale en Guadeloupe pour Lyon, afin de poursuivre ses études. Là-bas, elle obtiendra en 2023 un Master2 en Achats, Approvisionnement / Acquisitions et Gestion des contrats, au sein de l’IDRAC Business School, une grande école de commerce et de management. Diplôme en poche, la jeune femme choisit l’international pour débuter son parcours professionnel.
« J’étais en début de carrière et je voulais tenter ma chance, mais dans un cadre sécurisé. Le V.I.E m’a permis ça : partir à l’étranger tout en restant rattachée à la France. Il y a un filet de sécurité, au cas où… » C’est donc depuis le Canada qu’Irickcia Frédéric fait ses preuves. « Je ne voulais pas rester dans ce que je connaissais déjà. J’avais fait des achats en alternance, je maîtrisais ce domaine. Alors j’ai cherché un poste qui allait m’obliger à apprendre. Quand j’ai vu cette offre en qualité chez Airbus, je me suis dit : c’est exactement ce qu’il me faut. Je n’étais pas formée à la qualité, j’avais juste une base avec une certification. Le Canada ? Ce n’était pas un objectif. C’est le poste qui m’a attirée. Le pays est venu ensuite. »
Depuis, deux prix reçus en 2025 sont venus confirmer cette trajectoire d’excellence : une 3ème place au Grand Prix V.I.E Amériques, qui s’est tenu au Mexique en mars dernier, et la Mention spéciale du jury du Grand Prix V.I.E des Outre-mer, quelques mois plus tard à Paris. « Les prix, c’est ponctuel. Ce qui m’importe, c’est ce que je vais en faire. Ce que ça va me permettre de transmettre. Maintenant, recevoir la Mention spéciale du jury du Grand Prix V.I.E des Outre-mer, c’était une reconnaissance inattendue. Ça vient des Outre-mer. Ça vient de chez moi. Et ça, ça m’a touchée. Parce que je ne suis pas rentrée depuis 2019. D’ailleurs, dans les vidéos qu’on nous demande de faire pour Business France, j’ai toujours cité la Guadeloupe. Ce n’est pas une formule. C’est important que les gens sachent d’où on vient. »
L’international, comme espace d’évolution
Depuis 2023, Irickcia Frédéric évolue à Montréal au sein d’Airbus Canada, en tant que Supply Chain Quality Manager sur le programme A220. Son rôle : suivre et piloter la qualité des structures majeures de l’avion, comme le fuselage ou le cockpit, en lien direct avec les fournisseurs, les ingénieurs, les logisticiens, les acheteurs et le service client.
« Ce n’est pas comme travailler sur un programme mature, où tout est déjà rodé. Là, il fallait construire. Rien n’était vraiment en place. Il fallait chercher, s’adapter, sortir des sentiers battus. C’est un poste transversal. On pilote des actions, on suit les transferts entre fournisseurs, on s’assure que la matière première arrive à temps, que les exigences de qualité sont respectées. Et en cas de problème, on est en première ligne. »

Mais au-delà de l’aspect technique, c’est surtout le contexte international dans lequel elle travaille qui a marqué son évolution. « Je suis en lien avec des collègues indiens, libanais, québécois, et je gère un fournisseur en Chine. Ce type d’environnement, ça te fait sortir très vite de ta manière de penser. Tu ne peux pas rester sur tes automatismes. » Cette différence de culture professionnelle, elle ne la perçoit pas comme une barrière, mais comme une opportunité d’apprentissage.
« Ce n’est pas une question de compétence ou d’incompétence. C’est une autre façon de travailler. Et c’est à toi de t’adapter. En deux ans, j’ai progressé à une vitesse que je n’aurais jamais imaginée. Ce que j’ai appris ici, je ne l’aurais pas appris dans un poste plus “confortable” ou plus prévisible. Aujourd’hui, je pense en systèmes. Je vois comment une décision locale a des effets en cascade ailleurs. Et ça, c’est l’une des plus grandes leçons de ce poste. » Un quotidien fait de séries d’arbitrages, de coordination fine et de vigilance constante. « Je sortais d’études, j’avais fait de l’alternance, mais c’est autre chose. Là, je suis dans un environnement international, avec des attentes fortes. J’ai dû apprendre vite. »
Préparer la suite, sans précipitation
Le contrat V.I.E d’Irickcia Frédéric touche à sa fin. Pour autant, la jeune femme ne compte quitter ni la structure, ni le pays qui l’a accueillie ces dernières années. « Je ne me sens pas encore arrivée au bout de ce que je peux apprendre ici. Il y a encore des compétences à développer, des responsabilités à prendre. » La Guadeloupéenne devrait, d’ici quelques mois, rejoindre le département Business Management System and Expertise d’Airbus Canada, un rôle plus stratégique, avec une vision plus transversale des projets.
Si, pour elle, la question d’un retour en Guadeloupe se posera à un moment, elle souhaite néanmoins éviter l’illusion d’un retour “pour principe”. « Je ne veux pas rentrer pour dire que je suis rentrée. Je veux rentrer avec quelque chose à apporter. Un projet solide. De l’expérience à transmettre. J’ai fait des stages en Guadeloupe, chez des transitaires. J’ai vu concrètement comment tout ce qu’on consomme passe par des chaînes logistiques immenses. C’est marquant quand on vient d’un territoire insulaire. Voir comment je peux impacter à mon tour, à l’avenir. » Irickcia Frédéric réfléchit encore à comment créer du lien sur du long terme. « Pourquoi pas une entreprise, ou un programme qui donne des opportunités à d’autres. Mais il faut que ce soit utile. Il faut que ce soit structurant. »
Aux jeunes qui souhaiteraient suivre la même voie qu’Irickcia Frédéric, celle-ci répond sans détour : « Il faut d’abord comprendre les besoins des entreprises, des pays, des secteurs. Quand on comprend ce qui est attendu, on peut se positionner avec justesse. Mais au-delà du savoir-faire, il y a aussi le savoir-être. Le plus important est de rester soi et de ne pas essayer de correspondre à une image. »
Abby Said Adinani