Martinique : « Nous voulons être dans la première réforme de la Constitution », insiste Serge Letchimy

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Martinique : « Nous voulons être dans la première réforme de la Constitution », insiste Serge Letchimy

Reçu mardi à Paris par le ministre délégué aux Outre-mer Philippe Vigier, le président de l’exécutif de la Martinique a martelé son souhait d’inscrire l’île dans la « première réforme de la Constitution », avec une contrainte : l’agenda politique calédonien.

« Nous voulons, nous souhaitons et nous devons être dans la première réforme de la Constitution » a déclaré Serge Letchimy à l’issue de cet entretien, aux côtés de Philippe Vigier. S’il assure tenir compte des contraintes qui sont liées à l’agenda politique calédonien, « il ne faut pas gêner la Nouvelle-Calédonie », Serge Letchimy « souhaite vraiment qu’on soit dans cette première phase de la réforme de la Constitution ». « Si nous loupons cette réforme de la Constitution en 2024, i pa kay ni dot ».

« Il ne faut pas se faire d’illusion, ce n’est pas tous les jours qu’on réforme une Constitution, il faut une majorité des 3/5, c’est pour ça que j’insiste beaucoup et j’espère convaincre tout le monde qu’il faut absolument profiter de cette réforme de la Constitution », a-t-il poursuivi, citant aussi les autres collectivités ultramarines signataires de l’appel de Fort-de-France. En mai dernier, réunis en Congrès, les élus de Guyane ont validé le projet d’orientation sur l’évolution statutaire du territoire. En Guadeloupe, un Congrès des élus a également adopté une résolution « pour entrer dans ce processus d'évolution institutionnelle ».

Ce n’est pas tout. Dans le Pacifique, l’arrivée des indépendantistes au pouvoir en Polynésie a aussi mis sur la table une possible évolution organique et donc, une réforme institutionnelle concernant aussi cette collectivité. On y parle notamment d’élection du président du Pays au suffrage universel direct, de la notion de citoyenneté polynésienne créatrice de droit en matière d’emploi ou de foncier, ou encore d’élargissement des compétences, notamment en termes de relations internationales.

« Si le président Brotherson et son exécutif pensent et démontrent que c’est par des changements institutionnels que nous serons plus efficaces pour les Polynésiens, je dis chiche » avait déclaré Gérald Darmanin en visite en Polynésie la semaine dernière. « Cette demande n’est pas encore claire, il n’y a pas eu de délibération votée par l’Assemblée de Polynésie, mais elle sera entendue » avait assuré Gérald Darmanin qui renvoie toutefois à l’arbitrage du chef de l’État, « c’est lui qui modifiera ou qui peut demander la modification de la Constitution ». 

L’État « attentif », mais…

Du côté de la Martinique, « nous sommes prêts » a insisté Serge Letchimy. « Nous allons terminer le Congrès et nous serons en mesure de faire une présentation de résolution extrêmement précise. On est au rendez-vous ». À Paris, on entend mais on reste prudent. Si le gouvernement se montre ouvert à ces demandes de modifications et d’évolutions statutaires, il ne semble pas souhaiter que la probable modification institutionnelle sur le corps électoral de la Nouvelle-Calédonie profite aux autres territoires.

Cette différence de calendrier s’est cordialement révélée ce mardi soir, sur le perron du Ministère. Philippe Vigier, au contraire de Serge Letchimy, prend soin de séparer la réforme constitutionnelle liée à la Nouvelle-Calédonie et son corps électoral, et les autres demandes de réformes réclamées par les autres territoires, Martinique en tête. « On se dirige vers une première réforme constitutionnelle qui concerne le corps électoral en Nouvelle-Calédonie (…). Un autre texte qui viendra un peu plus tard ». « Je ne dis pas cela pour gagner du temps mais ça demande une expertise, du dialogue, de l’écoute et nous sommes à l’écoute des attentes pour être plus efficaces, en termes de différenciation territoriale par exemple », a-t-il ajouté.

« L’État sera attentif aux demandes de l’exigeant Serge Letchimy » a assuré Philippe Vigier. « Le Président, Gérald Darmanin et moi-même sommes favorables à ce qu’on soit en capacité de répondre aux attentes de la Collectivité qui souhaite faire en sorte à ce qu’il y ait demain des réponses concrètes mises en place pour les habitants de ce territoire », a expliqué le ministre délégué. « Nous nous sommes mis d’accord sur une méthodologie : un Congrès au mois de novembre qui fera des propositions ».

Et que ce soit du côté des territoires signataires de l’appel de Fort-de-France ou de la Polynésie, on espère profiter de la réforme constitutionnelle indispensable en Nouvelle-Calédonie après l'accord de Nouméa de 1998 pour également modifier les articles de la Constitution concernant les collectivités d'outre-mer.

CIOM : un point d’étape en novembre 

Bien qu’il ait été nommé au lendemain du CIOM, Philippe Vigier a également évoqué ce sujet avec son interlocuteur Serge Letchimy. « On n’attendra pas le mois de juillet 2024 pour savoir où on en est » a-t-il déclaré, annonçant un « bilan d’étape dès le mois de novembre en interministériel ». Philippe Vigier évoque des rendez-vous avec les chefs d’exécutifs ultramarins pour voir « quels sont les sujets, où on en est, est-ce que la parole donnée est tenue, quels sont les obstacles ».

Pour Serge Letchimy, la feuille de route du CIOM a donné lieu à des « sujets très intéressants » mais il pointe aussi « quelques manquements ». « Le gouvernement a respecté son engagement » a-t-il également concédé, soulignant les « réponses directes et concrètes au quotidien des gens, à la question de l’eau, des transports, à l’autonomie alimentaire ». « Tous ces sujets du quotidien, on tient à y répondre concrètement. (…) Mais on ne peut pas se permettre de rester spectateurs de notre mal-développement (…), il faut avoir des propositions extrêmement concrètes (…) et modifier la trajectoire économique » de la Martinique, a-t-il insisté.

Parmi les autres sujets évoqués : « les Hôpitaux, octroi de mer, échanges, volonté diplomatique d’un président qui veut se tourner vers les territoires qui sont autour de lui, le Hub Martinique et Guadeloupe » a listé Philippe Vigier. « Tout ce qui va renforcer le potentiel économique de la Martinique, on doit le soutenir » a assuré le ministre délégué, saluant au passage « la volonté (de Serge Letchimy) de créer un chemin de confiance ».