Langues régionales : Dans une tribune, 200 signataires appellent à « la responsabilité de la puissance publique »

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Langues régionales : Dans une tribune, 200 signataires appellent à « la responsabilité de la puissance publique »

Alors que soixante députés ont saisi le Conseil constitutionnel pour bloquer la loi sur la protection et la promotion des langues régionales, adoptée en avril dernier par le Parlement, 200 signataires d’une tribune publiée au Monde, dont Véronique Bertile, Maître de Conférence à l’Université de Bordeaux, et Jacques Vernaudon, Maître de Conférence à l’Université de la Polynésie, appellent à « la responsabilité de la puissance publique » pour « prendre en charge la sauvegarde et la promotion de nos langues, afin de répondre à la demande sociale ». 

Le 8 avril dernier, la proposition de loi du député Paul Molac relative à la protection patrimoniale des langues régionales et à leur promotion avait été définitivement adoptée au Parlement, à la surprise générale. Mais « profitant d’une étonnante passivité du président de la République qui a, une fois n’est pas coutume, décidé de ne pas publier le décret de promulgation de la loi avant le délai limite de quinze jours », 60 députés « membres de la majorité ont décidé de déposer en catastrophe une saisine devant le Conseil constitutionnel »

« Mais de quoi ont-ils peur ? Avons-nous déjà vu, au cours des cinquante dernières années, un élève ayant suivi sa scolarité dans une école en langue bretonne Diwan ne pas maîtriser la langue française ? Jamais », s’insurgent les 200 signataires, universitaires, académiciens, auteurs, écrivains, artistes et politiques. « Une étude récente du ministère de l’éducation nationale a pu démontrer qu’en classe de CE1, les élèves ayant suivi une scolarité principalement en langue basque maîtrisaient mieux le français que leurs camarades de filière monolingue ». 

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Estimant que les 75 langues dites régionales présentes en France illustrent « une incroyable richesse de l’humanité au sein même de notre pays », les signataires demandent à « la responsabilité de la puissance publique, et de l’État en particulier, de prendre en charge la sauvegarde et la promotion de nos langues, afin de répondre à la demande sociale ». 

« Nous, défenseurs et promoteurs de la diversité, nous refusons solennellement de voir ces langues rejoindre le grec et le latin au panthéon des langues mortes », insistent-ils, « ceux qui, aujourd’hui considèrent leur usage comme une menace pour l’unité du pays seront les mêmes qui demain, hurleront au déclin progressif du français face à l’emprise de la langue anglaise. Car il n’y a pas de petites ou de grandes langues, certaines dignes d’être sauvées et d’autres non ». Outre les universitaires ultramarins Véronique Bertile et Jacques Vernaudon, on retrouve parmi les signataires l’ancien garde des Sceaux Jean-Jacques Urvoas, la chanteuse bretonne Nolween Leroy, ou encore l’académicien et écrivain Erik Orsenna. 

La loi Molac adoptée par l'Assemblée nationale le 8 avril dernier a été déférée au Conseil constitutionnel, pour que ce dernier se prononce sur sa conformité à la Constitution”, a précisé Véronique Bertile, joint par la rédaction d'Outremers360. “Alors que les langues régionales appartiennent au patrimoine de la France, leur défense et leur promotion sont entravées par une interprétation rigide du principe d'indivisibilité de la République par les pouvoirs publics et les tribunaux. En outre-mer, l'enjeu de la promotion des langues régionales n'est pas seulement patrimonial : il concerne également l'exercice effectif de leurs droits par les citoyens qui ne maîtrisent pas suffisamment le français. En permettant notamment l'enseignement des langues régionales dans le cadre de l'horaire normal des écoles, la loi Molac apporte un outil indispensable à l'épanouissement des élèves et à la lutte contre l'illettrisme”.