Après le Rassemblement national et la coalition présidentielle Ensemble, le Nouveau Front Populaire a répondu aux questions d’Outremers360 à huit jours du premier tour des Législatives anticipées. Pouvoir d’achat, justice sociale, solidarité, accès à l’eau mais aussi avenir de la Nouvelle-Calédonie et évolutions statutaires : Olivier Faure, premier secrétaire du PS l’assure ; la « gauche rassemblée au sein du Nouveau Front Populaire entend renouer avec ses fondamentaux ». Il ajoute que cette union « est une espérance que nous construisons pour dire à nos compatriotes ultramarins que l’alternative est bien à gauche et que notre volonté commune est d’inscrire le devenir de ces territoires dans nos priorités ».
Outremers360 : Ces dernières années, la gauche était en perte de vitesse dans certains territoires. Comment le Nouveau Front Populaire peut être un nouvel élan pour la gauche en Outre-mer et redonner confiance aux électeurs ultramarins ?
Olivier Faure : Au pouvoir entre 2012 et 2017, au terme d’un quinquennat jugé inabouti, la gauche a déçu. Et pourtant, aux responsabilités, elle a beaucoup fait pour les Outre-mer, notamment en adoptant deux grandes lois, la première et la dernière du quinquennat : l’une sur la régulation économique et l’autre sur l’égalité réelle. Ces deux lois très volontaristes, qui ré-impliquaient l’État dans la réduction des inégalités, n’ont malheureusement pas eu le temps de produire les effets structurels que nous recherchions sur le mal développement. Et elles ont été totalement mises de côté par Emmanuel Macron, qui avait pourtant beaucoup promis aux électrices et aux électeurs des Outre-mer. Aujourd’hui, c’est une gauche rassemblée au sein du Nouveau Front Populaire qui entend renouer avec ses fondamentaux : la justice sociale, la solidarité, l’égalité réelle, la lutte contre la vie chère et, surtout, contre ses causes profondes, mais aussi la lutte contre l’insécurité et les trafics qui touchent les Outre-mer qui, hormis la Guyane, sont des îles.
En quoi le Nouveau Front populaire peut constituer une alternative après deux quinquennats d'Emmanuel Macron et un ancrage de plus en plus important du Rassemblement national dans ces territoires ?
Dans les Outre-mer comme dans l’Hexagone, la progression du RN est le miroir de l’échec de sept années de brutalité et de maltraitance dans des territoires qui sont parmi les plus pauvres de la République, où les services publics sont les plus défaillants et où l’impuissance des pouvoirs publics dans de nombreux domaines nourrit les colères. Le Rassemblement national prospère sur ces colères et, à certains égards, il les alimente, sans jamais proposer de solutions opérationnelles dans le cadre de la République. Les Outre-mer, pour beaucoup, sont des terres de gauche où sa désunion et ses divisions sont très mal vécues et poussent beaucoup d’électrices et d’électeurs vers l’abstention. Le Nouveau Front Populaire, c’est une espérance que nous construisons pour dire à nos compatriotes ultramarins que l’alternative est bien à gauche et que notre volonté commune est d’inscrire le devenir de ces territoires dans nos priorités. Quand nous disons que nous voulons réparer et apaiser la France, moi je pense qu’il est essentiel de le faire dès les premières semaines par des mesures fortes qui seront déclinées dans les Outre-mer.
Le Nouveau Front populaire a édité diverses mesures en faveur des territoires d'outre-mer en termes de pouvoir d'achat, sur l'immigration à Mayotte, sur l'eau. Quelles sont les mesures-phare pour les Outre-mer ? Quel est le calendrier de mise en œuvre de ces mesures ?
Dans l’opposition, dès le début de la précédente législature en juillet 2022, nous avions travaillé à un pack de mesures pour le pouvoir d’achat, avec un volet outre-mer très ambitieux. Dès les premières semaines, nous l’actualiserons et il sera notre feuille de route parlementaire pour agir sur le niveau du SMIC, sur les minima sociaux, sur les prix des produits alimentaires de première nécessité ou encore sur les tarifs de l’énergie. Un Plan d’urgence pour Mayotte sera également élaboré avec les élus mahorais car la situation sécuritaire et sanitaire n’est pas admissible pour un territoire de la République.
À Mayotte, mais aussi en Guadeloupe et en Martinique, la problématique de l’eau et de l’assainissement va nécessiter un engagement fort de l’État, à l’image de celui qui a été mis en œuvre à Marseille dans le cadre d’une Opération d’intérêt national pour reconstruire les écoles. La France, à juste raison, est aujourd’hui devant plusieurs instances internationales (ONU, UNICEF) pour ses manquements en matière d’accès à l’eau potable dans les Outre-mer. Cela ne peut plus durer. Enfin, nous nous attèlerons dès la nomination du Gouvernement à rétablir la paix civile et le dialogue politique en Nouvelle-Calédonie.
Sur la Nouvelle-Calédonie, vous annoncez un abandon du texte de réforme constitutionnelle visant au dégel du corps électoral, dans les deux semaines après le 8 juillet, en cas de victoire bien entendu. Mais ensuite, que préconisez-vous ? On imagine un accord global mais sur quelle méthode ? Une mission d'experts, si oui, composée par qui ? Quelle serait la vision du Nouveau Front Populaire sur l'avenir de la Nouvelle-Calédonie ?
J’ai toujours la fierté de rappeler que les socialistes sont les héritiers du processus initié par Michel Rocard qui a permis, après la poignée de main historique entre Jean-Marie Tjibaou et Jacques Lafleur, de rétablir la paix civile pendant 36 ans. L’esprit des accords de Matignon-Oudinot de 1988, renouvelés avec l’Accord de Nouméa 10 ans après, doit plus que jamais redevenir la boussole de l’action de l’État qui, avec Emmanuel Macron, est sorti de son impartialité et de son rôle de ferment du consensus. On ne peut pas revenir en arrière et changer la nature du processus qui est à l’œuvre depuis 1988.
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Notre futur Premier ministre devra se saisir personnellement de ce dossier en rappelant sans ambiguïté que l’État est le garant d’un processus de décolonisation qui ne peut être conduit que dans le consensus. Nous devrons refaire confiance au dialogue entre les forces politiques et les élus calédoniens en nous gardant de faire de l’État l’allié des uns ou des autres. La Nouvelle-Calédonie a devant elle d’immenses défis en termes de développement économique, en termes d’avenir pour sa jeunesse, mais également au regard de sa position dans la zone Pacifique. Dans un territoire qui est déjà le plus autonome de la République, nous devrons faire avec les Calédoniens et leurs élus, pas faire à leur place, ni choisir à leur place.
De façon plus générale, les liens institutionnels entre l'État et les Outre-mer, leur renouvellement, leur refondation, ont été des sujets souvent au cœur des discussions avec le gouvernement, notamment au travers par exemple de l'appel de Fort-de-France. Le chef de l'État a notamment mis en place une mission d'expert, qui devait aboutir à des préconisations cet été. Quelle est la vision du Nouveau Front Populaire sur les relations, les liens institutionnels entre l'État et les Outre-mer ? Êtes-vous pour ou contre des évolutions statutaires ?
A travers mes mots sur la Nouvelle-Calédonie, vous comprenez que, pour ma part, je suis très attentif aux aspirations qui s’expriment sur les territoires, aussi bien de la part des élus que des sociétés civiles. J’étais il y a quelques semaines à La Réunion, puis en Guadeloupe et en Martinique, et j’y ai ressenti l’envie et, mieux encore, le besoin de refonder la relation entre la République et les Outre-mer, entre l’État et les collectivités territoriales. Il y a un sentiment général de rigidité et de pesanteur.
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Dans plusieurs territoires, nous le savons, des réflexions ont été engagées, à des degrés d’avancées divers, sur lesquels le président de la République semble s’amuser à souffler le chaud et le froid. Les différents statuts en vigueur dans les Outre-mer aujourd’hui montrent que la République a depuis longtemps ouvert la voie à une grande différenciation qu’il faut, à mon sens, assumer. Le sens de l’histoire, c’est sans doute d’aller vers des statuts plus spécifiques pour chacun de ces territoires, au regard de leurs réalités, de leurs spécificités culturelles et linguistiques et de leurs aspirations à plus ou moins d’autonomie au sein de la République.
Là encore, il ne s’agit pas de décider à la place des territoires car ce temps est révolu. L’important, en la matière, sera de toujours permettre aux populations d’être consultées et de valider, ou non, les projets de leurs représentants.