Guadeloupe - Isabel Michel-Gabriel, Présidente de la Commission Économie de l’UDE-MEDEF : « Nous attendons que nos propositions sur la vie chère, sur l'octroi de mer soient étudiées »

© Jessica Laguerre

Guadeloupe - Isabel Michel-Gabriel, Présidente de la Commission Économie de l’UDE-MEDEF : « Nous attendons que nos propositions sur la vie chère, sur l'octroi de mer soient étudiées »

À l’heure où le gouvernement envisage une refonte de la fiscalité ultramarine, notamment via la réforme de l’octroi de mer et un encadrement des marges arrière dans la grande distribution, les représentants du monde économique guadeloupéen expriment leur vive inquiétude, à l'instar d'Isabel Michel-Gabriel, la présidente de la Commission Économie et Finance de l’UDE-MEDEF Guadeloupe. Dans un territoire marqué par les inégalités et la pression sociale, elle dénonce un manque de concertation et alerte sur les risques de fracture économique.

 

«Nous n'avons pas eu d'annonce de mesures, de pistes de mesures qui pourraient permettre de lutter efficacement contre la vie chère», nous explique Isabelle Michel-Gabriel, la présidente de la Commission Économie et Finance de l’UDE-MEDEF Guadeloupe qui est revenue sur la récente visite du ministre Manuel Valls en mars dernier. Si le ministre des Outre-mer a évoqué une réforme de l’octroi de mer et la mise en place d’un projet de loi sur les marges arrière, les acteurs locaux, eux, disent ne pas avoir été véritablement entendus. «Cela fait déjà deux ans que nous travaillons sur le sujet de l’octroi de mer dans le cadre du CIOM. Et encore une fois, aucune méthode claire n’a été définie pour inclure le monde économique dans le processus».

Octroi de mer : une réforme oui, mais pas à n’importe quel prix

Loin de réclamer l’abandon de ce mécanisme fiscal, l'organisation patronale plaide pour sa modernisation. Créée pour protéger la production locale par un différentiel de taxation entre produits importés et fabriqués localement, l’octroi de mer est aujourd’hui critiqué pour sa lourdeur et ses effets pervers sur les petites entreprises. «On ne veut pas que l’octroi de mer soit supprimé, mais profondément réformé.  Nous souhaitons simplement améliorer le fonctionnement de l'octroi de mer pour qu'il soit plus neutre pour les entreprises, qu'il soit plus facile à employer pour les entreprises, de manière à les encourager à pouvoir exporter, de manière à amoindrir les coûts pour les TPE. Actuellement, l'octroi de mer rentre dans le coût de revient des marchandises. Pour une TPE,qui n'est pas assujettie à l'octroi de mer interne, cela impacte sa trésorerie car elle ne peut pas déduire l’OM supporté et est obligée de faire le consommateur en supporter le coût ».Isabel Michel-Gabriel insiste sur l'importance de conserver la recette fiscale au niveau local, au bénéfice des collectivités. «Nous avons deux impératifs qui figurent dans nos propositions : conserver la recette locale et conserver le système de protection de la production locale. Ce sont des points sur lesquels nous n'allons pas transiger». 

Lire aussi : Guadeloupe : Diversification économique, Intelligence Artificielle, lutte contre l'émigration de la jeunesse, les défis pour 2025 de l'UDE-MEDEF

Pouvoir d’achat et exonérations de charges : la double menace

Autre point d’alerte pour l'UDE-Medef: le risque de voir les exonérations de charges sociales patronales, garanties par le dispositif LODEOM, remises en cause. Le monde économique demande non seulement leur maintien, mais également leur extension aux charges salariales, afin de renforcer le pouvoir d’achat des ménages. «Aujourd'hui, en Guadeloupe, on bénéficie des exonérations de charges sociales patronales dans le cadre du dispositif de la LODEOM.On nous a annoncé que ce système allait être réformé. Pour autant, nous, dans nos propositions, nous allons plus loin en demandant une exonération totale, également des charges sociales salariales, afin de redonner du pouvoir d'achat aux salariés en leur permettant de s'augmenter leur salaire par le biais de cette économie de charges sociales. Nous ne voudrions pas qu'on vienne nous retirer ce qui existe déjà sur les exonérations de charges sociales patronales dans le cadre de la LODEOM»

Lire aussi : Guadeloupe : L'ensemble des associations patronales font des propositions pour lutter contre la vie chère

Marges arrière : un débat mal posé ?

La “marge arrière” – ces remises différées négociées entre distributeurs et fournisseurs – est souvent pointée du doigt dans les Outre-mer comme un levier d’inflation alors que les marges arrières existent aussi en France et partout dans le monde. Donc pour les entreprises guadeloupéennes, ce n’est forcément pas là que réside le cœur du problème. «Avant de parler des marges arrière, parlons des frais d’approche. Ce sont eux qui font exploser le coût de revient qui sert de base aux marges avant comme arrière : le transport, la manutention, les assurances, l’octroi de mer lui-même... Ce sont ces surcoûts qu’il faut soit compenser soit neutraliser.»

Elle cite notamment l’exemple de la Corse qui dispose d’une continuité territoriale financée par l’État à hauteur de 271 millions d’euros par an pour le transport de marchandises et de passagers. En Guadeloupe, un mécanisme équivalent n’existe pas. «Nous avons juste une aide au fret pour les entreprises de production portant sur certaines matières premières et produits, qui représente une enveloppe de 35 millions d’euros pour 6 ans, avec des délais de remboursement pouvant aller au-delà de trois ans.»

Méthode gouvernementale : un dialogue unilatéral

Plus que les réformes en elles-mêmes, c’est la manière dont elles sont menées qui cristallise les tensions. La représentante de l'UDE-MEDEF regrette l'absence de concertation réelle et la verticalité des décisions prises à Paris et d’un traitement. «On a le sentiment que le monde économique local n’est pas écouté. Les décisions sont prises à Bercy, sans connaissance du terrain. Nous pensons que nous sommes les mieux placés pour parler de ces sujets-là, nous représentons les entreprises qui sont dans notre tissu économique local. Nous savons ce qu'elles peuvent supporter, ce qu'elles ne peuvent pas supporter».

Isabel Michel-Gabriel évoque notamment la refonte de la TVA en Guadeloupe, appliquée sans consultation, et les exonérations qui ont été retirées pour certains produits (ordinateurs, téléphones portables), contrairement à la situation à La Réunion.

Des efforts sont pourtant engagés par les acteurs économiques de la Guadeloupe en effectuant des analyses, en organisant des réunions de concertation et en faisant des propositions chiffrées«Nous donnons de notre temps, de notre énergie, pour faire avancer les choses. Mais sans dialogue sincère, les décisions resteront inefficaces.C'est pour cela que nous serons attentifs aux propositions qui seront faites. Nous serons surtout attentifs à la méthode employée pour réformer des sujets aussi importants que l'octroi de mer. Nous avons voulu être proactifs, sur le sujet de la vie chère, sur l'octroi de mer. Nous attendons maintenant de la part de Manuel Valls, que les propositions que nous avons indiquées sur notre communiqué de presse commun à l'ensemble du monde économique guadeloupéen, soient étudiées. Ils ont effectivement toutes les données chiffrées qui permettent de faire des études d'impact pour pouvoir aboutir aux solutions que nous avons envisagé»

Au-delà des questions fiscales, c’est un climat général de tension que dépeint Isabel Michel-Gabriel. Insécurité, instabilité sociale, mouvements syndicaux… «On est sur une cocotte-minute et nous voulons pas qu'elle explose» 

Les acteurs économiques guadeloupéens attendent des garanties sur la méthode, sur la fiscalité, et surtout sur la reconnaissance de leur rôle dans l’économie locale.