Le producteur porcin et président de la coopérative des producteurs de porcs de La Réunion, Henri Lebon a participé du 21 au 23 octobre au séminaire co-organisé par l'ODEADOM et Chambres d'Agriculture de France autour de la thématique «Agricultures ultramarines et changement climatique.L'occasion pour Outremers 360 de l'interroger sur le panorama et les perspectives du secteur de l'élevage à La Réunion.
Outremers 360 : Comment se structure et se caractérise le secteur de l’élevage à La Réunion ?
Henri Lebon : La Réunion est l’un des territoires où la structuration de l’élevage est la plus aboutie, puisque nous avons des coopératives aujourd’hui qui fêtent 60, 50 années d’existence. La coopérative des producteurs de porcs de La Réunion qui fêtera ses 50 ans l’année prochaine. Nous avons une usine-aliment qui a permis le développement de ces filières et de cette structuration, va également célébrer ses 40 ans l’année prochaine.
Outremers 360 : Combien d’agriculteurs sont adhérents au sein de votre coopérative ?
Henri Lebon : Au sein de la CPPR dont je suis le président, nous comptons 168 élevages pour un cheptel de 5800-6000 truies, soit une moyenne d’élevage de 38 truies. Ce sont des élevages qui s’intègrent dans le paysage. Il s’agit d’élevages de type familiale en diversification, avec la culture de la canne, du maraîchage.
Outremers 36O : Quelle part représente ce secteur d’élevage en termes de production, de consommation ?
Henri Lebon : En matière de production de porc, nous atteignons 50 %. Nous sommes dans des proportions identiques en ce qui concerne le secteur volailles avec 50% de la consommation totale produite sur l’île. La production bovine représente entre 25 et 30%. Idem pour le lait où nous produisons 15 millions de litres.
Outremers 360 : La production porcine est un secteur d’élevage particulier. Pouvez-vous nous expliquer ce contexte ?
Henri Lebon : La production de porcs a connu une décapitalisation du cheptel fin 2011 avec la mise aux normes « Bien-être». Plusieurs orientations et normes bruxelloises sont arrivées et nous ont obligés à redémarrer doucement. Les coûts du bâtiment ont explosé ces dernières années, l’augmentation du fret avec la guerre en Ukraine.
Si nous sommes à plus de 10 000 tonnes de production locale (voire de 12 à 13 000 tonnes en global en incluant les élevages indépendants, la problématique aujourd’hui se pose sur le renouvellement des agriculteurs qui arrivent à la retraite et qui ont des difficultés pour trouver des repreneurs, vu le montant du coût de reprise et le manque d’attractivité des jeunes à ce métier.
L’autre problématique est l’administration très stricte à La Réunion. On lave plus blanc que blanc, et même au-dessus des normes européennes et françaises. C’est à la fois une chance mais aussi une grosse pression. Une pression car auparavant, nous avions une DAAF qui nous accompagnait et nous donnait le temps de mettre en place les choses. En étant en Guadeloupe et en discutant avec les autres DAAF des autres territoires, je constate que la DAAF joue ce rôle encore dans ces territoires. A la Réunion, nous avons cette impression d’être sanctionnés même si nous nous montrons de bonne foi.
Outremers 360 : Comment le changement climatique impacte vos productions et vos filières ?
Henri Lebon : Le changement climatique impacte fortement nos filières puisque nous ne produisons pas de céréales à La Réunion. Nous importons toutes nos matières premières via l’Europe et l’Amérique du Sud. En raison des sécheresses et autres phénomènes climatiques dans le monde entier, nous sommes les premiers à payer les conséquences avec l’augmentation des coûts, et le prix de l’alimentation dans certaines filières comme la filière volaille ou porcine, représente 60% du coût de production. Ainsi, dès que ce seuil augmente, c’est le revenu de l’agriculteur qui en pâtit.
Outremers 360 : Quelles sont les marges de manœuvre à mettre en place pour soutenir et pérenniser le secteur de l'élevage à La Réunion ou en Outre-mer ?
Henri Lebon : A l'aube de ce séminaire, je dirais que pour La Réunion, on entend parler de certaines études qui disent que l'agriculture réunionnaise est à un tournant, que les coopératives sont obsolètes, et appellent à inventer un nouveau système en allant vers le privé avec de grandes fermes. En tant que défenseur de l'élevage à La Réunion, il est préférable d'améliorer le système actuel, le faire avancer, soucieux de l'intégration dans le paysage. Il faut rappeler que nous avons un parc national et un parc marin et nous devons cohabiter avec les bientôt un million d'habitants. Je crois davantage des fermes à type familial de 38 truies, de 40 vaches ou de 50 vaches laitières que des grosses unités qui vont créer des problèmes de santé et des problèmes environnementaux. Face aux pays limitrophes comme l'Inde, Madagascar, comme l'Afrique du Sud, le Mozambique, ce type d'élevage ne peut pas être compétitif avec ce genre d'élevage.
Lire aussi :