A la tête de l’exploitation éponyme située à Hajangoua, Corinne Avice a fait le choix de la pluri-activité. Sur son exploitation d’une trentaine d’hectares, elle produit du lait, des fruits mais aussi du riz. A ce jour, elle est la seule agricultrice à proposer cette culture. A l’occasion du séminaire « Agricultures ultramarines et changement climatique» par l’ODEADOM et Chambres d’agriculture de France qui s’est tenu à la mi-octobre en Guadeloupe, Corinne Avice s’est confié à Outremers 360 sur son quotidien d’agricultrice à Mayotte.
Il y a 9 ans, Corinne Avice se lance le défi de relancer la culture du riz à Mayotte. « J'ai essayé de retrouver les souches locales pour remettre au goût du jour cette culture que nous étions en train de perdre.», explique-t-elle. « J'ai commencé d'abord par chercher auprès des personnes âgées car ils sont les greniers de Mayotte, afin de pouvoir dresser de l’historique de chaque padi, pour savoir laquelle sera la plus productive et la plus intéressante au niveau du goût. Ainsi, de quelques poignées de riz récoltés sur 250 mètres carrés au lancement, j’arrive désormais à une production de trois à quatre hectares de riz par année».
A la base de l’alimentation des Mahorais, le riz local détient de nombreux avantages, notamment sur le plan nutritif. « C’est un riz avec un très bon goût, très peu riche en sucre et totalement approprié pour les personnes souffrant de diabète, d’hypertension».
Victime de son succès, Corinne Avice appelle d’autres agriculteurs à se lancer dans cette culture sur le territoire. « La production s’écoule complétement sur l territoire car elle ne suffit pas à répondre à la demande. La clientèle est surtout locale en raison des problématiques de santé que nous rencontrons sur le territoire (obésité, diabète). La nostalgie de cette ancienne culture joue aussi un rôle : les locaux recherchent ce côté traditionnel, ce goût d’enfance perdu qu’ils souhaitent de nouveau retrouver».
Le manque d’eau, un handicap lourd
L’autre produit local très apprécié, produite par l’exploitation est le lait. « Considéré comme un produit noble, le lait est très consommé lors des mariages et de manifestations traditionnelles. C’est une production que nous faisons depuis 25 ans et que j’ai poursuivi depuis la reprise de l’exploitation».
Une production de près de trois décennies fortement impactée par la crise de la ressource en eau que connaît l’île. « Depuis un an, je suis en train de me remettre en question en raison de cette problématique de l’eau. Cela commence à devenir un handicap au niveau de la production , des animaux, et de l’activité quotidienne car il faut de l’eau pour pouvoir transformer le lait. Notre métier est mis en péril, le but de faire la production laitière est d’en vivre. Certains de mes collègues ont arrêté la production laitière complètement à cause de l'eau. Il faut qu’on s’adapte mais jusqu’à quand ? Comment les jeunes, réussiront-ils à s’adapter pour continuer cette activité, sans qu’il y ait une perdition ou un diminution de la production ? Est-ce que Mayotte est amenée à arriver là ? Je ne le souhaite pas parce que c'est la base de l'alimentation mahoraise.» se questionne Corinne Avice.
Valoriser la diversification
Pour la jeune agricultrice, la diversification constitue désormais une nécessité pour le monde agricole mahorais. « Rester sur une production simplement pour une année entière est devenu compliqué. Il faut absolument se diversifier, il y a beaucoup à faire! Dans les îles, nous avons l’avantage de passer d’une plantation différentes tous les trois mois : quand on sort de la mangue, on va sur l'ananas, quand on va de l'ananas, on va sur d'autres fruits et d'autres agrumes, qui nous permet d'avoir quand même un produit tous les trois mois. Il faut essayer de valoriser de mettre en avant cela».
Partage d'expériences
Présente au séminaire réunissant l'ensemble des agricultures ultramarines en Guadeloupe, l'agricultrice mahoraise Corinne Avice a pu également trouvé des solutions et des pistes pour avancer sur la pérennité de son exploitation. « J'ai beaucoup appris au cours de ce séminaire. Chaque territoire a sa façon de réagir et de travailler. D'un autre côté, cela me rassure sur ma décision de faire de la pluriactivité, elle est pérenne par rapport à d'autres DOM qui, se sont plus spécifiés sur la canne à sucre ou la banane. Cela renforce mes convictions qu'il faut vraiment diversifier pour pouvoir être pérenne pour toute une année. En partageant avec mes collègues ultramarins j’ai pu avoir un certain recul sur certains sujets comme le dossier de l’abattoir. Par exemple, en Guadeloupe, ils travaillent beaucoup sur la production de viande, le genre de race à prioriser, les complications à éviter, etc. A Mayotte, nous sommes sur la production laitière mais souhaitons aller vers cette tendance de produire de la viande pour être en autonomie alimentaire. Cela me permet aussi, justement, d'avoir des données pour pouvoir éviter certains couacs que certains territoires ont connu avant nous, et le temps que l’on puisse implanter et mettre en place notre abattoir, on aura évité beaucoup de situations désagréables».
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