19 septembre 1940 : Il y a 80 ans, la Nouvelle-Calédonie rejoint la France libre

19 septembre 1940 : Il y a 80 ans, la Nouvelle-Calédonie rejoint la France libre

15 jours après les Établissements Français d’Océanie (actuelle Polynésie française), c’est au tour de la Nouvelle-Calédonie de rallier la France libre. Témoignage de Thierry Santa, président du gouvernement de la Nouvelle-Calédonie, dans Itinéraires d’outre-mer, en avant-première pour Outremers360. 

Itinéraires d’outre-mer : Dès août 1940, les gaullistes de Nouvelle-Calédonie mettent en place des « comités de Gaulle ». Et le 19 septembre c’est le ralliement à la France libre avec l’arrivée de Henri Sautot. Racontez-nous ces 2 journées des 18 et 19 septembre 1940. 

Thierry Santa : La Nouvelle-Calédonie a tenu un rôle stratégique dans la région. Non seulement en tant que base militaire avancée dans le Pacifique pour les Alliés, mais aussi comme rempart indéfectible contre l’offensive japonaise envers l’Australie et la Nouvelle-Zélande.

En juin 1940, alors que le gouvernement de Philippe Pétain préfère signer l’armistice avec l’Allemagne, le Royaume-Uni décide de poursuivre la lutte contre les puissances de l’Axe.

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En Nouvelle-Calédonie, le gouverneur Pélicier décide de continuer la lutte aux côtés des Anglais. Une décision qui témoigne, déjà̀, du caractère singulier de la Nouvelle-Calédonie, fière de son identité́ affirmée et protectrice des valeurs de la République.

Dans la nuit du 18 au 19 septembre 1940, des centaines de broussards descendent à Nouméa pour que la colonie se rallie à la France libre. La journée du 19 symbolise ce ralliement avec l’arrivée du gouverneur Henri Sautot, le représentant du général de Gaulle, venant des Nouvelles-Hébrides (Vanuatu).

En fin de journée, Henri Sautot, qui s’était installé au bureau du gouverneur, annonce à la population le ralliement de la Nouvelle-Calédonie à la France libre.

Le 12 mars 1942, 17 000 GI’s de la Poppy Force arrivent en Nouvelle-Calédonie qui devient une base stratégique pour les Alliés. Pourquoi ? 

Ce débarquement, le premier à l’étranger par les forces américaines durant la Seconde Guerre mondiale, s’explique essentiellement par la position géographique et stratégique de la Nouvelle-Calédonie. Non seulement l’archipel était le dernier rempart avant l’Australie et assurait un espace aérien sain en direction des États-Unis, mais elle regorgeait aussi de nickel, essentiel à l’effort de guerre des Japonais.

Ce 12 mars 1942 a inscrit dans le marbre la présence américaine en Nouvelle-Calédonie. Plus d’un million d’américains ont vécu chez nous entre 1942 et 1946. Une présence hors norme qui, encore aujourd’hui, perdure culturellement et architecturalement.

S’il n’est pas rare de croiser, surtout en brousse, de vieilles Jeep d’époque, la Nouvelle-Calédonie doit à la présence des soldats américains un héritage certain : la construction d’une quinzaine d’aérodromes, des travaux d’extension du port de Nouméa qui devient le 2e plus grand port du Pacifique, des quartiers entiers, des maisons atypiques, etc.

Les Calédoniens s’engagent massivement dans les forces de la France libre et combattent sur tous les théâtres d’opération. Certains d’entre eux ont écrit leurs mémoires, un musée à Nouméa et des monuments leur sont consacrés. Cette transmission est importante, pourquoi ? 

Cette transmission est fondamentale, en particulier au moment où la population concernée est appelée à s’exprimer sur l’avenir institutionnel de la Nouvelle-Calédonie. Car le processus original que vit la société calédonienne est le résultat direct de l’engagement des Calédoniens dans les forces de la France libre. Des centaines de soldats calédoniens, de toutes les communautés, se sont engagés. Nombre d’entre eux ont été blessés voire tués dans les combats acharnés qui se sont déroulés partout en Europe et en Afrique pour défendre les valeurs démocratiques du monde libre.

Thierry Santa, président du gouvernement calédonien

Thierry Santa, président du gouvernement calédonien

C’est cette fraternité dans les combats pour la liberté – au sein des forces parachutistes des SAS mais aussi dans les sables du désert libyen à Bir Hakeim – qui a ouvert le chemin à une égalité des droits entre frères d’armes après la guerre, à une reconnaissance de tous comme pleinement Français.

« Raconte-moi une Histoire d’outre-mer » une initiative originale 

Rencontre avec Titania Redon, Tahitienne, directrice de la communication du groupe SUEZ en outre-mer.

« 2020 est une « année d’anniversaires historiques » comme l’ont rappelé Renaud Muselier, président de Régions de France et Vladimir Trouplin, conservateur du musée de l’ordre de la Libération. Il était important de commémorer ces anniversaires, notamment le ralliement des Établissements Français de l’Océanie (Polynésie française) le 2 septembre et de la Nouvelle-Calédonie le 19, avec les interviews d’Édouard Fritch, président de la Polynésie française et de Thierry Santa, président du gouvernement de la Nouvelle-Calédonie.

Nous publions donc ce hors-série Raconte-moi une Histoire d’outre-mer qui reprend les interviews et témoignages parus dans le magazine Itinéraires d’outre-mer depuis 2016.

Cette rubrique « Histoire » est née d’un constat : l’Histoire de nos outre-mer est encore peu connue alors qu’elle est riche d’engagements extraordinaires mais également de périodes plus douloureuses. Je rappelle que notre objectif est uniquement de transmettre les témoignages et les souvenirs de nos Anciens et de leurs familles, d’être des « passeurs de Mémoire ».

Hommage à nos héros ultramarins

Je suis moi-même descendante de cinq anciens combattants polynésiens dont Pouvana’a a Oopa, le « Metua », futur sénateur, engagé dans le Bataillon du Pacifique pendant la Première Guerre mondiale, son fils, Marcel Marcantoni Oopa, volontaire pendant la Seconde Guerre mondiale dans le Bataillon du Pacifique, futur député, et ses deux frères, Albert et Etienne Colombani, qui ont combattu dans les commandos parachutistes SAS. Si l’épopée du Bataillon du Pacifique par exemple est connue, il est important de de rendre hommage à nos héros ultramarins et de valoriser l’engagement et l’Histoire de l’outre-mer en général.

À Papara, Polynésie française, en septembre 2016, Guy Brault †, engagé dans les Forces Navales de la France libre, et Titania Redon, directrice de la rédaction du magazine Itinéraires d’outre-mer, descendante de cinq anciens combattants polynésiens

À Papara, Polynésie française, en septembre 2016, Guy Brault, engagé dans les Forces Navales de la France libre, et Titania Redon, directrice de la rédaction du magazine Itinéraires d’outre-mer, descendante de cinq anciens combattants polynésiens

Dans Itinéraires d’outre-mer, après le Bataillon du Pacifique, Felix Perina en Martinique interviewé par Laurianne Login, les commandos parachutistes calédoniens de la France libre, vous avez pu découvrir l’épopée des pilotes guyanais avec Auguste-Robert Plenet et le sénateur Antoine Karam, l’engagement de Matthew Turner Chapman dans les FNFL Polynésiens interviewé par son oncle, Damas Teuira, maire de Mahina (Polynésie française), les Poilus calédoniens, guyanais et polynésiens et enfin deux parcours extraordinaires à Arue (Polynésie française) dans l’escadrille La Fayette et la Résistance.

En mars 2019, nous avons publié le « #1 » de Beyond the Seas, la version anglaise d’Itinéraires d’outre-mer. De par sa dimension géostratégique, l’outre-mer a joué un rôle important dans les conflits mondiaux, nous retrouvons donc les « Free French SAS  from New-Caledonia » et « the Poilus from the Pacific region ».

D’autres témoignages sont encore à venir : Léopold Léon, Salinière Segor et Edmond Sainsily en Guadeloupe, Guy Brault et Maxime Aubry en Polynésie française puis La Réunion, Mayotte, Saint-Barthélemy, Saint-Martin et Wallis-et-Futuna que vous retrouverez dans les prochains numéros d’Itinéraires d’outre-mer. »

Histoire Outre-mer – Polynésie : « Le 2 septembre 1940 c’est un peuple entier qui s’est levé ! », rappelle Édouard Fritch

Le « tribut des outre-mer français » mérite « d’être rappelé en cette année 2020 », Vladimir Trouplin, conservateur du musée de l’Ordre de la Libération

Le ralliement des premiers territoires d’Outre-mer : « Première grande victoire de la France libre », rappelle Renaud Muselier, Président des Régions de France