Sébastien Lecornu a pris l’avion ce jeudi à midi (heure de Paris) pour se rendre pour la troisième fois en Polynésie française, mais la première en tant que ministre des Outre-mer. Un déplacement qui le mènera à Bora Bora et aux îles Marquises, entre vaccinations, protocole sanitaire, reprise du tourisme ou encore essais nucléaires et préparation du prochain déplacement du président Emmanuel Macron.
Vacciné et testé. Comme le veut le protocole sanitaire mis en place en Polynésie pour la reprise des vols commerciaux vers les États-Unis, le ministre des Outre-mer a dû se plier à la vaccination et au test PCR 72h avant le décollage pour éviter une quatorzaine qu’il avait dû observer lors de son dernier déplacement en Outre-mer, en Nouvelle-Calédonie. À son arrivée, un deuxième test est prévu pour respecter le parcours type d’un voyageur arrivant à l’aéroport international de Tahiti-Faa’a. Précisons que rue Oudinot a choisi la compagnie aérienne Air Tahiti Nui : probablement un gage de soutien aux entreprises locales, essentiellement tournées vers le tourisme et durement touchées par la crise sanitaire et économique.
De crise sanitaire et économique, il en sera naturellement question lors de cette visite. Sébastien Lecornu fera d’ailleurs sa première visite, ce vendredi 7 mai, dans un centre de vaccination de Tahiti : plus précisément celui de la commune de Pirae, administrée par le président de la Collectivité d’Outre-mer Édouard Fritch. Depuis février, la Polynésie a mis les bouchées doubles sur la vaccination alors qu’elle était fermée aux vols commerciaux et internationaux. Une stratégie payante : le pic épidémique de la fin 2020 apparaît comme un lointain souvenir et les nombreux vaccinodromes installés çà et là sur l’île de Tahiti ont permis d’augmenter considérablement le taux de couverture vaccinale.
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Le Haut-commissaire de la République Dominique Sorain a par ailleurs rappelé le nombre de doses envoyées par Paris depuis début 2021 : plus 112 000. De quoi soutenir la campagne de vaccination. Toujours sur ce sujet, le ministre se rendra sur l’île de Bora Bora samedi. Ce jour-là, cette île hautement touristique ouvrira son premier vaccinodrome et Sébastien Lecornu aura l’opportunité de visiter cette installation déjà bien rodée par les autorités polynésiennes. Il pourra également constater de près le protocole sanitaire mis en place par la Collectivité et les établissements hôteliers pour accueillir les touristes en toute sécurité, lors d’un échange avec les acteurs économiques et touristiques de Polynésie. Un protocole sanitaire présenté comme une « expérimentation réversible » en cas d’aggravation de l’épidémie.
Une étape aux îles Marquises est également prévue dans l’agenda du ministre. Une étape portée essentiellement sur la culture avec notamment la visite de l’ensemble archéologique de Upeke, parmi les sites choisis pour intégrer la candidature de tout l’archipel au Patrimoine mondial de l’Humanité, en tant que bien mixte naturel et culturel. Il sera également question du Service militaire adapté, « un sujet qui tient à cœur » au ministre, avec une rencontre avec le Régiment polynésien (RSMA-PF). Aux Marquises, Sébastien Lecornu visitera aussi la Société d’exploitation de bois de l’archipel. Une façon d’évoquer un autre sujet de son déplacement : la diversification de l’économie polynésienne.
Car en effet, la pandémie a appuyé les fragilités d’une Collectivité essentiellement tournée sur le tourisme. D’où également ce passage du ministre à la cérémonie de remise des Grands Prix Tech4Islands 2020 et du lancement des Tech4Islands Awards 2021, la transition numérique étant considérée comme un potentiel de diversification économique. Il sera aussi question de sport avec la visite du site de surf de Teahupoo « Jeux Olympiques de surf – 2024 », ou encore de transition écologique avec la Présentation du dispositif de climatisation marine « Sea Water Air Conditionning » (SWAC) du Centre hospitalier de Polynésie française (CHPF), le plus long du monde.
Mais il est un sujet qu’aucun ministre ou représentant de l’État en visite en Polynésie ne peut faire l’impasse : celui des essais nucléaires. Une rencontre autour des conséquences de ces essais est prévue lundi à 14h45 à la présidence de la Polynésie, à Papeete. Si la liste des interlocuteurs n’est pas encore actée, le ministre assure que les « portes sont ouvertes à tous » : politiques, associations et services de l’État ou de la Collectivité qui assurent le suivi des conséquences sanitaires ou environnementales de ces essais. Il s’agira d’une rencontre sous le signe « de l’écoute », « de la compréhension » et des explications de ce qui est fait à ce sujet.
Selon nos informations, les proches du ministre espèrent des discussions avec les associations engagées en la matière, comme Moruroa e Tatou, ou de personnalités de premier plan comme Oscar Temaru, leader indépendantiste, parmi les fers de lance de la lutte antinucléaire depuis les années 70. Moruroa e Tatou et Oscar Temaru ont par ailleurs émis leurs doutes sur la sincérité d’une table ronde « de haut niveau » à Paris, annoncée par le président de la République. L’association a déclaré ne pas y participer tandis qu’Oscar Temaru demande un arbitrage de l’ONU. Les discussions qui auront lieu lundi vont-elles dissiper les doutes sur la sincérité de cette table ronde ou accentuer la défiance envers la parole de l’État ? La question est ouverte.
Cette visite du ministre Sébastien Lecornu, annoncée au premier trimestre dernier, rentre dans l'agenda présidentiel. Rappelons-le, Emmanuel Macron a prévu une visite en Polynésie à partir de fin août, si tout se passe bien. Déjà reportée plusieurs fois, cette visite s’inscrit dans un calendrier politique serré puisqu’à la fin de l’année, le chef de l’État rentrera dans le dur de la campagne électorale. Naturellement, la visite de Sébastien Lecornu donne un avant-goût de celle du président Emmanuel Macron qui devrait se rendre sur le terrain miné des essais nucléaires, mais aussi de la relance économique et touristique, sur la diversification de l’économie polynésienne sans oublier l’axe indo-Pacifique. Un sujet qu’Emmanuel Macron porte à cœur, lui permettant de « porter la voix de la France » dans cette région du monde.
Pour rappel, la dernière visite ministérielle en Polynésie remonte à février 2020 : Annick Girardin, alors ministre des Outre-mer, effectuait aussi un déplacement pour préparer la visite du président prévue en avril. L'histoire en a voulu autrement et on ose espérer qu'elle n'ait pas, cette fois-ci, cette fâcheuse tendance à se répéter.