« Le plus long SWAC du monde » en assemblage en Polynésie française

« Le plus long SWAC du monde » en assemblage en Polynésie française

Évoqué depuis plus d’une décennie, le SWAC du Centre hospitalier de Polynésie française (CHPF) est en plein assemblage dans la commune de Papeari, où le gouvernement local s’est rendu ce matin en visite. L’idée, déjà explorée à Bora Bora ou Tetiaroa : aller puiser à 900 mètres de fond de l’eau assez fraîche pour assurer la climatisation du CHPF et donc faire des économies importantes d’électricité. Reportage de notre partenaire Radio 1 Tahiti. 

Douze mètres chacune, 710 mm de diamètre… Arrivées par conteneur d’Italie, les portions du futur Swac du principal hôpital de la Collectivité d’Outre-mer attendent patiemment sur les bords de la baie de Phaeton, à Papeari. C’est là que, depuis le mois de janvier, ces énormes tuyaux sont soudés entre eux par « polyfusion », lestés avec des blocs de béton, protégés et petit à petit mis à l’eau le long d’un rail, où leur étanchéité est encore testée…

Des petits tronçons – jusqu’à 650 mètres de long tout de même – sont déjà stockés en mer, non loin de la passe Teputa. Quand la dernière section – 2,4 km qui viendront s’enrouler autour de la baie – sera terminée, au mois de juin, le « pipe », comme l’appellent les techniciens du chantier, sera remorqué vers l’extérieur du lagon, et autour de Tahiti jusqu’au large de Pirae, où se situe le CHPF.

C’est là, face à l’hôpital, que le Swac (Sea-water air conditioning ou climatisation à eau de mer) sera immergé le long du tombant et du récif, de 900 mètres de fond jusqu’à la côte. Si tout va bien, le tuyau doit permettre, pendant 30 ans, de pomper de l’eau de mer à 5°C pour l’amener vers le système de climatisation à eau de l’hôpital, qui pourra donc se passer de ses refroidisseurs si gourmands en électricité.

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L’eau doit être ensuite rejetée à environ 12°C dans le lagon, qui d’après les études préparatoires ne subira « aucun impact environnemental ». Une idée qui, après plus d’une décennie d’études de faisabilité, d’atermoiements politiques ou d’attributions contestées des marchés, est enfin en voie de se concrétiser. D’après Roy Issa, chef de projet de Géocéan, une filiale de Vinci qui a remporté l’appel d’offre sur l’ouvrage maritime, le chantier d’assemblage est déjà à moitié terminé.

Ce matin, à Papeari, le président de la Polynésie Édouard Fritch, entouré de trois ministres et de représentants de l’administration du Pays et de l’État, a visité chaque atelier du chantier. Avec à chaque fois des explications rassurantes sur la modernité des techniques utilisées et la solidité du produit final. Il faut dire que la Polynésie n’en est pas à sa première expérience en la matière. À Bora Bora, où l’Intercontinental a fait installer le premier Swac commercial au monde en 2006, l’équipement est en panne depuis maintenant 5 ans, et les tentatives de réparations ont jusqu’ici échoué. Celui de l’hôtel Brando, installé à Tetiaroa à partir de 2011, est lui bien en activité, et son efficacité fait l’objet d’une étude du Pays et de l’Université.

La Polynésie, dont les tombants très abrupts et proches des côtes sont particulièrement adaptés à cette technologie, réaffirme sa confiance dans cette technologie nouvelle en commandant « le plus long Swac commercial du monde » pour le CHPF. 3,6 milliards de francs – dont 44% en fonds propres du Pays, et des prêts et subventions d’État – pour 3,8 kilomètres d’installation. « Nous n’avons aucun doute sur cet équipement », explique le ministre des Finances et de l’Énergie Yvonnick Raffin. « Les soucis d’ancrage à Bora Bora nous ont donné un retour d’expérience qui nous a permis de revoir les processus techniques ».

Concilier rentabilité et transition énergétique

D’après le plan de financement, l’investissement devrait être rentabilisé en « 10 à 15 ans ». Il faut dire que le CHPF pèse lourd dans la consommation électrique de Tahiti et que sa climatisation représente plus de 50% de la facture. Le nouveau système repose sur des pompes, mais sans refroidisseur, l’efficacité énergétique « est multipliée par dix » précise un spécialiste.

En octobre prochain, lors de la mise en service, et après quelques semaines d’ultimes tests, ce sont 12 GWh de consommation électrique, soit 350 millions de francs et 5 000 tonnes d’équivalent CO2 par an, qui vont disparaître. Et avec eux s’évaporera 2% de la demande électrique à Tahiti qui grappillera donc autant de points dans le taux de pénétration des énergies renouvelables. « On a réussi à concilier transition énergétique et économies financières », se félicite le chef du service des énergies, Pierre Bosq.

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Les objectifs à l’échelle du Pays – 75% de renouvelable dans le mix électrique en 2030 contre 28,8% aujourd’hui – sont encore loin. Mais le Swac permettra au moins de débloquer le compteur, qui avait plutôt tendance, le manque de pluie n’aidant pas, à baisser ces dernières années. Si d’autres systèmes de climatisation à l’eau de mer pourraient être étudiés – pour le quartier administratif entourant l’avenue Pouvanaa a Oopa, par exemple – le Pays veut surtout multiplier les projets. Appels à projet sur le photovoltaïque, réglementation énergétique des bâtiments… « On travaille à la fois à la réduction de la demande et à augmenter la production en énergie renouvelable », précise Pierre Boscq.

Radio 1 Tahiti.