Santé, éducation, alimentation... A Mayotte, les barrages n'entravent pas que les routes

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Santé, éducation, alimentation... A Mayotte, les barrages n'entravent pas que les routes

Ambulances bloquées à Mamoudzou, établissements scolaires fermés, étals des supermarchés vides... A Mayotte, les blocages routiers, initiés par des collectifs d'habitants pour protester contre l'insécurité et l'immigration depuis le 22 janvier, ont de lourdes conséquences sur la vie quotidienne, sur fond de vives tensions sécuritaires.


A Sada, commune de l'ouest de Grande-Terre située au bord de l'océan Indien, le supermarché Doukabé ne propose plus qu'une poignée de conserves, des capsules de café et quelques produits d'entretien, disséminés sur les étals.
"C'est la deuxième semaine que le magasin n'est pas approvisionné. Un camion a réussi à nous amener quelques sacs de riz vendredi dernier mais c'est tout. Et nous n'avons aucune visibilité au sujet de la prochaine livraison", indique Zouhairi Tadjiri, comptable du groupe Bourbon Distribution Mayotte qui, faute de pouvoir se rendre à Mamoudzou pour travailler, s'est installé dans l'arrière boutique. "Si la situation dure, je ne sais pas ce qu'on va manger", s'inquiète même une habitante, Mélanie Launay. Fruits et légumes se font rares. "On ne peut pas aller aux champs à cause des barrages", raconte Marie, une vendeuse du marché, contactée par téléphone, dans ce département, le plus pauvre de France.

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A proximité de l'axe principal, entravé par des barrages, les grilles du collège de Sada restent fermées. Même constat à Chiconi, gros village du littoral (ouest), devenu le théâtre d'affrontements. "Chaque matin, on va voir si le barrage a été levé et si l'établissement peut ouvrir. Et chaque matin, on fait demi-tour", témoigne un enseignant en EPS.
Devant les pneus entassés, les bennes à ordures et les palettes en bois, des soignants aussi restent bloqués.

"Leur mobilité est gravement entravée, les bus sont bloqués et les liaisons entre nos différents sites sont impossibles", a indiqué Jean-Mathieu Defour, directeur général du centre hospitalier de Mayotte (CHM), dans un communiqué. Une situation qui conduit le CHM à fonctionner "avec moins de 50 % de son personnel hospitalier".
"Cela devient très compliqué", concède anonymement un infirmier du CHM. "Certains ambulanciers vivent loin, leurs collègues présents doivent enchaîner 24 heures de travail. Et toutes les interventions en dehors de Mamoudzou sont impossibles", assure-t-il.

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"Caillasser les militaires"

Depuis le 22 janvier, des membres du collectif des citoyens de Mayotte 2018 et des habitants bloquent les principaux axes routiers. Ils demandent notamment l'expulsion de réfugiés originaires d'Afrique des Grands Lacs, installés dans un camp de fortune, à proximité du stade de Cavani, à Mamoudzou. Les premières opérations de démantèlement du camp de réfugiés n'ont pas calmé leur colère.

Au-delà de ces actions des collectifs, des barrages sont érigés par des jeunes encagoulés qui s'en prennent aux automobilistes. "Des délinquants munis d'armes blanches cherchent à profiter de la situation", confirme la préfecture. Ce mardi a "été ponctué d'affrontements sporadiques entre des jeunes et les forces de l'ordre, cibles de caillassages", indiquent les forces de l'ordre. "Plusieurs dizaines de jeunes se sont rendus près de l'enceinte de gendarmerie de Sada pour caillasser les militaires qui ont répliqué", selon cette source.

A Koungou, au nord de l'île, d'autres s'en sont pris à des citoyens lambda près d'un club de tennis et les ont caillassés; ils ont ciblé des automobilistes, essayant de leur voler leur voiture, selon les forces de l'ordre qui estiment qu'une centaine de jeunes au total ont participé à ces violences.
Dans ce contexte, l'hôpital ne peut aller chercher les personnes blessées ou malades que par hélicoptère, dans ce département français situé à mi-chemin entre Madagascar et l'Afrique. "La nuit, nous ne pouvons pas intervenir. Certaines personnes nous appellent, mais on ne peut pas se déplacer. On sait que des décès auraient pu être évités", alerte l'infirmier du centre hospitalier.
 

Avec AFP