« Refonder » Mayotte : Une loi pour durcir l'immigration, accélérer les expulsions et investir massivement

©Abby Saïd Adinani / Outremers360

« Refonder » Mayotte : Une loi pour durcir l'immigration, accélérer les expulsions et investir massivement

Lutter contre l'immigration et l'habitat illégal, investir massivement pour relever le département le plus pauvre de France, recenser la population : le projet de loi pour « refonder Mayotte » entend répondre aux immenses défis de l'archipel dévasté. Voici les principaux points du texte qui doit être adopté définitivement jeudi au Sénat, sept mois après le passage ravageur du cyclone Chido.

4 milliards sur six ans

Le texte du gouvernement n'est pas un simple projet de loi, il comprend aussi un volet programmatique, qui impose des objectifs à l'exécutif. Il recense les priorités de l'État pour Mayotte et les investissements publics prévus entre 2025 et 2031, fléchés vers l'eau, l'éducation, la santé, les infrastructures ou la sécurité. Initialement fixés à 3,2 milliards d'euros, ils ont été relevés pour atteindre près de quatre milliards.

Il contient aussi des engagements plus généraux, comme la fin des rotations scolaires pour la rentrée 2027, alors qu'aujourd'hui, de nombreux élèves doivent partager leur salle de classe avec un autre groupe, faute de places disponibles. Il acte la promesse de construire des « infrastructures essentielles » comme des hôpitaux ou encore un nouvel aéroport sur l'île de Grande-Terre.

Immigration, habitat illégal et sécurité

Le texte liste deux priorités : la lutte contre l'immigration et l'habitat illégal, « sans quoi, nous risquons de reconstruire Mayotte sur du sable », selon les mots du ministre des Outre-mer Manuel Valls. Il durcit les conditions d'accès au séjour sur l'archipel, où la moitié de la population est étrangère selon l'Insee.

L'obtention d'un titre de séjour pour les parents d'enfant français devra désormais être conditionnée à une entrée régulière sur le territoire. Il lutte contre les reconnaissances frauduleuses de paternité, en alourdissant la peine contre cette infraction. Et il prévoit la centralisation de celles-ci à Mamoudzou, dans le but d'identifier les auteurs de reconnaissances multiples.

Lire aussi : Le Parlement en passe d'adopter définitivement le projet de loi pour « refonder Mayotte »

Le volet sécuritaire prévoit le retrait possible des titres de séjour aux parents d'enfants considérés comme menaçant l'ordre public. Ou encore la possibilité de placer dans une zone de rétention des mineurs accompagnant un majeur faisant l'objet d'une mesure d'éloignement. Plusieurs mesures facilitent la destruction des bidonvilles sur l'archipel, avec par exemple la possibilité de déroger à l'obligation d'une offre de relogement ou d'hébergement d'urgence.

Fin des visas territorialisés

Le texte prévoit la suppression, à l'horizon 2030, des visas territorialisés à Mayotte, qui empêchent les détenteurs d'un titre de séjour mahorais de venir dans l'Hexagone. La suppression de ce titre de séjour spécifique est très attendue par les habitants qui y voient une injustice et un manque de solidarité de la France métropolitaine face à l'afflux massif d'immigrés clandestins venus notamment des Comores voisines.

Convergence sociale

Sur le volet social, le projet de loi prévoit de faire converger le niveau des prestations sociales comme le RSA ou le SMIC entre Mayotte et l'Hexagone à l'horizon 2031. Une première étape permettra d'atteindre 87,5% du SMIC dès le 1er janvier 2026.

Du côté des entreprises, un allègement des charges et un maintien du CICE jusqu'au 1er janvier 2027 ont été actés, avec une mise en place d'un régime d'exonérations de charges spécifique aux entreprises d'outremer, à partir de cette date. Par ailleurs, le texte prévoit la création d'une « zone franche globale » avec des abattements jusqu'à 100%, étendue à toutes les entreprises et tous les secteurs d'activité, pour stimuler l'économie mahoraise.

Lire aussi : Mayotte : La loi-programme sur la refondation « donne un cap » mais « ne répond pas à tout », estime Ben Issa Ousseni

En revanche, le texte a été amputé d'une mesure particulièrement irritante pour les Mahorais, un article simplifiant les procédures foncières et les expropriations en vue de construire des infrastructures essentielles. Le recensement exhaustif de la population à Mayotte dès 2025, une disposition très attendue sur l'île, est aussi inscrit dans la loi.

Depuis des années, les élus locaux affirment que la population est sous-estimée avec pour conséquence des collectivités moins bien dotées qu'elles ne devraient l'être et des services publics saturés.

Gouvernance locale renforcée

Mayotte deviendra une collectivité unique « département-région ». Ce changement institutionnel, acté dans une loi organique parallèle, vise à donner plus de leviers aux élus mahorais, notamment pour gérer les fonds européens et piloter le développement de leur archipel.

Le projet instaure un scrutin de liste pour l'élection de 52 conseillers à l'assemblée de Mayotte, ainsi que des incitations pour attirer les fonctionnaires, comme une bonification d'ancienneté et une priorité de mutation au retour.

Avec AFP