PORTRAIT. De Mayotte à EDF : Moussa Mohamed Mroudjae, un expert au service de la transition numérique

PORTRAIT. De Mayotte à EDF : Moussa Mohamed Mroudjae, un expert au service de la transition numérique

S’il n’est pas très connu du grand public, Moussa Mohamed Mroudjae a été le témoin et l’acteur privilégié des grands changements survenus ces dernières années au sein d’Électricité de Mayotte (EDM). Aujourd’hui chef de projet digitalisation de la relation client au sein de la direction des systèmes insulaires d’Électricité de France, il œuvre depuis quelques années à améliorer l’expérience client à grande échelle, de la Corse en passant par les territoires ultramarins. Désormais localisé au siège d’EDF SEI, il n’en oublie pas son territoire d’origine : Mayotte. Suite à la catastrophe, après le passage du cyclone Chido, c’est en tant que volontaire qu’il revient, apportant son appui à la cellule logistique et expérience du terrain.

C’est au cœur du quartier d’affaires de La Défense que nous retrouvons Moussa Mohamed Mroudjae. Il y a un mois, c’est à Mayotte que l’homme apportait son appui au service des équipes mobilisées pour rétablir au plus vite le réseau électrique fortement endommagé, suite au passage du cyclone Chido. Après deux semaines de mission, Moussa Mohamed Mroudjae est de retour dans l’Hexagone, où il travaille depuis quelques années au sein des systèmes insulaires d’EDF, qui couvrent les territoires ultramarins et la Corse. Son rôle : accompagner la digitalisation de la relation client dans ces territoires. Une mission qui concerne quelque 1,2 million de clients.

« Quitter Mayotte a été une décision difficile, mais essentielle. Pour la deuxième fois, j’avais besoin de me confronter à d’autres environnements, de comprendre comment fonctionnaient les grandes entreprises sur des marchés plus vastes et, surtout, de sortir de ma zone de confort. Mon ambition n’a jamais été de partir pour partir, mais bien d’apprendre ailleurs afin de mieux revenir. »

Avant d’intégrer EDF SEI, c’est à Enedis que Moussa Mohamed Mroudjae a dû faire ses preuves, en tant que directeur adjoint de la direction territoriale de l’Essonne. Son rôle est de gérer les relations avec les institutions locales et de piloter des équipes en charge de la relation client et de la gestion des contrats de concession. Une mission qu’il voit comme une opportunité unique d’élargir son champ de compétences :

« J’étais habitué à gérer des projets liés à la relation client et à la digitalisation des services. En Île-de-France, j’ai découvert une autre facette du métier : la gestion des relations institutionnelles, la négociation avec les collectivités locales, et, surtout, l’importance d’une vision stratégique du développement énergétique et du réseau d’une collectivité à moyen et long terme via les contrats de concession ». Mais même si l’ambition de Moussa Mohamed Mroudjae le pousse à toujours relever de nouveaux défis, Mayotte n’est jamais bien loin.

Un parcours au service des autres

Le parcours de Moussa Mohamed Mroudjae commence 25 ans plus tôt au sein d’Électricité de Mayotte (EDM) en tant que conseiller clientèle grands comptes, un poste qui lui permet d’acquérir une solide connaissance des enjeux liés à la relation client et aux spécificités du marché mahorais. Très vite, après un passage à HEC Paris, il évolue vers des responsabilités plus stratégiques, prenant en charge la gestion clientèle, puis une mission depuis l’Hexagone, au sein de la Direction Commerce BtoC à Paris de 2013 à 2017 en tant que manager des opérations, puis la direction du pôle clientèle et commercial d’EDM. 

Ce rôle marque un tournant décisif dans sa carrière, car il est au cœur d’une transformation majeure : celle de la digitalisation des services d’EDM. « Nous devions repenser complètement la relation avec nos clients. À Mayotte, la majorité des transactions se faisaient encore en physique, ce qui impliquait des déplacements fréquents et des contraintes énormes pour les usagers. Il fallait moderniser tout cela, et j’ai vu dans cette mission une opportunité d’améliorer concrètement le quotidien des Mahorais. »

Sous sa direction, plusieurs projets ambitieux voient le jour, tels que la mise en place de l’Agence en Ligne, le portail de raccordement, permettant aux clients d’accéder à leurs services 24 h/24 sans avoir à se déplacer, ou le déploiement de bornes de paiement sur l’ensemble du territoire pour fluidifier les transactions et éviter les files d’attente. En interne, il met également en place des interventions dématérialisées pour les techniciens. « L’un des plus grands défis a été d’accompagner nos collaborateurs dans ce changement. Nous avons transformé les métiers des releveurs et techniciens en techniciens polyvalents, et ceux des gestionnaires en conseillers clientèle. Cette évolution n’a pas toujours été simple, mais elle était nécessaire pour répondre aux nouvelles attentes de nos clients. » 

L’une de ses plus grandes fiertés ? Avoir accompagné la montée en compétences de jeunes en interne. « Je me souviens de ces jeunes qui travaillaient comme releveurs, avec peu de perspectives d’évolution. Beaucoup d’entre eux avaient pourtant du potentiel, mais ils ne savaient pas forcément comment faire pour aller plus loin. Mon rôle a été de leur montrer que c’était possible, que s’ils avaient l’ambition de progresser, il y avait des chemins pour y parvenir. »

Grâce aux dispositifs qu’il a mis en place, plusieurs collaborateurs ont pu évoluer vers des postes à plus grande responsabilité. « Certains releveurs sont devenus chargés d’affaires, et d’autres techniciens et experts réseau grâce à un accompagnement et des formations leur permettant d’obtenir un BTS et de changer complètement de domaine. C’est une immense fierté de voir qu’en leur donnant les bons outils, en leur ouvrant des portes, ces jeunes ont pu se construire un avenir professionnel solide. » Aujourd’hui, même s’il poursuit son parcours professionnel, il reste très attentif à l’évolution des jeunes talents mahorais et continue d’encourager ceux qui veulent progresser.

Le défi de la digitalisation

Si Moussa Mohamed Mroudjae est convaincu que l’avenir est numérique, il sait aussi que la transition digitale ne doit pas laisser certaines populations sur le bord de la route. « On ne peut pas imposer un modèle unique à tous les clients. Il y a ceux qui sont à l’aise avec le numérique et qui veulent tout gérer depuis leur smartphone, et il y a ceux qui n’ont pas cette possibilité, soit par manque d’équipement, soit par manque de compétences numériques. Notre rôle, c’est d’adapter les services pour répondre aux besoins de chacun, pas de forcer tout le monde à suivre une seule et même voie. » 

Le numérique, c’est aussi une opportunité de créer des liens inter-générationnels au sein des familles et de nos communautés. Aujourd’hui, en tant que chef de projet en digitalisation de la relation client chez EDF, Moussa Mohamed Mroudjae pilote des initiatives visant à accélérer la modernisation des services dans les territoires d’Outre-mer. Son objectif est clair : déployer des solutions qui facilitent la vie des clients, et surtout mieux consommer, tout en s’adaptant aux spécificités locales.

« L’objectif n’est pas de supprimer les services traditionnels, mais de proposer une alternative qui simplifie la vie des clients. Ceux qui préfèrent aller en agence doivent toujours pouvoir le faire. Mais pour ceux qui peuvent gérer leur compte à distance, on doit leur offrir les outils les plus performants possibles. » Pour lui, le véritable enjeu des prochaines années est de trouver cet équilibre entre innovation et accessibilité, entre modernité et inclusion. « Il ne s’agit pas de choisir entre le digital et l’humain, mais de faire coexister les deux de manière intelligente. » Engagé dans l’Hexagone jusqu’en 2026, Moussa Mohamed Mroudjae envisage l’avenir avec sérénité. « Je ne me fixe pas d’objectif, mais j’avance, je capitalise. Une chose est sûre, Mayotte restera toujours dans mes projets. »

Abby Said Adinani