Créée en 2021 par la Réunionnaise Anaelle Pony et deux autres associés, la start-up Léon développe Léon Guide, une application mobile culturelle qui fait parler les territoires à travers des récits audio géolocalisés. D’abord pensée pour valoriser les sites emblématiques de La Réunion, l’entreprise s’apprête à déployer sa version 2, qui ouvrira sa carte sonore à Mayotte, Maurice, la Thaïlande, plusieurs régions de l’Hexagone et même la Belgique. Entre innovation technologique et mémoire vivante, Léon confirme son ambition : faire dialoguer les territoires par la voix.
C’est une histoire qui commence au détour d’un sentier de trail, alors qu’Anaelle Pony, de retour sur son territoire, s’entraîne pour La Mascareignes, l’une des courses mythiques du Grand Raid de La Réunion. « En me préparant pour cette course, je passais des heures sur les chemins et je me posais sans arrêt des questions : pourquoi ce lieu porte-t-il ce nom ? Quelle histoire s’y cache », raconte-t-elle. « Souvent, je ne trouvais pas les réponses. Alors je me suis dit que s’il n’existait pas d’outil capable de raconter les lieux qu’on traverse, il fallait le créer. »
L’idée de Léon est née là, en 2015. Il faudra plusieurs années et plusieurs tentatives avant que le projet prenne sa forme actuelle. « J’ai essayé trois fois de le lancer. La quatrième, en 2021, a été la bonne. » Depuis, Léon Guide est devenu un média sonore vivant, qui permet d’écouter, en marchant ou en visitant, des histoires liées à la mémoire des lieux : légendes créoles, récits d’esclaves marrons, témoignages d’habitants, mémoire des quartiers et paysages oubliés. « Léon n’est pas une appli touristique, c’est un média de mémoire et de proximité. » Le nom lui-même, Léon, est un clin d’œil à cette transmission orale. « Dans la famille, Léon, c’est le tonton qui sait tout, celui qui raconte pendant les repas. On a tous notre Léon. »
Dès le départ, l’entrepreneure culturelle parie sur le format sonore. « Le son, c’est intime, ça touche différemment. On ferme les yeux, on imagine. Les voix, les musiques, les bruits de la mer ou de la forêt font partie du récit. Le son, c’est une façon de ressentir plutôt que de regarder. »
Des récits qui nous lient
À mesure que Léon grandit, la carte sonore imaginée par Anaelle Pony s’étend. La version 2 de l’application, attendue pour la fin du mois marquera une étape décisive : elle intégrera de nouveaux territoires : Mayotte, Maurice, la Thaïlande, plusieurs régions de l’Hexagone et bientôt la Belgique. De nouvelles langues et des fonctionnalités d’accessibilité pour les personnes sourdes et malentendantes sont également attendues.
« Cette V2, c’est un tournant. Elle va nous permettre d’accueillir d’autres territoires et d’autres langues, mais aussi de renforcer notre travail avec les acteurs locaux. Chaque territoire aura son espace, son identité sonore, ses propres récits. » Pensée comme une carte vivante de la mémoire, la nouvelle interface offrira une navigation plus fluide et une circulation naturelle entre les récits. Pour la co-fondatrice, cette évolution prolonge la vision d’un projet qui relie les mondes. « Les récits, ce sont des ponts. On se rend compte que nos histoires se répondent, que nos mémoires dialoguent. Léon, c’est un peu ça : un lieu où les distances s’effacent pour laisser place aux voix. » En quelques années la structure indique avoir réalisé plus de 400 podcasts et cumuler près de 40 000 auditeurs.
Transmettre, soigner, relier
La dimension éducative et sociale du projet s’est affirmée au fil du temps. La start-up développe aujourd’hui deux déclinaisons : Léon Educ et Léon Care.
Le premier, Léon Educ, a obtenu les accréditations du ministère de l’Éducation nationale et sera déployé en 2026. Il s’adresse aux collèges et lycées, avec des contenus pédagogiques autour de l’histoire et du patrimoine local. « On travaille avec des enseignants pour replacer la culture locale au cœur de l’apprentissage. L’idée, c’est que les jeunes puissent apprendre autrement, à travers les voix et les récits du territoire. »

Le second, Léon Care, s’adresse au secteur médico-social. Déployé dans plusieurs établissements partenaires, il utilise le récit audio comme support thérapeutique et relationnel, notamment auprès des personnes âgées et des patients atteints de troubles cognitifs. « On collabore avec des psychologues, des orthophonistes et des équipes médico-sociales pour accompagner les publics fragiles. Le son a cette force : il réveille une émotion, une chanson, une image du passé. Dans certains établissements, il sert à stimuler la mémoire ou simplement à recréer un moment d’apaisement et de présence. »
En parallèle, Léon prépare la sortie d’un projet emblématique : une série sonore consacrée à Paul Vergès, figure incontournable de l’histoire réunionnaise qui sera diffusée à partir du 12 novembre 2025, à l’occasion du centenaire de sa naissance et du neuvième anniversaire de sa disparition.
En quatre ans, Léon est désormais un projet international qui allie mémoire, innovation et transmission. Soutenue par un réseau institutionnel solide et par des partenariats culturels, éducatifs et économiques, la start-up trace sa voie entre patrimoine et technologie. « On parle souvent d’innovation, mais pour moi l’innovation, c’est aussi ça : réinventer la façon de se raconter. Si Léon peut donner envie à un jeune de rentrer, à un touriste d’écouter, à un ancien de parler, alors on aura réussi. »























