En décembre, le groupe Albioma, producteur d'énergies renouvelables indépendant, a annoncé deux nouveaux projets pour ses centrales de La Réunion. D’une part, la valorisation de déchets ménagers du nord et de l’est de l’île et d’autre part, l’acquisition d’une usine de granulés de bois en Australie pour l’approvisionnement de l’île en biomasse. Deux projets qui confortent La Réunion comme territoire d’innovation d’Albioma.
C’est en 1992, à La Réunion, qu’Albioma met en service sa première centrale de cogénération à combustion hybride bagasse et charbon, sur le site de Bois-Rouge. « Un tournant important » dans l’histoire du groupe, note Albioma sur son site. « La Réunion, c'est vraiment le cœur du groupe. C'est là qu'a commencé ce qui fait aujourd'hui vraiment le cœur de notre activité, c'est-à-dire les centrales bagasse » rappelle le Président d’Albioma Frédéric Moyne.
Depuis, le producteur s’est installé aux Antilles, à Mayotte, sur l’île Maurice, en France hexagonale, en Guyane, au Brésil, au Canada, en Turquie et désormais en Australie. Albioma « a développé depuis 30 ans un partenariat unique avec le monde sucrier pour produire de l’énergie renouvelable à partir de la bagasse (…). Albioma est aussi le premier producteur d’énergie photovoltaïque en Outre-mer où il construit et exploite des projets innovants avec stockage, ainsi que dans l’Hexagone et au Brésil. En 2021, le Groupe fait l’acquisition d’une première centrale de géothermie en Turquie. L’activité se développe en 2022 avec une deuxième centrale dans la même zone géographique » détaille le site.
Mais aujourd’hui encore, c’est à La Réunion qu’Albioma innove. Le 20 décembre dernier, le groupe annonçait le lancement d’un projet de valorisation des déchets ménagers du Nord et de l’Est de La Réunion. « On va valoriser ce qu'on appelle les CSR, combustibles solides de récupération, dans une chaudière dédiée », nous explique Frédéric Moyne. « Il y a 170 000 tonnes de déchets qui étaient enfouis, juste pour le Nord et l'Est de La Réunion. De ces 170 000 tonnes, 70 000 tonnes de CSR sont produites après le tri et la valorisation matière. Et ce sont ces fameux 70 000 tonnes que l'on va valoriser dans notre chaudière dédiée, qu'on va construire sur notre site de Bois-Rouge ».
Pour ce projet, Albioma ne produira pas de « puissance » énergétique supplémentaire mais pourra remplacer la biomasse que le producteur doit importer sur l’île : « Les CSR vont nous permettre de promouvoir l'autonomie. Dans nos chaudières aujourd'hui, on brûle de la bagasse et de la biomasse importée. On va remplacer la vapeur produite par la biomasse importée par de la vapeur haute pression qui proviendra de la combustion des CSR locaux. On travaille ainsi dans la direction de l'autonomie énergétique et de l'économie circulaire ». Pour ce projet, Albioma travaille avec les collectivités locales et les acteurs locaux du traitement des déchets, notamment le Sydne, Syndicat des déchets du Nord et de l'Est de La Réunion qui gère toute la collecte des ordures ménagères, et le centre de traitement des déchets Innovest.
360 000 tonnes de granulés de bois produites en Australie en 2026
L’autre projet pour La Réunion répond à l’enjeu d’approvisionnement en biomasse des centrales d’Albioma. « Aujourd'hui, on mobilise trois types de combustibles. De la bagasse, d'autres formes de biomasse locales et en complément de la biomasse importée. Tout l'enjeu pour nous, c'est de sécuriser nos approvisionnements, notamment en matière de biomasse importée ». En 2021, Albioma a acquis une usine de granulés située au Québec, « qui a vocation à alimenter nos usines de l'Arc antillais ». « Cette usine fait environ 200 000 tonnes de capacité et on va consommer dans cette zone environ 450 000 tonnes : une petite moitié de notre consommation finale dans la zone antillaise sera couverte par notre usine québécoise », explique Frédéric Moyne.
« À La Réunion, on va consommer environ 800 000 tonnes de granulés une fois qu'on aura converti la totalité de nos centrales. Les productions les plus proches sont en Asie du Sud-Est et en Australie. On a regardé depuis plusieurs mois ce qui se faisait en termes de production de granulés dans ces pays pour alimenter nos usines réunionnaises. Finalement, nous avons choisi d'acheter une usine de granulés en Australie, d’une capacité d’environ 60 000 tonnes ». Usine à laquelle s’ajoutera « un projet complémentaire dans le Sud de l'Australie d’une capacité de 300 000 tonnes ». « Ce qui fera au total, 360 000 tonnes pour environ 800 000 tonnes de consommation dans la zone Réunion » assure Frédéric Moyne.
« Durabilité des approvisionnements »
« La logique est la même que dans la zone Caraïbes : on sécurise nos approvisionnements à hauteur de 40%, à partir de production en propre. C'est ce qui va nous donner beaucoup de flexibilité. C'est ce qui va nous permettre de garantir la sécurité d'approvisionnement et donc de garantir le fonctionnement de nos centrales », ajoute-t-il.
Pour motiver l’achat d’une usine australienne, le groupe a mis dans la balance « la durabilité des approvisionnements ». « Au Québec, on a une centrale extrêmement vertueuse de ce point de vue puisque les forêts dont sont issus nos granulés sont des forêts qui sont gérées pour la plupart sous l'égide du ministère québécois des Forêts, ce sont des forêts qui sont certifiées et on utilise dans notre usine québécoise des résidus de l'activité forestière. On alimente notre usine québécoise avec de l'électricité verte également, qui est en provenance de Hydro Québec ».
« En Australie, c'est la même chose. On aura des granulés qui seront issus de forêts gérées durablement, des granulés qui seront certifiés, conformes aux plus hautes exigences que nous impose la réglementation « Renewable Energy Directive » : c'est la nouvelle directive européenne sur les énergies renouvelables qui vient d'être adoptée par le Parlement européen et qui fixe aussi des critères de durabilité de nos approvisionnements », détaille le dirigeant qui assure : « On choisit des pays où il n'y a aucun doute en matière de gestion durable des forêts ».
Dernier point très important pour le groupe, « on s'assure que nos pellets (autre nom donné aux granulés de bois) ont un bilan carbone optimum, en faisant en sorte que l'énergie qu'on a mise dans le processus de fabrication soit une énergie renouvelable ». C’est-à-dire que pour produire cette biomasse, Albioma alimente ses usines avec une énergie renouvelable : hydraulique au Québec, cogénération biomasse en Australie. Pour le producteur, il s’agit de « minimiser au maximum le bilan carbone total de l’opération » qui comprend aussi le transport, phase sur laquelle Albioma ne peut influer qu’indirectement.
Demain, la géothermie
« Ce qui compte, c'est d'avoir un pellet qui a été produit proprement (…). Donc, notre objectif, à chaque fois qu'on réfléchit à une opération de verticalisation, c'est-à-dire production de pellets en propre, c'est de minimiser l'empreinte carbone résiduelle de nos futurs pellets », assure Frédéric Moyne, qui précise que le bois transformé vient de résidus de l’industrie locale, de bois déjà coupé et exploité pour la construction par exemple. Albioma espère approvisionner La Réunion avec la première partie du projet, 60 000 tonnes pour rappel, courant 2024. Le second projet, de 300 000 tonnes, devrait être opérationnel en 2026.
« Grâce à notre implantation à La Réunion, on est constamment en capacité d'innover » insiste le dirigeant. « On a sécurisé le paysage énergétique réunionnais avec ces centrales bagasse-charbon qui sont devenues des centrales bagasse-biomasse. Ce sont des centrales qui sont très bien intégrées dans leur environnement. On a un rôle absolument crucial dans cette zone et de façon plus large désormais dans une vision un peu régionale d'ancrage de La Réunion dans ce fameux espace indopacifique », ajoute-t-il.
Et au-delà de la biomasse, Albioma pense aussi au solaire, à La Réunion mais aussi ailleurs en Outre-mer où il s’est positionné. Albioma veut aussi avancer sur la géothermie sur l’île : « une énergie intéressante à nos yeux, compétitive, locale, renouvelable et disponible en permanence, intéressante à ce titre pour le gestionnaire de réseau » conclut Frédéric Moyne.