Grandes figures des Outre-mer : Jocelyne Lagarde, la Tahitienne qui reçut un Golden Globe et fut nommée pour un Oscar à Hollywood

Jocelyne Lagarde (1924 - 1979) dans le film « Hawaii » ©Metro-Goldwyn-Mayer Studios

Grandes figures des Outre-mer : Jocelyne Lagarde, la Tahitienne qui reçut un Golden Globe et fut nommée pour un Oscar à Hollywood

Outremers 360 poursuit (même pendant les vacances !) sa série bimensuelle sur les personnalités emblématiques qui ont marqué l’histoire des Outre-mer. Nous nous penchons aujourd’hui sur l’histoire étonnante de Jocelyne Lagarde, une Tahitienne, qui, n’ayant jamais été comédienne, reçut en 1967 un Golden Globe de meilleure actrice dans un second rôle et fut nommée pour un Oscar à Hollywood pour sa prestation dans son unique film, « Hawaii ».

Bien qu’elle connut la notoriété en son temps, on en sait très peu, même à Tahiti, son île natale, sur la vie de Jocelyne Lagarde (parfois orthographié LaGarde). Les rares données biographiques émanent principalement du quotidien hawaiien Honolulu Star-Bulletin, devenu depuis le Honolulu Star-Advertiser dans le cadre d’une fusion en 2010. Le journal s’était en effet intéressé de très près à Jocelyne Lagarde à l’annonce de sa sélection pour le rôle de la reine Malama dans le film « Hawaii » de l’Américain George Roy Hill, adapté du roman éponyme de l’écrivain James Albert Mirchener, également citoyen des États-Unis.

Dans une interview accordée au Honolulu Star-Bulletin en mai 1965, avant le tournage du film, Jocelyne, âgée de 41 ans à l’époque, se livre. Née à Papeete le 24 avril 1924, elle est la fille de Derai Bredin, un docker qui devint plus tard responsable de sa section. Enfant, elle fut adoptée par sa tante Anna Lagarde, femme d’une famille aisée dont elle conserva le patronyme. Selon le quotidien, Jocelyne Lagarde aurait été une descendante directe de la famille royale de la reine Pomare IV, « un sujet que mademoiselle Lagarde n’aborde jamais », précise le journal. « C’est quoi la royauté ? », aurait-elle même demandé.

Rien ne la prédestinait à paraître à l’écran. Mais au début de l’année 1965, le réalisateur George Roy Hill et sa directrice de casting Marion Dougherty sont en Polynésie à la recherche d’acteurs et de figurants pour leur futur long-métrage. Ce qu’ils veulent avant tout, c’est le profil d’une « reine combinant présence et dignité ». À Papeete, Francis Sanford, un membre des autorités locales qui avait aidé au casting pour « Les révoltés du Bounty », est l’homme idoine. Et il déniche Jocelyne Lagarde, imposante stature d’1m83 et de près de 150 kilos, dotée de plus d’une forte personnalité.

Le cinéaste américain et sa collaboratrice tombent sous le charme. Jocelyne, qui accepte, incarnera donc la reine Malama. Quelques mois plus tard, la Tahitienne reçoit une invitation à se rendre à Honolulu puis à Hollywood. Ne parlant pas un mot d’anglais, on lui assigne une tutrice pour apprendre les rudiments du langage ainsi que les 17 pages du script qu’elle doit mémoriser avant le début du tournage du film en juin 1965 à Hawaii. « Elles travaillent deux à trois heures par jour avec l’aide d’un magnétophone », écrit le Honolulu Star-Bulletin. « Elle comprend très bien l’histoire et se débrouille parfaitement avec les répliques. Elle parle même comme une reine », confie sa tutrice, mademoiselle Cave.

Diffusé sur les écrans un an plus tard, le long métrage est un succès, comprenant des têtes d’affiche célèbres en leur temps comme Julie Andrews (Mary Poppins, La Mélodie du Bonheur), Max von Sydow et Richard Harris. Mais c’est la parfaite inconnue Jocelyne Lagarde qui va recevoir les honneurs. Avec toutefois sept autres protagonistes du film, elle est nommée aux Oscars (les Academy Awards à l’époque) mais décroche seule un Golden Globe (de la Hollywood Foreign Press Association) de meilleure actrice dans un second rôle lors de la remise des récompenses en 1967. Une consécration pour la Tahitienne, dont, il faut le rappeler, c’est le premier, et seul film. 

En effet, après une tournée internationale pour promouvoir « Hawaii », Jocelyne revient à la quiétude de sa vie polynésienne, retournant à Honolulu un mois par an. Citant un magazine londonien, le Honolulu Star-Bulletin affirme que la Tahitienne disait « ne recevoir aucune offre » pour le cinéma. Par ailleurs, étant diabétique, sa santé se complique au début des années 70. En 1972, elle est soignée à Hawaii et doit se faire amputer d’un pied. Quelques mois plus tard, affublée d’une prothèse, elle repart à Papeete. Celle qui disait de son parcours que « c’était le destin », s’éteint dans la même ville le 12 septembre 1979. Une étoile filante dans le ciel du Fenua… Mais qui restera, aux yeux d'Hollywood, la première femme autochtone nommée aux Oscars et récompensée aux Golden Globes. 

Le film « Hawaii » 

Sorti en octobre 1966, « Hawaii » est un long métrage complexe et qui dure plus de trois heures dans sa version originale. Pour s’en tenir au rôle de Jocelyne Lagarde, elle incarne Malama, la reine de l’île, mariée à son frère biologique Kelolo, selon la tradition qui a pour but de préserver la lignée royale. Au grand dam des missionnaires installés dans le territoire et qui cherchent à évangéliser les autochtones. Mais Malama ne veut pas se convertir car cela l’obligerait à se séparer de Kelolo. Au moment de mourir toutefois, elle accepte d’être baptisée et de renoncer à son époux. Comme des devins l’avaient prédit, cet acte entraîne une tempête qui détruira l’église. Kelolo, quant à lui, fuira Hawaii pour Bora Bora, emportant le cœur de Malama.

Voir la bande annonce du film (version américaine). Jocelyne Lagarde apparaît brièvement à 00.35 ► https://www.imdb.com/fr/video/vi3835823385/?playlistId=tt0060491&ref_=ext_shr_lnk

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PM