Le Premier ministre a détaillé ce lundi son plan « Mayotte debout », devant les élus locaux, à l’issue de sa visite sur l’archipel dévasté par le passage du cyclone Chido le 14 décembre dernier. Un plan qui prévoit notamment des mesures sur l’électricité, l’accès à l’eau, la reconstruction, l’interdiction des bidonvilles, la sécurité ou encore, l’immigration.
L’électricité « dans chaque foyer » d’ici fin janvier
« L'électricité doit être rétablie dans chaque foyer fin janvier, avec des moyens humains et logistiques considérables » a d’abord annoncé le chef du gouvernement qui précise que les équipes d’Électricité de Mayotte vont recevoir un renfort de 200 agents « pour atteindre cet objectif ». « Il convient que la main d'œuvre locale et les artisans locaux soient engagés dans cette entreprise », a-t-il ajouté.
En attendant, « 200 groupes électrogènes, une dizaine par commune, seront mis en place pour le fonctionnement des équipements indispensables et c'est EDF qui les fournira. Il se trouve que sont déjà arrivées plusieurs dizaines et les autres vont immédiatement suivre ». Les premiers groupes seront placés « sur les points les plus sensibles ».
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François Bayrou annonce aussi des « équipes, commune par commune, sous l'autorité du maire et d'un représentant d'Électricité de Mayotte, pour repérer les ruptures de réseaux basse tension et intervenir avec toutes les compétences disponibles pour le rétablissement du courant. Vingt techniciens EDF arriveront en renfort dans la semaine pour organiser ces commandos ».
60 millions d’euros sanctuarisés pour l’eau
Sur l’eau, le Premier ministre a annoncé « une intervention de l'armée, avec des unités en provenance des XIIIᵉ et XIXᵉ régiment du génie, spécialisées sur les opérations d'urgence avec leur matériel, dès la semaine prochaine, pour aider les équipes locales sur le réseau de distribution de l'eau, la remise en état du réseau routier et des constructions détériorées ». « Avant la fin de la semaine 6 janvier, le volume de production d'eau potable avant Chido sera atteint » a-t-il assuré, soit « 38 000 mètres-cubes par jour ».
À moyen-terme, François Bayrou vise « une production de 40 000 mètres cubes par jour » avant le 30 juin 2025. Le plan Eau Mayotte prévoyait 60 millions d'euros d'investissement en 2025, « le gouvernement est prêt à sanctuariser ces moyens et à les augmenter en fonction des besoins ». Il annonce notamment « une deuxième usine de dessalement et une accélération de la création de la troisième retenue collinaire ». Deux projets qui seront étudiés au printemps.
Déploiement de Starlinks
Sur le volet des télécommunications, alors qu’une grande partie de l’archipel reste encore dépourvue de réseaux, « 200 Starlinks » seront déployés « pour assurer les communications en urgence ». « Une solution 5G devra être déployée sur l'ensemble du territoire d'ici fin juin 2025 » pour pallier la destruction des réseaux de téléphonie fixe. « Cette solution sera définie avec les élus dans le cadre de la loi Mayotte » a-t-il précisé.
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« Dans les deux ans, un réseau de fibre optique sera déployé avec un appui financier public de 50 millions d'euros dans le cadre du plan France très haut débit » a ajouté le Premier ministre qui souligne la nécessité de dérogation à la loi Littoral pour permettre « l'implantation des pylônes et la libération des fréquences indispensables au réseau ».
Des prêts garantis par l’État pour les familles de l’archipel
Sur les logements, François Bayrou a insisté sur la poursuite de la mise « hors d'eau des bâtiments publics et des résidences ». « 140 tonnes de bâches représentant une surface de 700 000 mètres carrés seront livrées dans la semaine, s'ajoutant aux 100 tonnes de bâches déjà livrées, correspondant à 500 000 mètres carrés ». « Ce plan continuera en tant que de besoins ».
« Pour la réfection des toitures, des éléments de charpente métallique et des tôles en acier seront acheminés en urgence, en fonction des besoins, et seront inclus dans la liste des produits à prix bloqués pour que la spéculation ne se donne pas à libre cours sur ces besoins » a poursuivi le chef de l’exécutif qui annonce aussi « des ateliers pour façonner ces éléments installés à Mayotte, avec des formations sur place pour assurer la fabrication dans l'archipel ».
« Un financement par des prêts garantis par l'État, assumé par la Banque des Territoires, dans des conditions exceptionnelles réservées aux catastrophes naturelles de grandes d'ampleur comme Chido, sera mis en place à destination des familles mahoraises » a aussi annoncé François Bayrou, alors qu’à peine 10% de la population est couverte par une assurance. « Des taux d'intérêt seront bonifiés avec cinq années de différé d'amortissement, c'est-à-dire 0 euro par mois pendant 5 ans et ensuite 25 années de remboursement, ce qui fera une mensualité moyenne de 6 euros par mois pour 1 000 euros empruntés et avec le remboursement du capital à la fin des 30 années » a détaillé le Premier ministre.
La loi spéciale courant janvier, et une loi-programme dans trois mois
Il annonce aussi une « révision complète de la géographie des quartiers prioritaires de la ville et une mise en cohérence avec les zones prioritaires scolaires. Ce qui signifie que les enseignants pourront évidemment bénéficier des avantages correspondants ». Autre annonce : l’interdiction des bidonvilles, en accord avec les élus locaux. Ces deux dispositions doivent être intégrées à la loi spéciale pour la reconstruction de Mayotte qui sera présentée en Conseil des ministres ce vendredi, puis sous 15 jours au Parlement.
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Cette loi prévoit la création d’un « établissement public de refondation sur le modèle de l'établissement public de Notre-Dame, avec la désignation d'une personnalité à sa tête (…), donnant toute leur place aux élus ». Une loi programme de refondation de Mayotte, « préparée et conçue avec les élus de Mayotte, sera mise au point dans les trois mois » a ajouté François Bayrou.
Appel à solidarité auprès des écoles de l’Hexagone
Concernant les écoles, François Bayrou maintient l’objectif d’une rentrée scolaire le 13 janvier, « selon les modalités adaptées, établissement par établissement ». « Une attention particulière sera portée pour les élèves dans les classes ayant un examen final, bac, brevet ou CAP », tandis que « ceux qui le souhaiteront, une scolarisation temporaire dans l'Hexagone pourra être organisée ».
Il insiste aussi sur « l'évacuation des écoles, collèges et lycées », qui ont servi de refuge d’urgence durant le cyclone et après son passage, et toujours occupés « par l'accueil de personnes (…) touchées par le cyclone, et la mise à l'abri de ces personnes, avant reconduite à la frontière pour celles qui seront en situation irrégulière ». Pendant sa visite, plusieurs établissements scolaires de Mamoudzou ont été incendiés après avoir été vidés de ses occupants ayant trouvé refuge.
Un point est aussi consacré à la reconstruction des établissements scolaires qui ont aussi été touchés par le cyclone Chido, reconstruction « prise en charge par l'État sur vérification des factures ». Des « tentes écoles » seront également fournies dès cette semaine. « Une action Mayotte Solidarité École sera lancée auprès des communes de l'Hexagone pour offrir du matériel équipant les classes ».
Au niveau des ressources humaines, « un plan d'attractivité pour pallier le manque d'enseignants » sera lancé. Il s’agirait notamment d’un « appel à des étudiants, des retraités, des enseignants volontaires avec indemnisation qui pourrait entraîner pour les étudiants une procédure de validation des acquis pour qu'il y ait des enseignants devant les élèves ». En outre, « un soutien de l'État au département sera mis en place pour une subvention pour assurer les transports scolaires ».
Plan de vigilance pour surveiller les écoles
Sur la sécurité, François Bayrou a annoncé la « formation de 300 gendarmes et policiers auxiliaires mahorais, pour assister les unités locales et se préparer à exercer les missions de sécurité dès que la crise sera passée ». Deux brigades seront créées, chacune de dix agents, l’une à Dzoumogné, la seconde à Bandrélé. Vingt gendarmes formeront un Peloton de surveillance et d'intervention à Dembeni, et le Centre opérationnel de renseignement de la gendarmerie sera renforcé de cinq agents, tout comme la police judiciaire avec dix agents.
Pour surveiller les établissements scolaires, le Premier ministre proposera au chef de l’État « un plan vigilance qui permettra d'associer des unités de l'armée et des unités de gendarmerie ». Sur la lutte contre l’immigration illégale, François Bayrou énumère : « Remise en état et remplacement des radars, renforcement des patrouilles aériennes et maritimes, mobilisation de drones permettant d'assurer le respect des frontières et mise en œuvre de bases avancées pour l'interception en mer ».
Plan d’attractivité pour recruter des personnels de santé
Pour ce qui est du domaine de la santé et de « la continuité des soins », François Bayrou annonce la « mobilisation de la réserve sanitaire de Santé publique France ». « Nous allons proposer un parrainage de l'hôpital de Mayotte par les centres hospitaliers qui seront volontaires dans l'Hexagone », a-t-il ajouté.
Parmi les autres annonces : le « maintien des droits des patients, notamment pour renouveler les traitements même sans ordonnance (…) ; la mobilisation des infirmiers libéraux de Mayotte pour la démarche d'aller-vers, avec une soixantaine d'équipes Santé-Secours pour faire de la médecine au plus près des besoins de la population ; la sécurisation par l'État de la trésorerie des 300 professionnels de santé libéraux » par « une avance sur trésorerie pendant trois mois ».
Comme pour l’enseignement, François Bayrou annonce « un plan d'attractivité et de fidélisation axé notamment sur les médecins, les sages-femmes et toutes les professions en tension dans le domaine médical », comme les « infirmiers et manipulateurs en radiologie ». « Nous décidons la création d'un deuxième institut de formation de soins infirmiers » et « la prescription par les médecins scolaires et les médecins de PMI pour renforcer la réponse aux défis sanitaires ».
Sur la « destruction » ou la « valorisation » des déchets, nombreux après le passage du cyclone, François Bayrou annonce, d’une part, un traitement des déchets ménagers « dans les quelques semaines qui viennent ». Concernant « les déchets lourds, métalliques en particulier », ils « seront envoyés à des unités de traitement de tri et de traitement ».
« Il y a des millions de tonnes d'arbres qui ont disparu dans la tempête » a ajouté le Premier ministre, « ces millions de tonnes d'arbres peuvent constituer une source d'énergie pour le territoire ». « Par exemple, ils peuvent constituer une source d'amélioration des sols, ils peuvent aussi être utilisés pour une unité de production d'électricité locale. Ces de tonnes d'arbres ne pourront pas être abandonnés, comme on le voit trop sur les routes et dans les forêts ». Un plaidoyer qui, pour l’heure, demeure sans proposition concrète pour leur valorisation.
Transport aérien et aides économiques
Sur le volet du transport, le Premier ministre a annoncé la reprise des vols commerciaux dès le 1er janvier. « L'État interviendra pour soutenir le rapatriement d'urgence des habitants de Mayotte, retenus hors de France à cause de la catastrophe ». Un rapatriement qui pourrait débuter dès ce mardi, a assuré le Premier ministre.
Sur les aides économiques aux entreprises, François Bayrou déroule : « suspension des cotisations sociales pour toutes les entreprises jusqu'au 31 mars » ; « aide financière d'urgence pour toutes les entreprises par compensation de la perte de chiffre d'affaires à hauteur de 20% du chiffre d'affaires moyen, c'est-à-dire un plafond de 20 000 euros » ; « Dispositif exceptionnel d'activité partielle pour préserver les emplois, avec un traitement en urgence des demandes » ; « Allocations et indemnités versées à l'employeur et aux salariés, augmentées de manière exceptionnelle jusqu'au 31 mars 2025 » ; « Prolongation des droits des bénéficiaires des allocations chômage jusqu'au 31 mars 2025 » ; ou encore « Mobilisation d'un prêt Catastrophe Naturelle et d'un fonds d'épargne dédié à la refondation de Mayotte ».
Une « Zone franche globale d'agriculture agricole, exemptant toutes les entreprises pour une durée de cinq ans pour relancer une économie sinistrée et passer d'une économie souterraine à une économie déclarée » sera aussi créée. Autres annonces : « soutien au développement des filières agriculture et pêche ; fourniture de bâches pour la protection des installations agricoles ; approvisionnement en nourriture pour les vaches laitières ; simplification administrative de l'entrée des semences en préservant le territoire de l'entrée d'organismes pathogènes ; mobilisation des fonds européens pour la reconstruction des installations agricoles ; fonds de la FNSEA avec versement plus tard le 15 janvier de 1 000 euros pour les 1 350 exploitations affiliées ; réorientation d'une partie de la redevance thonière pour financer des équipements à Mayotte sur la base d'une expression de besoins de la filière ».
Un recensement « général et précis » de la population
La mobilisation des fonds européens aura lieu « après une évaluation des dommages » a précisé le Premier ministre. Évaluation qui se terminera « fin janvier avec une mission d'inspection sur place ». Enfin, « un recensement général et précis de la population sera organisé à Mayotte ». Ce recensement « général et précis » est « une opération vérité qui permettra de sortir des ambiguïtés et des incohérences que beaucoup d'élus ont signalées sur l'appréciation numérique de la population ».
« Il s'agit de définir avec les élus et la population ce que sera Mayotte demain. Pour nous, pour le gouvernement, c'est une orientation essentielle qui a été provoquée par la prise de conscience du cyclone, qui doit engager la population et les élus de Mayotte », a conclu François Bayrou.