Droit du sol à Mayotte : L'Assemblée nationale adopte dans la confusion un amendement durcissant le texte

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Droit du sol à Mayotte : L'Assemblée nationale adopte dans la confusion un amendement durcissant le texte

L'Assemblée nationale a approuvé dans la confusion jeudi un amendement durcissant substantiellement un texte de la droite, soutenu par le gouvernement, qui propose de renforcer les restrictions au droit du sol à Mayotte.

La proposition de loi du député Les Républicains (LR) Philippe Gosselin propose que l'obtention de la nationalité française pour les enfants nés à Mayotte soit conditionnée à la résidence régulière sur le sol français, au moment de la naissance, des « deux parents » (et non plus d'un seul), et ce depuis un an (et non plus trois mois). 

Mais à la surprise générale, un amendement UDR, le groupe d’Éric Ciotti allié du Rassemblement national, a été adopté pour tripler la durée de résidence nécessaire, à trois ans. Une douzaine de socialistes, trois écologistes et un communiste ont voté pour, et cinq RN ont voté contre, alors qu'ils souhaitaient tous faire l'inverse.

Philippe Gosselin a estimé que c'était une « décision très mauvaise », arguant que seul le délai d'un an pouvait passer le filtre du Conseil constitutionnel. Le garde des Sceaux Gérald Darmanin, favorable au texte initial, a d'abord proposé une nouvelle délibération sur l'amendement, pour que les députés puissent corriger leur vote. Mais il l'a finalement retirée : « on corrigera au Sénat », a-t-il lancé.

Le député LFI Ugo Bernalicis a demandé que les députés puissent voter sur le principe de cette deuxième délibération, un vote que le président de séance Roland Lescure a promis d'organiser à la fin des débats. Les Insoumis se sont aussi efforcés de ralentir les discussions, pour ne pas aller au vote final, en multipliant les amendements et sous-amendements.

Mais dans une séance hachée par d'innombrables rappels au règlement, Gérald Darmanin a répliqué à la tactique des Insoumis en invoquant un article de la Constitution disposant que le gouvernement peut s'opposer à l'examen de tout amendement qui n'a pas été d'abord déposé en commission.

Pour ralentir les débats les élus Insoumis ont aussi eu recours à une tactique rare : la « vérification du quorum ». Un groupe doit d'abord démontrer que la majorité de ses membres sont présents, le président de séance Roland Lescure a donc dû faire l'appel, imitant un maître d'école.

Puis les services doivent vérifier si une majorité absolue des députés est présente à l'Assemblée. Dans le cas contraire, le prochain vote est décalé de quinze minutes. Or des députés socialistes avaient quitté l'hémicycle. « Ils sont juste à côté, honte à eux », a tempêté Éric Salmon (RN), les accusant d'avoir quitté l'hémicycle à dessein.

Plus tôt dans la journée, l'intervention du député LFI Sébastien Delogu, interpellant la députée de Mayotte Estelle Youssouffa (Liot) a valu la colère froide de cette dernière. « Où étiez-vous pendant les fêtes pendant que nous La France insoumise, parcourions l'ensemble du territoire pour récolter des dons, envoyer de l'eau et des denrées alimentaires ? Où étiez-vous quand il fallait censurer le gouvernement parce qu’il n’apporte pas les moyens nécessaires à nos compatriotes mahorais ? », avait interrogé le député des Bouches-du-Rhône. 

« Mais vous êtes sérieux ? » a répondu la députée de Mayotte dans une réponse cinglante : « Pendant les fêtes, pendant que vous faisiez votre petite tournée des popotes, j’étais sur mon île, en train de compter, d’essayer d’être avec la population (…). J‘étais sur mon île avec la population qui n’a plus de toit, plus à manger, plus de services publics, plus d’hôpital », rappelant les abstentions ou les votes contre la loi d'urgence pour Mayotte du côté des rangs LFI. 

Avec AFP