Opposée à l’extension à la Polynésie française des lois nationales sur les soins palliatifs et sur le droit à l’aide à mourir, une proposition de résolution portée par des élues indépendantistes a recueilli un avis favorable, hier en commission de la santé et des solidarités à l’assemblée. Seule l’élue AHIP Teave Chaumette a voté contre cette résolution quand une autre élue dénonce une position dogmatique et mal informée. Au Cesec, qui se prononcera jeudi sur les textes nationaux, on s’achemine vers un avis défavorable, malgré le soutien des internautes qui ont donné leur avis sur le site de l’institution. Explications de notre partenaire Radio 1 Tahiti.
La « proposition de résolution appelant l’État à respecter la souveraineté sanitaire, culturelle et éthique de la Polynésie française en matière de fin de vie », portée les élues indépendantistes du Tavini Huira’atira Patricia Pahio-Jennings et Teremuura Kohumoetini-Rurua, a recueilli lundi un avis favorable de la commission santé et solidarités de l’assemblée.
La résolution demande à ce que les deux textes actuellement en discussion au parlement -ils ont été adoptés par l’Assemblée nationale le 27 mai dernier et doivent à présent passer devant le Sénat- ne soient pas rendus applicables en Polynésie française tant qu’une large consultation des Polynésiens (institutions, communes, confessions religieuses, professionnels de santé, associations…) n’a pas été organisée.
Elle doit être proposée au vote de l’assemblée en session extraordinaire, dont la date n’est pas encore arrêtée. Rappelons que les résolutions de l’Assemblée territoriale sont rarement prises en compte à Paris, mais celle-ci pose encore une fois la question des compétences respectives du Pays et de l’État, et des particularismes de la Polynésie.
L’exposé des motifs dénonce à la fois le fond et la forme : un empiètement, sans consultation préalable, sur les compétences en santé publique de la Polynésie -bien que pour l’État, la création de nouveaux droits relève des libertés publiques, compétence régalienne- et une possible menace sur « les fondements culturels, éthiques et sanitaires du territoire. »
« Ils compliquent quelque chose de simple : les gens sont libres », dit Teave Chaumette
Lundi, une seule élue de la commission santé et solidarités de l’Assemblée territoriale a voté contre cette résolution : Teave Chaumette du parti autonomiste A Here ia Porinetia. « Cette loi dit qu’on est libre de décider. On ne peut pas faire mieux pour moi. On n’oblige personne ! (…) Je trouve qu’ils compliquent quelque chose de simple : les gens sont libres, les malades qui souffrent ont le droit de choisir leur mort. Je n’ai pas voté la peine de mort hier, j’ai voté le libre-arbitre. »
« L’indépendance n’a rien à faire » dans ce débat, dit Hinamoeura Cross-Morgant
L’élue indépendantiste Hinamoeura Cross-Morgant, qui a assisté à la séance de la commission, regrette l’attitude dogmatique de Teremuura Kohumoetini-Rurua, rapporteure du texte : « C’est un sujet qui mérite beaucoup d’échanges, et on a une élue complètement fermée qui au final ne connaissait même pas le texte national. Elle ne faisait que dire, nous on veut décider pour nous, ce n’est pas à la France de nous dire. Je l’entends, mais c’est encore un fonds de commerce. C’est quelque chose qui pourrait fondamentalement changer la fin de vie de nos Polynésiens, amener de la dignité humaine, l’indépendance n’a rien à faire là-dedans ».
Le Cesec contre les deux textes nationaux, à contre-courant de la consultation citoyenne
Au Cesec, qui rendra un avis sur les textes nationaux en séance plénière jeudi, on s’achemine vers une position défavorable. « Nous, on a plutôt insisté sur le fait que les soins palliatifs en Polynésie française laissent à désirer », dit Patrick Galenon qui fait partie de la commission santé du Cesec.
« La loi dit bien que les soins palliatifs doivent être étendus à tout le territoire (d’ici 10 ans, ndlr). En France il n’y a que 48% des patients qui ont accès aux soins palliatifs, qu’est-ce que c’est ici ? 15% ? 20% ? Au-delà de Papenoo et Papara, c’est fini. Un malade aux Marquises, comment on fait ? Je pense qu’ils n’ont pas compris que la Polynésie, c’est grand comme l’Europe. » Et l’offre de soins est du ressort de la Polynésie, dit-il. « C’est-à-dire qu’ils inventent des lois mais ils ne nous donnent pas les moyens, et c’est la CPS qui doit payer ? »
Quant à l’aide à mourir érigée en droit, « c’est une forme d’euthanasie, ou de suicide », affirme Patrick Galenon, malgré les garde-fous inscrits dans la loi. Il estime que le droit à « une sédation profonde et continue », déjà présent dans la loi Claeys-Leonetti de 2016, est suffisant. Jeudi, on connaitra aussi le résultat de la consultation numérique organisée par le Cesec. Ce mardi, plus de 80% des répondants se sont déclarés, eux, favorable à cette réforme.
Caroline Perdrix pour Radio 1 Tahiti