Après une sortie de crise sanitaire difficile, un plan de retournement conditionné par l’Union européenne et des changements de gouvernance, le ciel tend à s’éclaircir pour la compagnie internationale réunionnaise. Son nouveau dirigeant Hugues Marchessaux, qui s’est entretenu en exclusivité à Outremers360, entrevoit un résultat d’exploitation positif en avril 2025, et vise la « croissance rentable » d’ici 2026 qui permettra à Air Austral de se pencher sur un renouvellement de sa flotte en 2030.
Arrivé à la tête du Directoire d’Air Austral le 18 octobre dernier, Hugues Marchessaux, passé entre autres par Corsair et Air France, a pour principal objectif de « remettre notre résultat d'exploitation à l'équilibre cette année ». En d’autres termes, « équilibrer nos recettes et nos charges d'exploitation » pour l’année fiscale 2024/2025. Interrogé par notre rédaction à plus de la moitié de l’exercice fiscal 2024/2025, le dirigeant se montre à la fois optimiste et pragmatique pour la compagnie réunionnaise. Air Austral va poursuivre ses efforts dans le cadre du plan de retournement, et se tourner vers l’avenir.
« Nous nous fixons deux exercices supplémentaires », donc jusqu’à avril 2027, « pour cette fois-ci non plus être à l'équilibre, mais être un équilibre positif, c'est-à-dire gagner de l'argent, dégager du « cashflow positif » nécessaire pour financer d'une part nos futurs investissements, mais également rembourser une partie de nos dettes ». Hugues Marchessaux évoque pour ce faire « un plan d’action » : « travailler nos recettes d'un côté, continuer à les développer mais avec un format de flotte qui va rester celui que l'on connaît aujourd'hui (…), et travailler nos coûts parce qu’on a une compagnie qui est pénalisée par des coûts d'exploitation qui sont trop élevés ».
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Une stratégie qui devra être déployée sur trois ans et tient en deux mots : la « croissance rentable ». « Croissance parce qu'une compagnie qui ne croît pas, c'est une compagnie qui n'a pas d'avenir (…) et rentable car il faut qu'on travaille sur les coûts, qu'on soit capable à la fin de l'année de présenter des comptes qui soient positifs ». Et par coût, Hugues Marchessaux liste « les coûts de maintenance, les coûts d'escale, les coûts commerciaux, les coûts de catering, les coûts marketing ». Le dirigeant ne part pas d’une feuille blanche puisque le plan de retournement, validé et conditionné par Bruxelles en 2023, liste aussi une « série de chantiers » à mettre en œuvre pour baisser les coûts d’exploitations, faire des « économies récurrentes » et dégager du « résultat positif » à l’horizon 2026
Dès lors, la compagnie pourra se projeter plus loin, viser 2030. Et même si le calendrier est large, le président du Directoire réfléchit déjà au renouvellement de la flotte pour mieux adapter la flotte aux besoins de la compagnie. Actuellement, la compagnie s’appuie sur trois Boeing 777-300ER, deux Boeing 787-8 Dreamliner, et trois Airbus A220-300. Le tout pour faire du moyen et long-courrier. Or, l’une des raisons qui expliquent les coûts d’exploitation de la compagnie, c’est précisément une flotte qui n’est pas adaptée.
« On a trois modules avions pour huit avions, c'est trop » explique Hugues Marchessaux. « Idéalement, en ayant un réseau moyen et un réseau long-courrier, il faudrait qu'on puisse avoir simplement deux modèles d'avions : un modèle pour le long-courrier et un modèle pour le moyen-courrier. Plus vous multipliez les modèles, plus vous multipliez les coûts de maintenance, de formation, d'organisation qui sont démultipliés parce que chaque machine a ses propres processus d'entretien ».
« Aujourd'hui le succès des compagnies qui ont des petites flottes, c'est d'avoir un seul type d’avion, quand c'est possible ». À titre d’exemple chez les autres compagnies ultramarines : Air Tahiti Nui, Air Caraïbes et French bee ou Corsair, qui ne font que du long-courrier, se sont concentrées sur un modèle d’avion unique pour toute la flotte, soit des 787-9, des A350 ou des A330-900neo. AirCalin, qui fait du moyen et du long-courrier, possède deux types d’avions du même constructeur : des A320 pour ses moyen-courriers et des A330-900neo pour ses long-courriers.
À ces coûts d’exploitation liés à la flotte s’ajoutent les « fragilité intrinsèque » dont certains appareils font état. Air Austral a rencontré des soucis sur les moteurs de ses A220, comme d’ailleurs l’ensemble des compagnies opérant ces appareils. Et les compagnies ultramarines sont aussi contraintes par leurs environnements salins qui les obligent à davantage d’entretien de leurs appareils. L’autre particularité d’Air Austral, c’est aussi la desserte de Mayotte, dont la piste ne permet pas l’usage de n’importe quel appareil. Actuellement, ce sont les 787-8 qui assurent des Dzaoudzi-Paris, des avions certifiés pour les pistes « courte ».
Autant d’éléments, de particularités qui, finalement, poussent Hugues Marchessaux à réfléchir bien en amont au renouvellement de la flotte d’Air Austral. Sans compter qu’entre la prise de décision et l’acquisition, cinq années peuvent s’écouler, entre la signature des contrats, la recherche de financement ou encore la construction des aéronefs auprès des deux principaux constructeurs qui « croulent sous les commandes ». « C'est pour tout ça qu’il ne faut pas trop qu'on tarde et qu'en parallèle de notre stratégie de retour à l'équilibre, il faut qu'on développe aussi notre stratégie flotte (…) pour être sûr d'avoir des avions en 2030. C'est cet horizon de temps-là que l'on vise ».
Pour ce qui est du réseau, Air Austral va continuer, au moins jusqu’en 2025, à desservir les destinations actuelles pour être conforme à son plan de retournement et se concentrer sur les lignes rentables. Au-delà, Air Austral pourrait réfléchir à étendre son réseau ou, éventuellement, reprendre des lignes suspendues en 2023. Mais dans sa stratégie de consolidation et de retour à l’équilibre positif, le président du Directoire semble préférer concentrer les efforts sur le réseau existant, sans toutefois rester fermé à d’autres options.
Et d’autres options, c’est aussi développer les destinations existantes par des liens commerciaux. Et pourquoi pas entrer en discussion avec l’autre compagnie ultramarine qui dessert Bangkok : AirCalin ? Après tout, les liens culturels entre la Nouvelle-Calédonie et La Réunion avaient justifié, il fut un temps, l’ouverture d’un Saint-Denis - Nouméa via Sydney. Et la récente annonce d’un Nouméa - Paris via Bangkok a donné l’idée à quelques agences calédoniennes de proposer des offres de voyage à La Réunion.
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« On a regardé effectivement les connexions entre l'arrivée de notre Bangkok et puis le passage de leur avion, ça se marie assez bien », estime Hugues Marchessaux. « Si on peut développer un peu de trafic entre La Réunion et la Nouvelle-Calédonie et vice et versa, pourquoi pas ? Ça nous intéresse et je pense que ça intéresse aussi la Nouvelle-Calédonie ». Le dirigeant d’Air Austral se montre toutefois prudent, au regard du contexte calédonien « assez compliqué », mais aussi pragmatique : s’il a pu y avoir des échanges entre les deux compagnies, l’heure est encore à l’étude de faisabilité, et notamment dans quel cadre commercial les deux compagnies pourraient se rejoindre.