Une journée Outre-mer au Congrès de l’UICN

© IUCN

Une journée Outre-mer au Congrès de l’UICN

Après l'inauguration du Congrès de l'UICN vendredi 3 septembre, le Pavillon France a consacré une journée à la biodiversité ultramarine avec une Journée Outre-mer. Une journée d'échanges et de débats pour faire avancer la protection des écosystèmes naturels des territoires d'Outre-mer. 
 

« Outre-mer, je n’aime pas ce terme d’outre-mer,  a précisé le ministre de la Culture et de l'environnement de la Polynésie Heremoana Maamaatuaiahutapu, lors de son intervention. Nous ne sommes pas dans un espace quelconque , perdu dans la mer ; de même que je n’aime pas le terme d’autochtone, nous sommes des îliens »
Et à ce titre, les îles ont tenu la vedette. Dès le début de la matinée de ce samedi 4 septembre, le discours d’Annick Girardin donnait le ton, rappelant qu’après 40 ans le ministère de la mer venait d’être recréé et qu’il serait bon que chaque grand territoire ait un ministre de la mer. « Seul on va vite, ensemble on va loin »

Elle précisait ainsi la volonté du Président de la République d’organiser avant la fin de l’année un « One ocean summit » où l’on évoquera les ambitions concernant la haute mer, la nécessaire planification de cet espace, tous les usages de la mer, et les conditions de la protection « dure » des Aires Marines Protégées (AMP).  Car si la France remplit largement la mise en protection des 30% demandés par l’international, pour l’instant la protection « dure » de 10% n’est pas encore pleinement assurée et l’armée va devoir jouer un rôle important sur ce point.

Cette protection, comme l’a rappelé Bérangère Abba, secrétaire d’Etat à la biodiversité auprès de la ministre de la Transition écologique, doit renforcer la résilience des écosystèmes marins. Il nous reste moins d’un an pour consolider ce dossier avant Kunming et la COP 15 en avril 2022. En attendant il y aura la COP climat de Glasgow (en octobre 2021) qui devrait fixer la part financière réservée à cette mesure considérée comme une des ces nouvelles solutions issues de la nature, dont on est appelé à beaucoup parler puisqu’elles feront la jonction entre les enjeux de climat et de biodiversité. Des sources de financement non négligeables à la clé  pour cette adaptation qui signe en même temps les premiers pas d’un cadastre de la mer.

« La Covid a montré l’interdépendance de nos sociétés. Si notre représentation du monde est que l’océan sépare, dans les faits c’est le lien qui unit. ..En tant que bien commun, la mer n’appartient à personne, mais nous y avons des devoirs et la France reste attachée à la liberté des mers et des droits de circulation qui ont été fixés par la Convention de Montego Bay dont nous fêterons les 40 ans l’an prochain. La France a la chance de posséder grâce aux îles d’immenses ZEE (zone économique exclusive)«  Nous avons pris en compte le premier E de ce terme,l’économie, nos droits. Mais il nous faut désormais donner un sens au second E, nos devoirs environnementaux » a précisé la Ministre. « De même, nous aurons à jouer un rôle important dans la protection des pôles et notamment de l’Arctique».

Sur le site du Pavillon France, les partenaires économiques ont multiplié toute la journée les annonces pour une meilleure protection des océans. Citons le lancement par la Fondation de la mer et le bureau Veritas d’ « Ocean Approved » premier label international dédié à la protection des océans, et destiné aux entreprises ayant un rôle à jouer quel que soit leur secteur d’activité. Les interventions se sont également multipliées en faveur d’une réorientation des financements.

Visiblement, le temps des déclarations d’intentions est achevé, place aux actes. Axa, la BNP, MIROVA ont lancé un appel pressant aux épargnants. « Demandez des comptes à vos banques. Exigez de savoir dans quoi est investi votre livret A ou votre LDD . Il y a un véritable pipeline de projets à financer en direction de la restauration des terres, l’économie bleue, les services éco-systèmiques», soulignent ces auteurs de la financeAutant d’informations connues et suivies par la jeune génération.

Corail et mangrove

Même si comme nous le rappellera Maina Sage, député de la Polynésie, les mangroves ne sont pas un écosystème très distribué en Polynésie. Selon elle, « le rapport du GIEC a fourni une vision plus régionale des risques, seule la cohérence, une bonne stratégie et des financements porteront des fruits au delà des grandes déclarations …Les ambitions avancent, mais le droit ne suit pas »

La démarche insulaire est de valoriser le patrimoine traditionnel et les réseaux comme SMILO, un réseau qui n’aide que les petites îles de moins de 150km2 , ou l’association Green Cross qui tisse des liens avec les îles loyauté.
Grâce à ses Outre-mer, la France abrite plus de 10% des récifs coralliens de la planète dans les trois océans. Ce patrimoine exceptionnel lui confère une responsabilité mondiale de le préserver. La France poursuit ses engagements avec IFRECOR, le CRIOBE, SOS Corail.., afin de protéger 100% de ses récifs outre-mer. Un objectif ambitieux à construire avec tous les partenaires, même si l’on sait après 20 ans d’observation que les récifs de demain seront moins riches. Le risque est effectivement de voir grandir les colonies d’acroporas faciles à multiplier, mais qui ne serviront jamais comme les porites de bouclier aux côtes.

Les récifs affichent île par île une grande disparité. Là où la population est importante, comme à Mayotte, il y a plus de risques. La pollution anthropique est une des premières causes de disparition avant même celle du réchauffement. Quatorze programmes pour comprendre, restaurer, réimplanter sont en cours de financement.

En lien avec les éco-maires, Maud Lelievre désormais présidente de l’UICN a remis en présence de la nouvelle ambassadrice environnement, Sylvie Memmet, la palme IFRECOR 2021. 

Deux lancements ont été faits sur le site du Pavillon France : comme le livre bleu Outre-mer l’avait promis, le compteur de la biodiversité , idée du Ministère des Outre-mer portée par le Muséum national d’Histoire naturelle et l’Office français de la biodiversité voit le jour, recensant indicateurs et initiatives.

Barbara Pompilli , ministre de la transition énergétique a également ouvert officiellement le nouveau site du SGDD, mine d’informations, qui permet à chacun de mesurer le chemin parcouru, les lois existantes, les gaps entre déclarations politiques et réalités, entre exigences de l’UE et actions françaises.

Les engagements locaux

A l’UICN, existe un comité Outre-mer basé à Papeete dont la responsable est Anne Caillot.  200 experts y suivent les expériences territoriales sous la présidence de Niels de Pracontal. 

Mayotte et la Polynésie étaient très représentées. Le plus jeune Département français a beaucoup à faire et le président du Conseil départemental a présenté les problèmes énormes aujourd’hui rencontrés. Il ne reste plus que 5% de forêts naturelles, soit 8% de l’ile. Leur protection est donc une priorité et une coordination avec les scolaires travaille à la restauration de l’arrière mangrove. Durant la Covid, 28 tortues sur les 200 que compte l’île ont été tuées. La lutte contre le braconnage s’intensifie et une connexion s’établit pour mieux connaître les coraux profonds car seuls ceux qui sont entre 0 et 30m sont bien identifiés. L’agence régionale de la biodiversité reconnaît qu’il est déjà trop tard pour tenter une restauration et qu’il manque à Mayotte un office de l’eau. 

La table ronde Outre-mer a permis de rappeler à quel point les îles sont fragiles. On vante en permanence la richesse de leur biodiversité mais peu est fait pour la préserver.  Le témoignage poignant de la Nouvelle Calédonie, de la Guadeloupe et de la Guyane l’ont rappelé:  « Nous n’avons pas de numéro vert pour nous sauver de nos angoisses : réchauffement, montée des eaux, sargasses…Un new deal doit voir le jour bâti sur la préservation de la biodiversité» a martelé la Guadeloupéenne Sylvie Gustave dit Duflo. 

Pendant que  le ministre de la Culture et de l'environnement de la Polynésie Heremoana Maamaatuaiahutapu  expliquait vouloir s’inscrire dans le concert des nations. « Nous avons été obligé de créer un néologisme NATURA, un mot qui n’existait pas chez nous. Car la forêt, le ciel et la mer sont un ensemble dont l’homme est partie intégrante. Servir les intérêts de la France pour servir les intérêts des Outre-mer serait faire fausse route. Il faut sauver le vivant, les animaux, les hommes : la planète s’en sortira toujours ».

Dominique Martin Ferrari pour Outremers 360