Série - Musées en outre-mer : le musée des Beaux-Arts de Saint-François, le rendez-vous incontournable des arts en Guadeloupe

Série - Musées en outre-mer : le musée des Beaux-Arts de Saint-François, le rendez-vous incontournable des arts en Guadeloupe

A travers cette série, Outremers360° vous propose de partir à la découverte des musées en outre-mer : leur histoire patrimoniale, sociale et territoriale, leurs collections, leur programmation culturelle et leurs projets à venir. Cette semaine, Outremers360° fait halte en Guadeloupe, dans la ville côtière de Saint-François à la pointe sud-est de la Grande-Terre, pour découvrir le musée des Beaux-Arts. Situé à la Marina de Saint-François, le Musée des Beaux-Arts réunit quelque 150 tableaux, dessins et sculptures d’artistes principalement guadeloupéens du XVI° siècle à nos jours.  Jérôme Filleau, fondateur et directeur du musée, évoque pour Outremers 360° la genèse du projet et revient sur l'organisation des espaces d'exposition qu'il a su intégrer harmonieusement à l'architecture du bâtiment pour répondre aux enjeux de transmission des savoirs du musée.

 

 

Passionné et collectionneur d’art, Jérôme Filleau, ingénieur de formation à toujours emprunter les chemins de l’art jusqu’à fonder et diriger le musée des Beaux-Arts de Saint-François en Guadeloupe : « Je ne suis pas un professionnel de l’art mais je suis collectionneur. Installé à Saint-François en Guadeloupe depuis 1977, j’ai des activités dans divers secteurs. En 2007, nous avons créé avec mon épouse Catherine, une galerie sur la marina de Saint-François. L’objectif n’était pas lucratif mais de rencontrer d’autres amateurs d’art. J’ai décidé en 2012 de créer moi-même ce musée. Ne voulant pas l’installer en pleine campagne, je me suis rabattu sur un petit terrain en bordure de la marina, très bien situé. La construction a démarré en 2015 et le bâtiment fut achevé en 2017. Le musée a été inauguré en mai 2017. »


La transmission, un enjeu essentiel

La vocation première du musée est pédagogique. Le musée est dédié à tous les publics, en premier lieu aux Guadeloupéens et notamment aux enfants : « Ce musée s’adresse à tous les publics. La majorité des visiteurs sont des touristes notamment nord-américains car ils aiment inclure une partie culturelle dans leur découverte d’un pays. Le nombre de visiteurs guadeloupéens reste faible mais augmente lentement. Les visites de scolaires, toujours organisées par des enseignants, ne sont pas encore au niveau espéré car elles butent sur le problème du transport des élèves et du coût de l’autocar qui représente 80 % du coût total de la sortie. »

Un parcours muséographique au service de la découverte de l’histoire de l’art

Le parcours de visite est conçu selon une logique chronologique qui permet aux visiteurs de mieux comprendre l’évolution des différents mouvements artistiques qui ont jalonné l’histoire de l’art : « Ce musée est conçu comme un musée de province. Il offre un aperçu chronologique de l’histoire de la peinture de la Renaissance à nos jours, en privilégiant les artistes liés à la région, en l’occurrence la Guadeloupe. Les tableaux, dessins, sculptures des siècles passés sont issus de mes collections personnelles. Quant aux œuvres contemporaines, elles sont toutes d’artistes de Guadeloupe qui les ont prêtées ou données au musée. »

La première salle du musée propose des tableaux des XVIe, XVIIe et XVIIIe siècles notamment des écoles italiennes, hollandaises et flamandes.

Les salles suivantes permettent de découvrir les tableaux de Guillaume Lethière, né en Guadeloupe en 1760, Jean-Baptiste GIBERT, autre peintre guadeloupéen, grand prix de Rome en 1828, Evremond de Berard, Pierre-Jérôme Lordon, né au Moule en 1779, Armand Budan, né à Anse Bertrand en 1827 qui fut peintre, professeur de dessin mais également un des tout premiers photographes de Guadeloupe.

Dans la coursive rejoignant les autres salles, sont exposées des estampes japonaises, ainsi qu’une peinture sur soie coréenne du XVIIIe siècle qui démontre l’influence des artistes asiatiques sur l’évolution de la peinture européenne à la fin du XIXe siècle.

Des œuvres impressionnistes ainsi que d’autres mouvements du XXe siècle comme le futurisme ou le fauvisme, sont également exposées.

Le musée expose également des œuvres d’artistes contemporains de Guadeloupe, comme une composition de personnages en tuf spécialement réalisée pour le musée par deux d’artistes contemporains de Guadeloupe, Madlis et Pakis et un important tableau de Michel Rovelas offert au musée par l’artiste.

Un label « musée privé de France »

En l’absence de subventions ou d’un mécénat significatif du fait de leur taille réduite, les musées privés fonctionnent quasi exclusivement grâce au chiffre d’affaires généré par le prix des billets d’entrée. C’est le cas du musée des Beaux-Arts de Saint-François, financé sur fonds propres et dont l’activité muséographique et de collection est impulsée par la passion de Jérôme Filleau pour l’art : « Ce musée a été entièrement financé sur fonds propres et n’a bénéficié d’aucune aide ou subvention. Nous assurons nous même l’accueil du public avec l’aide de quelques bénévoles. »

La répartition des entrées des musées sur le territoire national est de 35 % pour les musées nationaux, 50 % pour les autres musées publics et 15 % pour les musées privés. Partant de ce constat, l’Assemblée étudie une proposition de loi visant à la création de l'appellation « musée privé de France » qui donnerait droit aux mêmes avantages « économiques, juridiques, sociaux et fiscaux » que les musées publics relevant de l'appellation « musée de France ». Ce dispositif permettrait ainsi de garantir la préservation effective du patrimoine, ainsi que le développement des musées privés.

* Le musée des Beaux-Arts est géré par une association à but non lucratif et, à ce titre, les dons faits à l’association génèrent une réduction d’impôt de 66 % pour les particuliers (dans la limite de 20% du revenu imposable) et de 60 % pour les entreprises.

Guillaume Lethière, le premier homme noir à dominer le monde de la peinture européenne

La deuxième salle du musée des Beaux-Arts de Saint-François est consacrée à Guillaume Guillon-Lethière, célèbre peintre de la période néo-classique, petit-fils d’esclave, né à Sainte-Anne (Guadeloupe) le 10 janvier 1760.

Fils légitimé d’un magistrat de la colonie et d’une Afro-descendante affranchie, il étudie la peinture, à Rouen sous la férule de Descamps dès 1774 puis entre dans l’atelier du peintre du Roi, Gabriel-François Doyen. Il fréquente aussi l’atelier de David. Pendant cette période d’apprentissage, Lethière devient l’ami d’autres Afro-descendants : le chevalier de Saint-George et le général Dumas. Comme eux, il excelle à l’escrime.

En 1784, il remporte le prestigieux prix de Rome et part séjourner au palais Mancini.

Au début de l’Empire, Lethière ouvre « la Childebert », un célèbre atelier près de l’église Saint-Germain-des-Prés où l’on pratique autant l’escrime que la peinture. En 1807, il obtient le poste très convoité de directeur de l’Académie de France à Rome qu’il va occuper pendant 9 ans.

Ayant quitté la villa Médicis en 1816, Lethière ouvre un nouvel atelier dans l’ancien palais abbatial de Saint-Germain-des-Prés.

En 1819, il est nommé professeur à l’École des beaux-arts de Paris.

En 1822, Lethière peint deux tableaux « afro-antillais » : Le serment des ancêtres, offert à la république d’Haïti que la France menaçait alors de reconquête et Saint-Benoît de Palerme ou Saint-Benoît le Maure (dont la gravure est reproduite dans le Catéchisme à l’usage des hommes de couleur de l’abbé Grégoire). Il meurt à Paris en 1832.

Le musée des Beaux-arts expose un grand tableau représentant Lady Hamilton ainsi que des dessins de ce grand artiste. On peut également y admirer des œuvres de certains de ses élèves, notamment le Guadeloupéen Jean-Baptiste Gibert, qui reçut le grand prix de Rome en paysage historique en 1828.

Dans la même série : 

Série - Musées en Outre-mer : Le musée de Villèle à La Réunion évolue et deviendra musée de l'habitation et de l'esclavage

Série - Musées en outre-mer : le Musarth, musée d'art et d'histoire en Guadeloupe souhaite s'ouvrir sur le monde

Série - Musées en outre-mer : l’écomusée Te Fare Natura en Polynésie, un espace unique, immersif et  innovant dédié aux sciences, à la nature et au vivant

EG