Série - Musées en outre-mer : le Musarth, musée d'art et d'histoire en Guadeloupe souhaite s'ouvrir sur le monde

Série - Musées en outre-mer : le Musarth, musée d'art et d'histoire en Guadeloupe souhaite s'ouvrir sur le monde

A travers cette série, Outremers360 vous propose de partir à la découverte des musées en outre-mer : leur histoire patrimoniale, sociale et territoriale, leurs collections, leur programmation culturelle et leurs projets à venir.

Cette semaine, Outremers360 vous emmène en Guadeloupe à Pointe-à-Pitre, au Musarth, Musée d'Art et d'Histoire, ancien musée départemental Schœlcher, labellisé Musée de France. Depuis sa réouverture le 30 septembre 2022, à la suite de travaux de rénovation débutés en 1998 lors du 150e anniversaire de l'abolition de l'esclavage, et des travaux d'extension entrepris en 2016, le musée présente une muséographie totalement repensée et de nouveaux outils de médiation.

Thérèse Parfait, responsable du développement des publics au Musarth nous explique les étapes de cette rénovation et nous présente la nouvelle programmation culturelle. 

© Musarth
© Musarth
© Musarth

Un philanthrope soucieux des futures générations

En plein cœur du centre-ville, dans le quartier historique, à deux pas du Marché aux épices, se dresse sur deux étages, un bâtiment néo-classique en briques ocre entouré de portes et de grilles en fer forgé bleu clair. Dès l’entrée dans le jardin, le visiteur peut contempler le buste de Victor Schœlcher qui dédia une partie de sa collection privée d’objets glanés durant ses voyages en Afrique, en Egypte et aux Antilles à la jeunesse guadeloupéenne.

Durant son exil au Royaume-Uni en 1883, Victor Schœlcher demande au Président du Conseil Général de la Guadeloupe, Guillot, d’« offrir à la Guadeloupe une collection de sculptures que j'ai formée peu à peu depuis de longues années, elle consiste en bas-reliefs, statuettes, bustes, masques figurines, médaillons et médailles, en plâtre, marbre, porcelaine, faïence, terra  cotta et cire. Cet assemblage d'objets d'art, sans autre considérable, l'est assez pour former un petit musée... et Schoelcher conclut, « Permettez-moi, Monsieur le Président, d'exprimer le vœu qu'il soit fait de cette collection une sorte de petit musée journellement ouvert... »

Schoelcher veut pour la Guadeloupe un musée qui soit un lieu d'accès à la culture par le biais de l'histoire de l'art.  Il y voit le moyen d'avoir accès par l'image et par l'objet à l'histoire de France, à la connaissance de l'Antiquité. C'est le sens de sa donation faite de son vivant et constituée de statues grecques et romaines et d’objets liés à l'abolition de l'esclavage. Schoelcher pense que le don à la Guadeloupe d'une collection d'œuvres d'art et d'objets personnels qui témoignent de sa lutte contre les inégalités permettra l'accès à « l'Instruction de ces nouveaux citoyens et favorisera leur promotion sociale. » Le musée d'art devient un lieu d'éducation.

Le musée ouvre ses portes en 1886. Il est inauguré un an plus tard. Il est le plus ancien musée des outre-mer.

Préserver le passé pour accueillir l’avenir

 La restauration complète et la modernisation du bâtiment, inscrit au titre des monuments historiques le 17 août 1979, ont permis d’inscrire le musée dans son temps et de l’ancrer dans son territoire.

Désormais de nouveaux espaces abritent les expositions temporaires, les conférences et les rencontres artistiques et culturelles. L'exposition permanente a été entièrement revisitée. Elle entraîne le visiteur dans le monde des arts à travers les siècles avec une scénographie qui met en valeur la richesse et la diversité des œuvres présentées. Les collections permanentes ont été depuis augmentées. Récemment, le musée du quai Branly- Jacques Chirac a fait un dépôt de cinquante objets collectés par Schœlcher lors de ses voyages en Afrique, en Egypte et en Guyane.

© Musarth

Comment les différentes phases d’agrandissements du musée ont dynamisé la programmation culturelle ?

Thérèse Parfait : Depuis sa construction, le musée a bénéficié de deux grandes périodes d’agrandissements. Entre 1983 et 1984 le musée est passé de 134 m2 à 234 m2. La seconde grande phase de travaux en 2016 a permis d’atteindre une surface totale de 985 m2 et la création de deux nouveaux bâtiments : l’un est dédié aux espaces de jonction et d’accueil et l’autre est un espace de médiation et d’expositions temporaires. En multipliant par quatre la superficie du musée, on a pu développer une politique culturelle éducative à travers des conférences, des ateliers pédagogiques et des projections audiovisuelles. L’idée est de faire basculer le musée dans son époque et d’y faire venir les jeunes guadeloupéens.

Comment s’articule la nouvelle programmation culturelle et le projet initial de Schoelcher ?

Thérèse Parfait : La programmation culturelle s’inscrit dans la continuité de la volonté de Victor Schœlcher de sensibiliser les jeunes générations aux grands enjeux de leurs époques. Victor Schœlcher était un humaniste. Il s’est battu pour l’égalité entre les femmes et les hommes. Le parcours de visite permet de rejoindre le parcours de voyage de Schœlcher dans le monde.

La médiation culturelle du musée vise tous les publics. Nous accueillons des scolaires, nous leur proposons des pratiques artistiques, des activités ludiques en lien avec l’histoire de l’art ou encore des ateliers sur l’histoire de l’esclavage. Nous organisons également des activités grand public en lien avec les grands événements nationaux. Récemment nous avons mis à disposition des guadeloupéens en partenariat avec la Réunion des musées nationaux des cours en ligne et en présentiel sur l’histoire de l’art, de la préhistoire à nos jours. Le succès est tel que l’opération sera renouvelée en 2024.

Jusqu’au 24 novembre, le musée expose les œuvres d’Antoine Poupel, photographe et Ronald Cyrille, artiste plasticien caribéen sur le thème des rituels magiques pendant la période carnavalesque, «Rites, Usages et Croyances, leur manifestation en Guadeloupe».

A partir du 15 décembre et jusqu’au 23 février 2024, le musée accueillera Guy Gabon, éco-artiste, designer et cinéaste dont le travail explore l’interrelation entre l’environnement naturel et urbain. L’exposition est intitulée The bridge of beyond en référence au roman de Simone Schwarz-Bart (qui traite notamment du combat des femmes noires des petits villages de Guadeloupe qui cherchent une vie meilleure). Guy Gabon lie pratiques écologiques et esthétiques. Elle développe des œuvres à partir de matières organiques et d’objets détournés comme des branches, des feuilles d’arbres… et utilise exclusivement des pigments naturels. Ses travaux font écho aux sujets contemporains de la défense de l’environnement, de la lutte contre les violences faites aux femmes et de la décolonisation de l’art.

© Musarth

Traces et mémoire de Guadeloupe

Le Musarth fait partie du circuit « La Route de l'esclave », porté par le Conseil Départemental et qui propose, à travers une sélection de sites patrimoniaux de découvrir des sites liés à l’histoire et à la mémoire de l’esclavage. Cet itinéraire permet à chacun de mieux appréhender ce passé dont les témoins matériels jalonnent encore le paysage des îles de Guadeloupe. Le circuit de 18 sites s’inscrit dans le projet international « la route des esclaves » porté par l’UNESCO. Il est à ce titre le premier au monde à avoir reçu la reconnaissance et le label de l’organisation internationale

EG

Le Musée Départemental d‘Art et d’Histoire, 24, rue Peynier, 97110 Pointe-à-Pitre est ouvert du lundi au vendredi de 9h30 à 17h.

https://www.cg971.fr/evenement/inauguration-du-musarth-le-musee-departemental-se-reinvente/

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