Depuis 2020, la Fondation pour la Mémoire de l’Esclavage propose plusieurs fois par mois sur les réseaux sociaux la biographie d’une personnalité en lien avec l’histoire de l’esclavage ou des outre-mer. Hommes, femmes, artistes, dirigeants politiques ou activistes, contemporains ou historiques, c’est ainsi une exceptionnelle galerie de portraits qui dessine une autre manière de regarder l’histoire de France… et du monde.
Incarner l’histoire de France autrement
Dans son action, explique Armelle Chatelier, responsable du programme Numérique de la FME, la Fondation poursuit deux objectifs :
« Le premier, c’est de raconter l’esclavage autrement, c’est-à-dire de sortir des représentations traditionnelles, avec la carte du commerce triangulaire et quelques documents, toujours les mêmes, qui parlent surtout des maîtres et des puissants. En proposant d’autres angles, il s’agit de susciter la curiosité de ceux qui ne s’intéressent pas forcément à cette histoire, mais aussi de donner la parole aux populations oubliées, les esclaves, les marrons, et de rendre cette histoire plus sensible, plus proche de nous, plus complexe aussi. »

« Le second, c’est de raconter cette histoire dans le cadre français, parce que, à cause de l’hégémonie culturelle des Etats-Unis, les images que la plupart d’entre nous avons de l’esclavage renvoient à l’esclavage dans le Sud des Etats-Unis, dont l’histoire est très différente de ce qui s’est déroulé dans les colonies françaises entre le 17ème et le 19ème siècle. »
Avec son exposition itinérante, ses formations destinées aux enseignants, son travail avec les musées sur les œuvres d’art et les pièces de patrimoine, sa sélection de citations, les biographies publiées par la FME sur les réseaux sociaux et réunies dans un espace dédié de son site internet participent à cet effort. Aujourd’hui riche de près d’une centaine de portraits, cette collection est un véritable Panthéon de l’histoire et des héritages de l’esclavage en France et dans le monde.
Figures évidentes et nouvelles héroïnes
Fidèle à son intention de raconter d’abord l’histoire de l’esclavage en France, la sélection de la FME propose 80% de personnalités françaises ou issues de l’ancien empire colonial français (Haïti, l’ile Maurice, le Sénégal…). Les Etats-Unis ne représentent qu’un tiers du reste des portraits, qui explorent d’autres territoires ayant un lien avec l’esclavage et la colonisation (la Jamaïque, le Brésil mais aussi le Pakistan ou le Congo).
On y trouve des figures évidentes, telles Aimé Césaire, Toussaint Louverture ou Victor Schoelcher, mais la Fondation tient également à mettre à l’honneur les femmes, qui forment plus du tiers de sa sélection. « C’est une volonté que nous avons : rappeler à quel point les femmes ont été importantes dans l’histoire des résistances à l’esclavage, puis dans les combats pour l’égalité qui ont suivi, insiste Armelle Chatelier. Nous parlons ainsi de ces femmes qui ont conduit les révoltes des marrons à l’époque de l’esclavage, comme Nanny en Jamaïque, Claire en Guyane, Heva à La Réunion, à laquelle nous consacrerons prochainement une biographie, mais aussi de toutes ces pionnières de l’abolitionnisme en métropole, comme Olympe de Gouges ou Germaine de Staël, dont on parle bien moins que les hommes de la Société des Amis des Noirs. »
Il ne s’agit pas que d’une galerie de portraits historiques : on y trouve aussi des personnalités contemporaines, dont beaucoup d’artistes – écrivains et écrivaines comme Raphaël Confiant, Maryse Condé ou Gisèle Pineau, musiciens comme Danyèl Waro ... Pour la FME, « les artistes disent de façon sensible la violence de l’esclavage, et la profondeur des traces qu’il a laissées dans les sociétés. » Une réflexion que la Fondation prolonge dans les citations qu’elle publie chaque semaine sur ses réseaux sociaux.
Ce travail en rejoint d’autres, comme le récent recueil « Portraits de France », dans lequel on retrouve plusieurs des personnalités mises à l’honneur par la FME. Parmi elles, Joséphine Baker, que la Fondation avait mise en exergue dès sa vidéo inaugurale, en mai 2020, et qui est entrée au Panthéon le 30 novembre dernier. « A travers ce travail, conclut Armelle Chatelier, nous voulons élargir le répertoire des grands hommes, et des grandes femmes, avec lesquelles on raconte l’Histoire de France : toutes ces personnes dont nous faisons la biographie ne sont pas importantes seulement pour les territoires dont elles sont originaires ; elles sont importantes pour toute la France, et c’est ce que nous voulons montrer. »
- Pour retrouver les biographies de la FME : https://memoire-esclavage.org/biographies
- Le film de présentation de la FME en 2020 : https://www.youtube.com/watch?v=4thAZhzFEF0
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