À la découverte ou redécouverte du patrimoine des territoires ultramarins, durant ce mois de juillet et août, Outremers360 vous propose une série sur le patrimoine riche et varié des Outre-mer. Toute la semaine, Outremers360 s'arrête en Martinique, où la 37e édition du Tour de Martinique en Yoles Rondes 2023 se déroule du dimanche 30 juillet au dimanche 6 août 2023, zoom sur un lieu prisé par les visiteurs à la quête « tourisme patrimonial et culturel » le Mémorial Cap 110 dans la commune du Diamant.
Cap 110 Mémoire et Fraternité, communément appelé Cap 110, a été réalisé par l'artiste martiniquais Laurent Valère. Inauguré le 22 mai 1998 à l'occasion du150e anniversaire de l'abolition de l'esclavage. Implantée dans la commune du Diamant en Martinique, au lieu-dit Anse Caffard, cette œuvre monumentale est un ensemble de 15 statues identiques réalisées en béton armé et pesant chacune 4,5 tonnes. Parfaitement alignées en rangs serrés de 1 à 5, les bustes forment un triangle dont la pointe est orientée en direction du Golfe de Guinée, cap 110° Est, d'où le nom de l'œuvre.
L'utilisation de gravillons et de sable blanc de Trinidad et Tobago dans la composition du béton leur confère un aspect blanchâtre et lisse. Chaque statue représente la partie supérieure nue d'un corps masculin. Les têtes rentrées dans les épaules et les bustes, sont légèrement inclinés vers le bas. Les fondations de chaque statue enfouie dans le sol, au détriment de la présence d'un socle, laissent le spectateur imaginer des corps semi-enterrés à partir du bassin. Aux extrémités des bras maintenus le long du corps, leurs mains non visibles, semblent également figées dans la terre.

La couleur blanche du matériau renvoie selon l'artiste Laurent Valère, à la dimension funéraire du monument, le blanc étant traditionnellement la couleur du deuil en Afrique de l'Ouest. Parallèlement, l'effet d'enterrement partiel de ces corps sculptés dont la partie supérieure est érigée, semble les contraindre à l'immobilité. Mains et jambes figées dans le sol, rappellent les fers aux pieds des hommes dans les cales, entraves les liant à jamais au funeste destin du navire.
L’histoire tragique derrière cette oeuvre remonte à 1830, dans la nuit du 08 au 09 avril, un bateau de traite clandestine transportant un nombre inconnu de captifs africains s’est échoué sur les rochers de l’Anse Caffard, au nord de la ville du Diamant, avant d'être totalement détruit. M. Dizac, géreur de l’Habitation La Tournelle, qui reçut la nouvelle vers 23 heures, arrive à sauver quatre-vingt-six captifs, dont vingt-six hommes et soixante femmes.
Inspiré par le livre d'Armand Nicolas sur l'histoire de la Martinique”, Laurent Valère, plasticien, séduit par l'histoire de ce naufrage tragique dans les années quatre-vingt-dix et il resentit aussitôt la nécessité de commémorer ce fait historique assez peu connu, à cette époque, des habitants du Diamant.
À la hauteur du symbole et à la veille de la commémoration du 150e anniversaire de l'abolition de l'esclavage, il réalise cette œuvre monumentale, après concertation avec la municipalité du Diamant de l'implantation d'un mémorial.
Par la forme triangulaire de l'ensemble, l'orientation du triangle en direction du Golfe de Guinée (le « retour en Guinée » évoquant le retour mythique en Afrique après la mort) indique la provenance probable de ce convoi clandestin. L'alignement resserré des statues évoque à la fois l'entassement inhumain des individus dans les cales des bateaux négriers et le destin commun qui alors les unissait.
M.M.
Dans la même série :
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