Portrait. Avec le martiniquais Pascal Jacques-Gustave, directeur général chez Havas Events à Paris, figure de référence du secteur de l'événementiel, qui met l'innovation et l'IA au service du collectif

© DR

Portrait. Avec le martiniquais Pascal Jacques-Gustave, directeur général chez Havas Events à Paris, figure de référence du secteur de l'événementiel, qui met l'innovation et l'IA au service du collectif

Directeur général de Havas Events, le martiniquais Pascal Jacques-Gustave s’est imposé comme l’une des figures de référence du secteur de l’événementiel en France. Pionnier de l’intelligence économique devenu stratège des grands événements, il a orchestré des rendez-vous à forte portée symbolique, des illuminations des Champs-Élysées à la cérémonie d’ouverture des Jeux olympiques et paralympiques de Paris 2024. Pour Outremers360, il retrace un parcours singulier et dévoile sa méthode : faire de l’innovation un levier collectif, où la réussite ne se conçoit jamais seul, et où l’intelligence artificielle vient désormais augmenter l’intelligence humaine.

De l’intelligence économique à la scène événementielle

Rien, à première vue, ne prédestinait Pascal Jacques-Gustave à l’événementiel. Il débute par des études d’économie, de gestion et de communication. Très tôt, il s’intéresse à ce qui n’est encore qu’un sujet émergent : l’intelligence économique. À l’université, il se penche sur « la compétitivité des entreprises et l’information », et rencontre ceux qui réfléchissent alors aux premières formes de guerre de l’information. « J’étais persuadé que l’information allait devenir le nerf de la guerre », se souvient-il. Nous sommes au début des années 1990, Internet en est à ses balbutiements, mais lui voit déjà venir le choc. Il co-écrit un ouvrage, L’intelligence économique et la stratégie des PME, préfacé par René Monory, et observe déjà comment l’information peut fragiliser ou renforcer des entreprises : « l’information c’est le savoir, et le savoir, c’est le pouvoir », rappelle-t-il. Il devient ensuite consultant chez SQLI, où il accompagne les entreprises sur leurs stratégies de positionnement sur Internet. Il fonde par la suite Intervalles, une société spécialisée dans l’événementiel grand public et les dispositifs de marketing opérationnel.

Havas Events, l’événementiel grandeur nature

En 2015, Havas Events rachète Intervalles. Pascal Jacques-Gustave rejoint alors le groupe en tant que directeur de l’innovation, avant d’être nommé, en 2022, directeur général adjoint de Havas Events. Parmi ses « faits d’armes » récents, Pascal Jacques-Gustave cite la soirée du 31 décembre 2023, sur les Champs-Élysées, à Paris, quelques mois avant les Jeux Olympiques. Havas Events est alors chargé d’organiser les festivités de passage à l’année olympique : « On avait une énorme pression, confie-t-il. C’était le dernier grand événement grand public avant les Jeux, avec 1 million de personnes attendues sur l’avenue. Évidemment, il ne devait y avoir aucun incident. » Au-delà de la fête, l’enjeu d’image pour la France est immense, dans un climat parfois tendu autour de l’organisation des JO.

L’agence doit coordonner acteurs publics et privés, sécurité, mise en scène, technique, captation, diffusion télévisée… Un concentré de ce qu’est aujourd’hui l’événementiel : complexe, ultra-technique, éminemment sensible.

Cette logique se retrouve pleinement dans la façon dont il aborde les projets les plus ambitieux, comme les Jeux olympiques de Paris 2024. Lorsqu’il s’agit de répondre à l’appel d’offres de la production exécutive des cérémonies d’ouverture des Jeux Olympiques de PARIS 2024 sur la Seine et des Jeux Paralympiques sur le bas des Champs Elysées et la place de la Concorde, il ne se place pas en concurrent d’autres agences, mais en partenaire : « On avait envie d’y participer. Et on s’est dit : pour gagner un projet aussi ambitieux, il serait intéressant de s’associer », raconte-t-il. Havas Events s’unit alors à Auditoire, Ubi Bene, Obo et Double 2 pour créer une structure commune, Paname 24, entièrement dédiée à cette réponse.

Il suit la même logique pour reproduire la photo du BMX freestyle des JO 2024, qui doit symboliser la transition vers les Jeux olympiques d'hiver de Milan-Cortina 2026 : « On a voulu reproduire une photo mythique, mais en hiver, en changeant l’échelle, en jouant avec les codes, raconte-t-il. C’était à la fois une opération de communication et une démonstration de capacité à organiser très vite quelque chose d’abouti. »

Le 3 décembre dernier, une rampe de ski de neuf mètres est installée place de la Concorde. L’opération, baptisée Jump to Cortina 2026 et sponsorisée par Allianz, permet au photographe Odieux Boby de revisiter son cliché emblématique des JO 2024, cette fois avec un skieur freestyle.

© Jeff Pachoud/AFP
© OdieuxBoby / Fisheye Manufacture.

L’audace comme méthode

Ce qui revient le plus souvent dans le parcours de Pascal Jacques-Gustave, c’est la notion de défi. Les projets qui le marquent sont ceux où tout semble, au départ, presque irréalisable. Il cite notamment une opération montée en quarante-huit heures autour de Kauli Vaast, le polynésien champion olympique de surf à Tahiti, médaillé d’or dans une épreuve sponsorisée par Accor. L’enjeu : permettre au surfeur de rejouer symboliquement sa victoire dans le Pacifique, cette fois sur la Seine, alors que toute la ferveur des Jeux se concentrait à Paris : « On a eu 48 heures pour organiser l’événement, explique-t-il. Il fallait obtenir les autorisations, trouver un lieu, les moyens de captation, s’assurer que les télévisions puissent être là. L’opération relevait à la fois de la communication et des relations publiques, tout en démontrant la capacité des équipes à se mobiliser collectivement et à produire, dans des délais extrêmement contraints, un dispositif solide et cohérent. »

Au fond, son métier pourrait se résumer à rendre possible ce qui, sur le papier, ressemble à une folie. Mais pas à n’importe quel prix : avec méthode, en s’entourant et en assumant une vision très claire de la collaboration.

© LP/Frédéric Dugit

« L’Union fait la force »

L’un de ses mantras, c’est le collectif : « Le plus intéressant dans ce métier c’est la réussite collective. Le métier de l’événementiel est un métier d’assembleur. On assemble les compétences au service d’une opération qui est au service d’une marque et on s’efface derrière cette marque. » Il utilise une image simple, mais forte : celle de la chaîne : « Tous les maillons de la chaîne doivent être suffisamment résistants pour que la chaîne tienne. Si vous sentez qu’un maillon est plus fragile, votre devoir est de le renforcer, pas de le casser. »

Cette vision irrigue sa façon de monter des équipes et de collaborer avec d’autres agences : « L’union fait la force dans un projet aussi ambitieux », glisse-t-il à propos de la candidature commune de Paname24.

L’événementiel à l’ère de l’IA

L’autre grande transformation qui a bouleversé les règles de l’évènementiel, c’est celle du numérique, puis de l’intelligence artificielle. La crise du Covid avait déjà imposé le tout-digital pour les événements : « L’événementiel est le métier de la rencontre, et on ne pouvait plus se rencontrer. Le digital a été le moyen de survie du secteur pendant cette période. » Depuis, le présentiel est revenu en force, mais le modèle a changé : « On est entré dans l’hybridation, avec des événements à la fois en présentiel et en digital. »

Désormais, c’est l’IA qui bouscule la donne. Là encore, Pascal Jacques-Gustave refuse le catastrophisme et parle d’outil, pas de menace. « L’intelligence artificielle nous permet d’aller plus vite pour faire des analyses et de consacrer plus de temps à des tâches de réflexion et de conseil », explique-t-il. Elle intervient dans le planning stratégique, la création graphique, la vidéo, l’optimisation des contenus.

Mais il pose une limite nette : « Une IA ne crée pas. Sans l’intelligence sensible, la créativité humaine, elle ne fait que reproduire. » Pour lui, l’avenir appartient aux « humains augmentés par l’IA », aux équipes capables d’utiliser l’outil sans jamais renoncer à « l’intelligence sensible, à l’esprit critique et à l’émotion », piliers irremplaçables de l’événementiel et de la communication.