Regards sur les Outre-mer avec Gaëlle Nerbard : un engagement républicain au service des territoires ultramarins, « J'ai le sentiment de rendre ce que la République m’a donné »

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Regards sur les Outre-mer avec Gaëlle Nerbard : un engagement républicain au service des territoires ultramarins, « J'ai le sentiment de rendre ce que la République m’a donné »

Cette semaine, Outremers 360 a rencontré Gaëlle Nerbard, directrice nationale des Outre-mer pour la Croix-Rouge, dont le parcours façonné par les opportunités et les rencontres, plutôt que par l’ambition programmée incarne un engagement profond. 

Issue d’une famille modeste, elle mesure ce que l’éducation républicaine et les valeurs de solidarité lui ont permis d’accomplir. Avec conviction et humilité, elle œuvre pour renforcer la justice sociale, promouvoir la jeunesse et relever les défis propres à ces territoires. Fidèle à ses engagements, elle met aujourd’hui son expérience au service des Outre-mer, portée par une conviction discrète mais tenace : redonner à la République ce qu’elle lui a offert.

Coordonner l’espoir et l’action dans les Outre-mer

Depuis 2021, Gaëlle Nerbard occupe le poste de directrice nationale des Outre-mer pour la Croix-Rouge française avec un objectif clair : développer et structurer davantage les actions de la Croix-Rouge dans ces territoires si spécifiques. Elle décrit sa fonction comme un défi permanent, mais aussi une source d’espoir et d’énergie. Elle coordonne des initiatives essentielles, telles que la lutte contre les exclusions, la distribution d’aide alimentaire, la promotion de la santé publique, ainsi que la sensibilisation aux catastrophes naturelles. Elle œuvre également à l’ouverture de centres de formation professionnelle, créant ainsi des opportunités concrètes d’accès à l’emploi.

Toutefois, de nouveaux défis apparaissent et impliquent des réponses immédiates. En Guyane, par exemple, la crise migratoire s’intensifie avec une explosion des demandes d’asile, passant de 6 000 à 23 000 en un an, une situation à laquelle la Croix-Rouge doit faire face d’urgence tout en renforçant les infrastructures locales. À La Réunion, l’organisation gère un service de tutelle unique, dédié aux majeurs protégés placés sous tutelle ou curatelle par décision de justice. En Martinique, des programmes de soutien sont déployés pour aider les mères isolées, et des actions de sensibilisation sont menées auprès des écoliers pour leur apprendre les gestes à adopter en cas de séisme ou d’ouragan.

Cette approche sur le terrain s’appuie également sur les relais communautaires, des habitants locaux qui jouent un rôle clé en établissant un lien direct avec les populations. Gaëlle souligne que les salariés et bénévoles de la Croix-Rouge, eux-mêmes confrontés aux enjeux d’accès à l’eau en outre-mer, sont directement concernés par ces problématiques. Les solidarités se révèlent particulièrement fortes, notamment en période de crise. Mais cette dynamique est parfois fragilisée par l'isolement, notamment chez les personnes âgées. 

Malgré les difficultés, les équipes affichent une humanité remarquable que Gaëlle ne manque pas de souligner : « C’est grâce à leur humanité et leur fierté d’accompagner les plus vulnérables que je garde foi en notre mission. » Chaque action entreprise dans les territoires ultramarins incarne la mission profonde de la Croix-Rouge : répondre aux besoins immédiats tout en construisant des solutions durables.

La Croix-Rouge en première ligne à Mayotte

Depuis le passage dévastateur du cyclone Chido à Mayotte, les équipes de la Croix-Rouge, déjà très présentes sur le terrain, intensifient leurs efforts pour répondre aux besoins essentiels : accès à l’eau, à la nourriture, à l’hygiène, au matériel de reconstruction, ainsi qu’aux premiers secours psychologiques et au rétablissement des liens familiaux. Hier, un bateau a livré des fournitures indispensables, notamment des bâches de protection, des unités modulaires et des denrées alimentaires.

Aux côtés de la communauté mahoraise de l'hexagone et des associations réunies à la Délégation de Mayotte à Paris, le 22 décembre 2024 ©DR

Les équipes médicales de la Croix-Rouge, appuyées par le personnel du Centre Hospitalier de Mayotte (CHM) de Mamoudzou, dont certains sont revenus de congé pour renforcer les maraudes de santé, poursuivent les soins à domicile. Avec le soutien du CHM, elles ont également relancé les campagnes de sensibilisation à une consommation responsable de l’eau et l’évaluation des besoins des enfants les plus vulnérables.

Roissy-CDG, 22 décembre 2024, départ des volontaires de la Croix-Rouge pour Mayotte ©DR

Concernant le rétablissement des liens familiaux, six nouveaux membres ont rejoint les opérations afin de traiter les demandes des personnes recherchant leurs proches. En collaboration avec des partenaires associatifs, les équipes croisent les informations collectées sur le terrain et sur le site internet de la Croix-Rouge pour reconnecter les familles séparées.

Depuis plusieurs jours, une cagnotte en ligne sur le site de la Croix-Rouge permet à chacun de soutenir les opérations de secours menées à Mayotte : https://www.croix-rouge.fr/dossiers/urgence-mayotte-cyclone-chido

Les équipe de la Croix-Rouge mobilisées à Mayotte ©DR

Un parcours marqué par les opportunités, les rencontres et l’engagement

Animée depuis l’enfance par une profonde fibre sociale et un engagement marqué pour le service public, Gaëlle Nerbard, issue d’une famille modeste à La Réunion, mesure pleinement ce que l’éducation républicaine lui a permis d’accomplir. À 20 ans, elle quitte son île natale pour poursuivre des études à La Sorbonne, avant d’intégrer l’École des Hautes Études en Santé Publique (EHESP). Son parcours professionnel s’est construit au fil des rencontres, plutôt qu’à partir d’un plan de carrière précis. 

Car curieusement, Gaëlle Nerbard n’a jamais vraiment eu à choisir ses postes : les opportunités sont venues à elle, comme autant de chemins qui s’ouvrent au bon moment. Après avoir dirigé un établissement de santé, elle devient secrétaire générale de la Fédération Hospitalière de France, avant d’être sollicitée par le ministère de l’Intérieur pour un poste de sous-préfet. Bien qu’elle décline une première offre en Guadeloupe en 2013, elle rejoint quelques mois plus tard le ministère des Outre-mer.

Cette expérience enrichit sa compréhension des enjeux ultramarins : « Être réunionnaise ne fait pas de moi une experte des Outre-mer, mais cela m’apporte une sensibilité essentielle. » En 2017, elle rejoint le cabinet de la ministre Annick Girardin comme conseillère aux affaires sociales et à la santé, poursuivant son engagement en faveur des territoires ultramarins. Durant ces années, elle s’y investit pleinement, conjuguant expertise technique et vision politique au service des territoires ultramarins.

Consciente de la richesse de son parcours, elle déclare : « J’ai eu le privilège d’être fortement soutenue par ma famille. Je dis souvent à mes enfants que nos origines d’esclaves témoignent du chemin exceptionnel parcouru. C’est grâce à l’école de la République que j’ai pu me spécialiser sur ce territoire et sur les enjeux qui me sont chers. Aujourd’hui, j’ai le sentiment de rendre, à ma manière, une partie de ce que j’ai reçu. »

Mobiliser le secteur privé

Mais il faut désormais regarder plus loin car l’enjeu est de taille. Aujourd’hui le constat est implacable :  l’État ne peut agir seul. Il s’agit donc de trouver de nouveaux leviers pour relever plus efficacement les défis sociaux et économiques des territoires ultramarins. Impliquer toutes les forces vives de la société, y compris le secteur privé, devient une nécessité. À La Réunion, des partenariats innovants avec des entreprises ont permis de financer des projets sociaux comme l’art-thérapie, une initiative qui pourrait servir de modèle pour d’autres territoires. Toutefois, pour produire un véritable impact, ces collaborations doivent être généralisées.

Dans un contexte de restrictions budgétaires, la recherche de mécénat s'avère essentielle souligne Gaëlle Nerbard qui n’hésite pas à prendre son bâton de pèlerin pour mobiliser le secteur privé : «  La Fondation BNP Paribas, présidée par Isabelle Giordano, mène chaque année une collecte auprès de ses salariés pour financer des projets. Cette année, la thématique portait sur l’eau, et j’ai eu l’opportunité d’intervenir récemment pour présenter des initiatives à soutenir à Mayotte, en Guyane, et en Guadeloupe. La collecte n’est pas encore terminée, mais nous savons déjà que ces financements permettront de réaliser des actions concrètes dans ces territoires. ».

L'année 2025 s'annonce justement comme un tournant décisif pour la Croix-Rouge, avec un accent particulier sur la pérennisation des dispositifs financiers destinés aux territoires ultramarins, notamment Mayotte, La Réunion et la Guyane. En avril prochain, la Croix-Rouge publiera son premier rapport spécifiquement dédié aux Outre-mer, avec une section majeure consacrée à la santé dans les territoires ultramarins.

Journée organisée par la Fondation BNP pour présenter des projets en matière d'accès à l'eau en Outre-mer ©DR

S’engager dans le secteur social : une opportunité pour la jeunesse

Pour encourager les jeunes à s'investir dans le secteur social, la Croix-Rouge propose des opportunités concrètes, comme le service civique. Une trentaine de jeunes ultramarins en bénéficient actuellement et mènent des missions variées, allant de l’aide alimentaire à l'accueil des demandeurs d'asile. Gaëlle Nerbard souligne l'importance de ces initiatives : « Par exemple, une jeune en Martinique, en préparant des colis alimentaires, a permis aux populations concernées de redécouvrir, à travers des fiches recettes glissées dans les colis, l’utilisation de légumes locaux souvent négligés. Ces missions sont non seulement formatrices pour les jeunes, mais ont aussi un réel impact sur le terrain. »

A la jeunesse ultramarine, Gaëlle Nerbard transmet un message simple porteur d’espoir : «  Soyez fiers de ce que vous êtes. Les Outre-mer représentent une immense richesse pour la France. Nous sommes porteurs de cultures, de langues, et d'une diversité qui constituent une véritable force. Soyons fiers de cela. Plutôt que de nous diviser, rassemblons-nous autour de nos valeurs communes : notre appartenance à la France, avec toutes nos spécificités culturelles. Nous avons plus de points communs que nous le pensons. »

EG