Regards d'Actu-Max Orville, député européen : «Mon rôle est de faire valoir les atouts mais également défendre les handicaps de nos territoires»

Tous les quinze jours, Outremers 360 vous propose son nouveau format «Regards d’actu avec ….». Une série dans laquelle nos invités livrent leurs regards, leurs analyses sur des faits d’actualités ou des thématiques qui marquent leur territoire. Pour ce troisième épisode, Outremers 360 donne la parole au député européen Max Orville. Il revient sur son nouveau mandat de député européen, ses missions au sein du Parlement européen, ses ambitions pour renforcer les liens entre les Outre-mer et l'Union Européenne.

 

Nouveau mandat de député européen
Mon état d'esprit est résolument offensif, résolument au travail et résolument au service également des outre mer ! Mais je ne suis pas qu'un député originaire des outre mer. J'ai un travail de député européen avec bien évidemment un focus ultramarin puisqu' il s'agit de défendre aussi l'intérêt de toute l'outre-mer et de toutes les régions ultrapériphériques dans leur ensemble. J'ai pris donc officiellement mes fonctions le 6 juin en session à Strasbourg, après une nomination officielle le 20 mai, c'est-à-dire une fois que l'annonce de madame Chrysoula Zacharopoulou est devenue effective comme membre du gouvernement. J'ai découvert le Parlement. Mais la période de rodage est achevée et mes équipes sont constituées. J'exerce dans mon mandat dans trois commissions. Je suis membre de la délégation de la commission emploi comme membre titulaire et membre titulaire, également membre suppléant en environnement mais titulaire en santé notamment Covid, dans les analyses de la crise et de la pandémie Covid. Le 6 juillet, j'ai été élu premier vice-président de la délégation ACP et Afrique Caraïbes Pacifique. Donc vous voyez que je me retrouve avec les outre mer.

Max Orville dans l'hémicycle du Parlement européen © Facebook Max Orville

Rapport sur lignes directrices des politiques de l’emploi de l’Union européenne
L'idée, c'est de pouvoir harmoniser un petit peu ces différentes politiques et pouvoir fixer des orientations, des lignes directrices. Et parmi ces lignes directrices, il y a notamment la question des salaires minimums. Et cette question est épineuse aussi chez nous, en outre-mer. Donc, nous avons réussi à faire passer tous les amendements que nous souhaitions, c'est-à-dire visant à offrir à tous les citoyens d'Europe et aussi donc à nos citoyens ultramarins, une protection sociale renforcée. C'est ça l'idée. L'Europe est pour nous sociale. Donc, en cette période de crise, en cette période de pandémie de post pandémie, et en cette période de crise avec la guerre en Ukraine, nous devons protéger nos compatriotes européens et ultramarins. Donc dans ce rapport, j'ai pu, avec l'aide de mon groupe, déposer un certain nombre d'amendements visant à prendre en compte également ces spécificités. Il y a les spécificités. Je les couple parce que l'emploi et l'environnement peuvent effectivement se rejoindre.

Amendement sur la directive RED III

Il y a une disposition dans le cadre de l'environnement auquel j'ai participé pour aider. C'était notamment la question de la directive RED III qui portait sur l'utilisation de biomasse primaire, notamment pour la Guyane,etc. Cette directive menaçait non seulement l'autonomie énergétique de ces territoires, mais également la question de l'emploi, parce que la filière bois en Guyane était donc directement menacée. Cette filière bois est le deuxième employeur du privé en Guyane. Donc c'était crucial qu'on puisse adapter ça. Donc vous voyez, on doit jongler. Pour les députés ultramarins, enfin des RUP. Nous sommes six ou sept, c'est à dire même pas 1 % du Parlement. Mais nous sommes touchés, impactés par toutes les directives, aussi bienveillantes soient elles. Parce que, de toute façon, le Parlement a une vocation à devenir un environnement toujours plus propre, toujours plus durable, toujours plus sûr. Mais il y avait des choses à corriger pour l'Outre-mer et notamment pour la Guyane.

Les questions de biomasse se posent à La Réunion par exemple. Albioma est un fournisseur d'électricité via la biomasse, et Il y a encore deux ans, Albioma était considérée comme un interlocuteur fiable, solide et heureux. Avec cette directive, il était menacé parce que la biomasse primaire, c'est à dire couper des arbres et puis les transformer en énergie, ce n'est plus le cap,  la direction que veut prendre l'Union européenne. On peut faire du recyclage et faire un certain nombre de choses. Et donc, même si je prends le cas de la Guyane qui s'était montrée particulièrement vertueuse, qui avait éliminé les énergies fossiles puisque la Guyane a du pétrole, la Guyane était entrée résolument dans un développement durable. 

Nous nous sommes tous mobilisés. J'y ai pris ma part comme les autres ultramarins, je suis très fier de dire que c'est le groupe Renew qui ait porté cet amendement, avec le député européen, Christophe Grudler, membre du groupe Renew Europe et du Mouvement Démocrate.

Amendement sur la décarbonation du transport maritime

Alors il y a eu bien avant ça, dès le mois de juin, nous l'avons fait voter également pour l'aviation. Déjà pour que nos compatriotes qui voyagent vers l'Union européenne ne soient pas pénalisés et voient sur leur porte monnaie, lors de l'acquisition du billet la taxe carbone c'est valable pour l'aviation. L'Europe souhaite toujours que les carburants soient plus vertueux, plus biodégradables et nos territoires ultrapériphériques ne peuvent avoir accès qu'au kérosène, donc polluant. Nous avons voté un amendement qui est à peu près le pendant de ce qu'on fait là sur le plan maritime, autrement dit d'éviter que les ultramarins soient sanctionnés pour leur pollution par l'utilisation de carburants ou d'autres choses qui ne seraient pas aussi biodégradables que possible. Cette dérogation prévoit un délai de 10 ans au transport maritime pour s'adapter aux nouvelles règles européennes. Mon rôle est de faire valoir nos handicaps mais également nos atouts. 

Nouvelle stratégie pour les régions ultrapériphériques de l'UE

Est ce que voit déjà les prémices ? Honnêtement, c'est prématuré. Est-ce qu'on voit un intérêt ? Je répondrais oui. Est ce qu'on peut aller beaucoup plus loin? Tout à fait. 

lL'Union européenne a inscrit au travers du traité de Lisbonne, un article que tous les politiques connaissent, il s'agit de l'article 349 expliquant que l'Union européenne doit tenir compte des régions ultrapériphériques. 

Force est de constater que, malgré cet article fondateur, nous nous battions pied à pied au Parlement. Lorsqu'une disposition est prise, elle est généralement vertueuse et va dans le bon sens. Cependant, on oublie parfois que l'application de ces directives ont des effets pervers et même contraires. Je prends pour exemple le cas de cette entreprise guyanaise de poisson fumé, que j'ai visitée en 2012 avec François Bayrou, dans laquelle le chef d'entreprise nous a expliqué qu'il est obligé de faire venir du bois de hêtre du pays du Nord pour faire fumer ses poissons. Or l'Amazonie est à côté. C'est une directive inadaptée et pénalisante. Nous devons systématiquement changer ce processus. En tant que député européen, provenant des RUP, nous sommes obligés de faire un travail minutieux pour éviter de faire des "à peu près".

Il y a une volonté de la Commission européenne -que je salue- de rendre les RUP plus visibles et de tenir compte de leur territoire et de leurs difficultés. Je milite au sein du Parlement, pour qu'on puisse mettre des dérogations adaptées pour les RUP avant qu'un dispositif ne s'applique. Nous serons toujours dans la dérogation. Ce n'est pas qu'on ne veuille pas avancer vers le plus vertueux, mais on doit y aller à nos rythmes.

Max Orville à l'issue de son élection comme 1er Vice-président de la délégation des pays d'Afrique, des Caraïbes et du Pacifique (DACP) © Facebook Max Orville

Renforcer les liens des Ultramarins avec l'Europe

Je pense que l'Europe est connue de nos territoires au travers de grands projets structurants et surtout de financements avec l'utilisation des fonds européens. Concernant la place de l'Union Européen dans le quotidien des Ultramarins, l'Europe a mis en place un certain nombre de dispositifs. Cette année, nous sommes en pleine année européenne de la jeunesse. 

Dans ce cadre, je vais me rendre en Guadeloupe et en Martinique, à la fin du mois de novembre, à la rencontre de lycéens, de jeunes pour évoquer leur vision sur la citoyenneté européenne. Comme autre exemple, il y a le programme Erasmus ou Erasmus +, connu des bacheliers et des post-bac. Il s'agit de rendre maintenant ce programme davantage accessible au plus grand nombre.

Le député européen que je suis comme les autres, offre un certain nombre de parrainages à des associations, à des jeunes ultramarins pour les faire voir et connaître les institutions. Depuis ma nomination, plusieurs groupes de jeunes de Guadeloupe et de Martinique sont venus à la rencontre des institutions. C'est un déplacement formateur et éducatif et très éducatif, notamment à Strasbourg, capitale européenne de la France.

J'ai mis en place un site maxorville.eu qui rend compte de mon action de député. Sur ce site, je réponds à toute question d'un internaute avec une réponse dans les 72h, soit par visio, ou par appel téléphonique.

Enfin, je tiendrai en juin prochain, un colloque européen sur trois thématiques:  éducation, emploi et développement, transition écologique et énergétique. Ce colloque a pour ambition de faire des RUP le centre, et l'Europe la périphérie. L'idée est de s'adresser principalement à la société civile pour qu'ils exposent leurs difficultés, leurs attentes vis-à-vis de l'Union européenne. 

Par exemple, en Guadeloupe, j'ai rencontré le MEDEFet d'autres responsables de petites PME qui ont évoqué la problématique de l'utilisation des fonds européens. Le tissu économique de nos territoires, composé de toutes petites entreprises, rend l'accession au Fonds européen difficile. Il m'ont fait part également des problématiques liées à la traçabilité des dossiers. Autant de problématiques auxquelles je souhaite que ce colloque puisse répondre, de manière très pratique et apporter des solutions effectives.

Je souhaite également l'installation d'une maison de l'Europe aux Antilles-Guyane, et plus précisément en Martinique. Cette maison de l'Europe là, elle s'adresse aux jeunes, aux chefs d'entreprise, aux citoyens de manière générale. Elle fera partie intégrante des maisons de l'Europe qui existent déjà. Elle aura une vocation pédagogique. 

En février prochain, j'organiserai en février à Bruxelles une conférence avec un ex-député européen, Jean Crusol (originaire de la Martinique) pour évoquer la question de développement économique.

Dans l'immédiat, j'interviendrais à la conférence des RUP qui se tiendra à Bruxelles du 14 au 16 novembre, invité par le président de la collectivité territoriale de Martinique, également président de la conférence des présidents des RUP. Nous avons encore plein d'idées pour l'année prochaine, qui sera l'année européenne de l'éducation.

Nouvelles relations Afrique-Union Européen en matière d'éducation

Aujourd'hui, les relations entre l'Union européenne et l'Afrique sont particulièrement tendues, voire distendues, et notamment avec l'un des acteurs, la France.A cet égard, je rencontre depuis ma nomination un certain nombre de responsables africains. J'ai rencontré Albert Nsemgiyumva, ancien ministre de la Formation professionnelle au Rwanda, avec qui nous avons eu un échange  très franc sur ses relations Afrique-Union européenne.

Je travaille sur un projet de meilleure coopération entre l'Afrique et l'Union autour de la thématique de l'éducation, de la formation. Etablir des relations Afrique-UE dans le respect de l'identité et de la dignité de l'Afrique, en lui permettant de mettre en place le système éducatif qu'elle souhaite et désire. Le rôle de l'Union européenne serait d'apporter son expertise en matière pédagogique, en matière d'évaluation, en matière de conduite du projet. L'Union Européenne pourrait accompagner les pays africains dans la délivrance des diplômes.  La seconde tâche pourrait d'aider l'Afrique à organiser la mobilité des techniciens formés. A terme, il s'agit d'aider l'Afrique à constituer son marché économique africain comme on l'a fait pour l'Europe.

Je milite donc pour la création d'une Agence européenne de l'éducation dédiée à cela, à l'instar de l'Unesco. Nous en parlons donc avec des Africains et avec des députés européens comme le député européen du Luxembourg, Charles Goerens. Une conférence se tiendra à Bruxelles au mois de mars prochain, avec des responsables africains, des intellectuels, des Européens pour évoquer ce que pourraient être les missions de cette Agence européenne de l'éducation.

 

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