Dans une tribune publiée mardi 19 avril au soir sur le site du « Monde », l’ancienne ministre de la Justice Christiane Taubira estime, tout en étant peu tendre envers le président sortant, qu’il faudra voter pour lui au deuxième tour le 24 avril. « Sans condition. Sans pourtant plier la nuque. Avec exigence », précise-t-telle.
Avec la verve qui la caractérise, l’ex-ministre guyanaise qui avait appelé à voter Jean-Luc Mélenchon au premier tour après avoir essayé elle-même de revenir dans le jeu politique, constate : « Dialectiquement, la tentation peut exister : laisser s’accomplir la part aléatoire et aventureuse d’une stratégie de dualité progressisme-populisme ». Une éventualité qui pourrait s’avérer périlleuse.
Elle revient ensuite dans une longue tirade sur les antagonismes qui l’opposent à Emmanuel Macron, « très loin d’être insignifiants ». « Pour les deux millions d’enfants pauvres dans notre pays riche. (…) Ceux qui renonceront à l’université par manque de ressources. (…) Les femmes qui perçoivent moins que le smic pour des journées de plus de dix heures, en travail et en transport. Pour les travailleurs pauvres. Les sans-abri. Les mal-logés. Les sans-services-publics. Les sans-emploi-en-traversant-la-rue. Les allocataires suspectés. Les chômeurs radiés à l’usure. Les réfugiés dressés contre les exilés, détresse contre détresse. Pour les enseignants mal rémunérés qui ne le seront correctement que s’ils travaillent davantage. Pour les soignants pressurés ». Et on en passe.
« L’extrême droite reste l’extrême droite »
Mais il faudra aller voter, dit-elle, avec le tas « structurellement minoritaire », de ceux qui ont validé le projet et la personnalité du président sortant. Lucide, elle évoque l’extrême-droite… qui reste l’extrême-droite. « Les citoyens seront inégaux devant les risques et menaces, eu égard aux dangers qui pèseront sur l’Etat de droit, sur nos libertés et sur nos droits déjà bien malmenés, sur l’institution judiciaire et sur le code pénal », affirme Christiane Taubira.
Après ces constats plutôt pessimistes, l’ex-garde des sceaux espère toutefois que ce deuxième mandat – éventuel - fournira des opportunités de grandeur. Et elle conclut : « Une nouvelle présidence verticale serait insensée et grotesque. Une réforme institutionnelle – qui permettrait l’expression législative, représentative enfin, et la délibération citoyenne, respectée enfin – serait le meilleur gage pour rétablir des lieux républicains de confrontation, de dialogue et d’arbitrage démocratique, socialement acceptable. »
PM