INTERVIEW. Cédric NUBUL, Area General Manager au Brésil pour le groupe Hilton, Itinéraire d’un dirigeant martiniquais au sommet de l’hôtellerie internationale de luxe

© Thomas Rangel

INTERVIEW. Cédric NUBUL, Area General Manager au Brésil pour le groupe Hilton, Itinéraire d’un dirigeant martiniquais au sommet de l’hôtellerie internationale de luxe

Area General Manager pour le Brésil, Cédric Nubul incarne depuis plus de vingt ans un leadership solide et avisé au sein du groupe Hilton. En janvier 2025, pour les 10 ans du Hilton Barra Rio de Janeiro, il orchestre un renforcement stratégique de l’équipe dirigeante. Une dynamique saluée : son équipe vient d’être récompensée pour son engagement et son excellence. Pour Outremers360, il revient sur son parcours, ses moments marquants et ses convictions qui guident son leadership au quotidien.

Cédric NUBUL © Thomas Rangel

Cédric Nubul est un dirigeant français fidèle : depuis plus de vingt ans, il évolue au sein du groupe Hilton. Son parcours l’a mené aux quatre coins du globe – de l’Europe à l’Asie en passant par l’Amérique latine – avec, entre autres, la direction du Hilton Singapore Orchard, le plus grand établissement Hilton d’Asie-Pacifique. Aujourd’hui Area General Manager pour le Brésil, il dirige les hôtels Hilton Copacabana et Hilton Barra à Rio de Janeiro.

Récompensé à de nombreuses reprises pour son leadership, Cédric Nubul a été nommé Directeur Général de l’année et a reçu le President’s Excellence in Leadership Award pour la région Amériques en 2019. Il a également remporté les prix Best Hotel Opening et Performance Excellence Award en Asie-Pacifique, ainsi que le Best New Meetings Hotel aux Asia Stella Awards en 2022.

Fervent défenseur d’un tourisme responsable, il soutient activement le programme « Travel with Purpose » et l'engagement auprès des communautés locales.

De Paris à Rio, en passant par Singapour, le parcours de Cédric Nubul est guidé par l’exigence, la passion et une vision du management résolument humaine. Animé par la conviction que seul « the sky is the limit », il veille à créer un environnement propice à la réussite de ses collaborateurs.

 

Légende Remise du prix Stella Awards en 2020 © DR

Vous avez une carrière internationale impressionnante, marquée par des postes dans de nombreuses grandes villes à travers le monde. Qu’est-ce qui a guidé vos choix professionnels ?

Depuis 24 ans, j’ai eu la chance de travailler dans plusieurs grandes villes : Paris, Barcelone, Milan, Madrid, Kuala Lumpur, Colombo, Bogota, Singapour… et maintenant au Brésil. Les opportunités sont arrivées naturellement. Ce sont les projets qui ont guidé ma trajectoire professionnelle. Mon parcours m’a amené à intervenir sur des réseaux d’hôtels de luxe, à piloter des conversions, des rénovations, et des ouvertures. Le Brésil représente pour moi une étape marquante.

Singapour, reste l’un des plus gros challenges que j’ai relevés : pendant le COVID, il a fallu convertir et rénover les 1 080 chambres de l’hôtel. Un projet d’envergure, exigeant, mais extrêmement formateur.

Comment avez-vous adapté votre management à des contextes culturels aussi variés ?

Je considère que ce n’est pas aux équipes de s’adapter à moi, c’est à moi de m’adapter à elles. Il faut faire preuve d’empathie, comprendre la culture locale, savoir lire entre les lignes, faire preuve de respect. Lorsqu'on s'immerge véritablement, en apprenant la langue et en montrant un intérêt sincère, cela facilite la communication, établit la confiance et renforce le respect envers le leadership.

On vit dans la multiculturalité quand on est Martiniquais. Je suis né à Paris, j’ai grandi en Martinique. J’ai toujours navigué entre deux cultures très différentes. Cette capacité à évoluer dans un environnement multiculturel, je l’ai développée dès mon plus jeune âge. Pour moi, l’adaptation ne demande pas d’effort, c’est naturel. Et je suis convaincu que ma réussite dans tous ces projets est directement liée à cette facilité à m’adapter rapidement aux contextes locaux.

Photo Team Hilton Singapore Orchard 2022 Légende : L’équipe du Hilton Singapore Orchard récompensée du Prix de la Meilleure Ouverture d’Hôtel Hilton – Asie-Pacifique, 2022 © DR

Quels moments ont le plus façonné votre manière de manager au fil de ce parcours international ?

Le COVID a vraiment poussé tout le monde dans ses retranchements, en particulier dans des secteurs comme l’hôtellerie ou l’aviation. Il a mis à l’épreuve notre résilience, à tous les niveaux : émotionnel, opérationnel, humain. On a dû repousser nos limites, faire preuve de beaucoup de créativité. Mener un projet d’une telle ampleur [ndlr : rénovation complète de l’hôtel Singapore Orchard] pendant cette période m’a obligé à repenser mes méthodes, à utiliser au mieux les ressources disponibles, souvent limitées. Il a fallu innover, s’adapter en permanence.

Nous avons rouvert à la toute fin du COVID, dans un monde encore sous restrictions. Cela a complexifié énormément de choses, mais ça a aussi révélé notre capacité à faire face. Et surtout, cette période a mis en lumière un aspect trop souvent ignoré : la santé mentale des équipes.

Pendant la crise, ce sujet n’était plus tabou. On en parlait plus ouvertement, avec plus d’écoute. En tant que manager, j’ai senti que le leadership devait évoluer. Il ne s’agissait plus seulement de performance ou de résultats, mais aussi de prendre en compte ce que les collaborateurs vivaient, humainement. Leur bien-être est devenu une priorité. Et je pense que cette prise de conscience a marqué un vrai tournant dans la manière de diriger.

L’hôtel Hilton Singapore Orchad et ses 1080 chambres © DR

Le marché brésilien est très concurrentiel, qu’est-ce qui distingue aujourd’hui l’approche du groupe Hilton ?

Rio est certainement la ville la plus touristique du pays, donc forcément, l’offre hôtelière y est très développée. Et c’est une bonne chose. La compétition pousse à être plus compétitif. Elle nous pousse à nous améliorer en permanence, à proposer de meilleures prestations. Dans les destinations où la concurrence est forte, tout le monde élève son niveau de qualité et c’est bénéfique à la fois pour les clients, pour les hôtels, et pour l’ensemble du marché.

Travailler sous la bannière Hilton est aussi un vrai atout. C’est une marque mondialement reconnue, avec un programme de fidélité extrêmement puissant. Cela nous aide beaucoup à capter et fidéliser notre clientèle, mais aussi à personnaliser leurs séjours. Grâce au programme, on connaît déjà certains de leurs besoins ou préférences, ce qui nous permet d’offrir une expérience sur-mesure.

Depuis votre arrivée au Brésil : quelles sont vos grandes priorités pour les hôtels Hilton de la région ?

Cela fait un an et demi que je suis au Brésil, basé à Rio. Et c’est vrai que l’année dernière, l’un de mes hôtels a eu l’honneur d’accueillir le président Joe Biden. Un événement qui a nécessité énormément de préparation en amont. D’une manière générale, les hôtels ont connu des performances records, notamment à Rio.

Sur Porto Alegre, la situation a été différente : nous avons dû faire face à de graves inondations qui ont fortement impacté la ville, nos employés et l’hôtel lui-même. Chaque ville a donc eu ses défis spécifiques, avec des priorités différentes.

Mais je dirais que ce qui relie tous les hôtels, c’est cette volonté commune d’élever l’expérience client. Chez Hilton, nous avons l’ambition d’être « the best place to stay », le meilleur endroit où séjourner. Et cela reste un axe fort de notre stratégie : améliorer la satisfaction client, enrichir les expériences, proposer des offres et des produits uniques. C’est d’ailleurs cette approche qui a été reconnue à travers le prix d’excellence récemment décerné à l’un de nos établissements à Rio, une belle reconnaissance de la qualité de service et de l’engagement des équipes.

Chez Hilton, nous avons mis en place un programme qu’on appelle « Meet with Purpose ». L’idée, c’est d’offrir aux clients qui réservent des événements ou des réunions la possibilité de soutenir des fondations ou des initiatives locales, souvent liées à l’environnement ou aux communautés locales.

On essaie aussi, de manière plus quotidienne, de sensibiliser les clients sur des petits gestes : la réutilisation des serviettes, le recyclage, la réduction du plastique… Ce sont de petits changements, mais on les accompagne avec des explications et une communication claire, pour que ces bonnes pratiques puissent aussi les suivre chez eux.

Encore une fois, chez Hilton, notre vision à long terme est claire : nous voulons avoir un impact significatif et durable, non seulement sur nos destinations, mais aussi dans la façon dont nos clients vivent l’hôtellerie.

Hilton est très engagé sur les enjeux de durabilité et d’inclusion à travers le programme « Travel with Purpose ». Comment cela se traduit-il concrètement au Brésil ?

Pour moi, cela fait vraiment partie de nos responsabilités. J’ai tendance à dire que ce n’est plus un choix, mais un devoir. L’impact que nous avons sur l’environnement, sur les communautés locales, fait intégralement partie de notre métier.

Beaucoup de gens voient les grandes chaînes hôtelières comme de simples vendeurs de chambres ou d’espaces de réunion. Mais pour nous, les enjeux liés à l’environnement, au social et à la gouvernance (ESG) sont centraux. La durabilité n’est pas un supplément, c’est une priorité. Nous avons des équipes dédiées, des comités dans chaque hôtel qui développent et font avancer des initiatives concrètes.

Nous cherchons à avoir un impact positif, à la fois sur l’environnement, à travers des démarches zéro plastique, le recyclage, ou une attention particulière portée au choix de nos fournisseurs, mais aussi sur le tissu local.

Travailler avec les communautés est essentiel, surtout dans un contexte où certains enjeux sociaux sont très présents. Au Hilton Barra, par exemple, nous avons monté un programme en partenariat avec une université locale, le SENAC, et une école hôtelière. Nous formons de jeunes talents issus de quartiers populaires, souvent appelés « favelas », pour leur offrir des perspectives professionnelles concrètes. Certains rejoignent même nos équipes à l’issue de la formation. Récemment, l’une de nos recrues a été promue, ce dont nous sommes très fiers.

Ce type d’initiative a un sens profond pour moi, personnellement. Je crois que la diversité, l’inclusion, et le lien avec les communautés locales doivent faire partie intégrante de notre vision du métier. Et cette vision est parfaitement alignée avec celle du groupe Hilton.

Comment mobilisez-vous vos équipes autour de ces engagements, et quels retours avez-vous de la part des clients et des communautés locales ?

Nous avons aujourd’hui plus de 170 collaborateurs sur le site de Copacabana, plus de 300 sur Barra, et des effectifs tout aussi importants dans nos autres établissements. Cela représente beaucoup de personnes à accompagner, beaucoup de responsabilités au quotidien. Chez Hilton, nous attachons une importance particulière à la qualité de vie au travail. Le groupe a d’ailleurs été classé cette année comme la 2e meilleure entreprise au monde où travailler selon Great Place to Work, et nous faisons aussi partie du classement pour le Brésil. C’est une vraie fierté, mais surtout un engagement fort.

Je suis convaincu que la satisfaction des employés a un effet direct sur la satisfaction des clients. C’est un cercle vertueux : si nos équipes se sentent écoutées, valorisées, bien accompagnées, cela se reflète dans la qualité de service que nous offrons. C’est pourquoi nous veillons à créer les meilleures conditions possibles pour qu’ils puissent faire leur travail avec plaisir : à travers des avantages concrets, une vraie culture de l’écoute, avec des sessions régulières de feedback, et une communication transparente sur les opportunités de développement en interne.

Dans mon management, j’essaie d’être accessible, proche du terrain. Je veux que chacun se sente libre de s’exprimer et de contribuer à l’amélioration continue de l’expérience de travail au sein de nos hôtels. C’est une priorité pour moi. L’accès à des talents est un enjeu clé. Nous avons constamment besoin de profils qualifiés, et cela passe d’abord par la formation et la progression interne. Nous investissons beaucoup dans le développement de nos équipes pour leur permettre d’évoluer au sein de l’entreprise. Je suis moi-même un exemple de cette dynamique. Mais cela ne suffit pas toujours : nous avons aussi un besoin fort de recruter localement. C’est pourquoi je travaille activement avec les communautés locales. Leur offrir des opportunités, c’est non seulement un engagement social important, mais c’est aussi une richesse pour nous. Nous y trouvons une main-d’œuvre pleine de potentiel, que nous pouvons former aux standards de l’hôtellerie.

Comment voyez-vous l’évolution de l’hôtellerie de luxe ?

Je suis quelqu’un de très optimiste. Et même si nous traversons une période d’incertitude, je crois que l’hôtellerie est un secteur particulièrement résilient, qui a toujours su rebondir face aux crises. Aujourd’hui, les performances hôtelières sont très bonnes, notamment ici au Brésil : Rio, São Paulo, Porto Alegre… tous affichent une dynamique de croissance très encourageante.

Par ailleurs, les attentes de nos clients évoluent, et certaines tendances se dessinent. Une étude menée par Hilton l’an dernier a mis en lumière l’importance croissante du bien-être (wellness) dans le choix des séjours. L’envie de vivre des expériences culturelles fortes, d’explorer, de s’ouvrir à l’aventure, devient également un critère clé.

L’impact environnemental entre aussi davantage en ligne de compte. Et une autre tendance qui s’affirme, c’est celle des clients qui voyagent désormais plus souvent avec leurs animaux de compagnie, une réalité à laquelle nous devons nous adapter, en repensant certains de nos services.Enfin, la technologie joue un rôle croissant. Innover en continu, intégrer intelligemment les outils digitaux pour améliorer l’expérience client : c’est un axe fondamental de notre  développement futur.

 

EG