Portrait. Mélyne Tarer, une Guadeloupéenne au sommet Youth20 au Brésil « pour porter la voix des jeunes îliens et défendre l'inclusion et la diversité»

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Portrait. Mélyne Tarer, une Guadeloupéenne au sommet Youth20 au Brésil « pour porter la voix des jeunes îliens et défendre l'inclusion et la diversité»

A bientôt 31 ans, la jeune Guadeloupéenne Mélyne Tarer a été sélectionnée parmi la dizaine de jeunes délégués qui participeront au sommet Youth20 au Brésil à l'automne. Au cours de ce sommet, elle interviendra sur différentes problématiques comme l'inclusion, la diversité. Experte technique internationale pour la France au sein de l'IORA (Association des Etats riverains de l'Océan indien) à Maurice, Mélyne Tarer souhaite aussi sensibiliser sur la situation des réfugiés climatiques. Retour sur le parcours inspirant de cette Guadeloupéenne passionnée par la diplomatie et la géopolitique. 

 

Originaire de Guadeloupe, Mélyne Tarer est piquée dès son plus jeune âge pour les questions internationales et européennes. Après l’obtention de son bac, c’est tout naturellement qu’elle s’oriente vers le droit européen à l’Université de Saint-Quentin en Yvelines. La jeune étudiante cherchait à comprendre le rôle et les relations de l’Union Européenne avec son territoire natal. « Plus jeune, j’étais intriguée par tous ces programmes Feder, Interreg dont j’entendais parler. Je m’interrogeais sur comment l'Europe intervienne en Guadeloupe ou dans les autres Outre-mer, comment la Guadeloupe, cette île de la Caraïbe est également européen?». Lors d’une année d’échanges à Montréal, elle découvre le droit international et les relations internationales, la coopération internationale entre les Etats. Passionnée par ce domaine, Mélyne Tarer intègre par la suite une école de relations internationales où elle suit une partie de son cursus à l'école de gouvernance et d'économie de Rabat au Maroc. «Durant sept mois, j'ai suivi la géopolitique et la coopération européenne avec l'Afrique du Nord, mais aussi avec des sessions de formation de l'école diplomatique du Royaume du Maroc, participé à une simulation sur le retour du Maroc dans l’Union africaine. C’était une manière d’apprendre de façon pratique, entourée de 300 autres étudiants de tout le continent, et de discuter de divers enjeux du développement du continent africain».

Après cette riche expérience, elle souhaite pousser encore davantage sa spécialisation. «En tant qu’Ultramarine, le droit de la mer m’intéressait. La coopération européenne avec la Méditerranée englobe de nombreuses questions de coopération en matière de pêche, d’aquaculture, de migrations, de développement et d’intégration des populations méditerranéennes. En 2018, je pars étudier à l’Université de Thessalonique. Avec des sujets sur les conflits en termes de délimitations territoriales en mer avec le cas pratique de la Grèce, la Turquie et Malte». Après un stage au Ministère des Outre-mer, à la mission du droit européen international, sur les sujets coopération économique des Outre-mer et intégration des Outre-mer dans leur environnement régional, elle effectue son stage de fin d’études à l’état-major inter-armées en Nouvelle-Calédonie. Une nouvelle opportunité pour la jeune femme qui confie découvrir «un autre territoire ultramarin, doté d’un statut différent de la Guadeloupe et la Martinique». Sa mission : assister au quotidien l’attaché défense pour le Vanuatu et la Papouasie Nouvelle-Guinée. « J’ai pu faire des préparations de coopération en termes de sécurité et de défense en cas de catastrophe naturelle, en cas de pollution en mer. J'ai pu suivre comment se structurait la réponse en cas de catastrophe naturelle chez les FANC, à travers des exercices opérationnels, mais également tout ce qui est montage de coopération entre les armées et également la sécurité civile et les locaux.

La jeune Guadeloupéenne intégrera ensuite  le Haut-Commissariat de la République en Nouvelle-Calédonie en tant que chargée de coopération internationale où elle continuera à travailler sur le thème de coopération en cas de catastrophe naturelle. « En travaillant sur un programme en partenariat avec la sécurité civile et le RSMA sur la mise en place de correspondants au Haut-Commissariat dans les tribus. La thématique de l’inclusivité a pris tout son sens, notamment dans le cadre de préparation en cas de catastrophe naturelle.»

© EMIA FANC-Nouvelle Calédonie

Pour pousser davantage ses sujets de recherche, elle rejoint Open Diplomacy en 2019 en tant que junior fellow sur les sujets indo-pacifique. C’est la période où le Président de la République lançait sa stratégie Indo-pacifique .« Je me suis dit que cela serait intéressant d'intégrer un centre de recherche où je pourrais discuter avec d'autres jeunes ou d'autres personnes plus expérimentées sur les sujets qui me tenaient à cœur. J’ai commencé à mener des ateliers de réflexion avec d'autres personnes, des chercheurs, des gens du domaine privé, des gens du domaine des associations, des jeunes avocats et autres. Ma volonté était de répondre à cette question: comment faire pour être sûr d’inclure tout le monde dans notre processus de développement mondial». Mélyne travaillera au sein d’Open Diplomacy sur les sujets d’inclusion et de diversité à l’occasion, à l’occasion du Forum Génération Egalité en 2021.

Première experte technique internationale française à l’IORA

Depuis Septembre 2022, Mélyne Tarer, installée à l’île Maurice, est experte technique internationale à l’IORA (Indian Ocean Rim Association) ou l’Association des Etats riverains de l’Océan indien. Elle est la première experte technique internationale française depuis que la France est devenue membre de plein droit de cette association au titre de La Réunion en 2021. « En tant que membre à part entière, on peut mener beaucoup plus d'actions de coopération, on dispose d’un pouvoir de décision sur les orientations stratégiques de cette organisation internationale.»

IORBF - Leaders summit au Bangladesh 2022 © DR

A travers cette fonction, Mélyne Tarer met en pratique l’ensemble des spécialisations et expertises acquises lors de son parcours universitaire. «Mes instructions viennent de l'ambassadeur thématique océan indien, l'ambassadeur Brunet. Je suis principalement là pour appuyer le développement des stratégies indo-pacifiques de nos États membres, faire de la mise en relation, faire de la coopération technique, les appuis pour les négociations et faire de l'analyse technique sur les sujets émergents autour de l'océan, de la mer, de la gestion durable des océans, de la pêche aux fonds marins, en passant par les énergies renouvelables ou de l'aquaculture. Cela va des sujets très techniques et ciblés à des sujets beaucoup plus internationaux comme la négociation du fonds minier, la coopération avec l'autorité internationale des fonds marins. Tous ces volets me permettent d'avoir une vision 360 degrés du développement international des zones côtières. Les acteurs sont divers, avec des priorités et des agendas différents mais ils partagent le même but de protéger les océans».

Institut Français de Maurice - lancement des vidéos protocoles aquacultures pour population côtière © DR

Plus récemment, cette Guadeloupéenne de 31 ans a appris sa participation au prochain Sommet Youth20 d'Open Diplomacy qui se tiendra au Brésil. Mélyne Tarer fait partie des jeunes délégués sélectionnés qui interviendront lors de différents panels au cours de ce sommet. Une véritable surprise pour la jeune femme. « Je ne connais pas la raison exacte de ma sélection comme jeune déléguée, mais je pense que le fait d'être une Ultramarine de l'océan atlantique en océan Indien qui traite avec divers acteurs, me permet d'avoir une vision un peu décentralisée, pas nécessairement européenne. Au quotidien, j'interagis avec des universitaires ou des organisations, d'associations qui me font part de leurs craintes, mais aussi de leurs envies. Quand j'ai appris que j'étais recrutée, j'étais ravie parce qu'auparavant, j'ai fait partie durant deux- trois années du comité de sélection des jeunes délégués pour le G20 et le G7.  Passer de l'autre côté, c'est une toute autre tâche, mais j'en suis pas moins ravie de pouvoir porter sur la scène internationale la voix des jeunes, mais également la voix des jeunes Ultramarins, des jeunes îliens, des jeunes vivant sur des zones côtières qui font face à des défis divers et parfois insoupçonnés quand on habite sur le continent européen». 

 

Mélyne Tarer aux cotés du Secretaire Générale de l'IORA, de la Directrice AFD Maurice et le Ministre Économie bleue de Maurice © DR

Assurer la continuité des actions en faveur de l'inclusion et de diversité

Mélyne Tarer interviendra sur un panel consacré aux enjeux d'inclusion et de diversité. «Ce sont des thématiques qui me correspondent bien parce que ce sont mes missions au quotidien, autrement apporter de l'aide au développement en s'assurant que cette aide est toujours inclusive et prend en compte la diversité des acteurs. Je ne fais que continuer l'action des jeunes qui sont passés avant moi en mettant l'accent sur les petits états insulaires et les petites îles insulaires. Bientôt, on aura la conférence Small Island Developing States. Donc ce ne sera qu'une continuité pour mettre l'accent qu'il y a des urgences à traiter quasiment immédiatement parce qu'il y a des jeunes dans ces zones, des populations qui ont des ambitions, des envies. Il faut donc pouvoir continuer à structurer et appuyer le développement de politiques publiques favorisant l'inclusivité et la diversité». 

Au-delà de ces enjeux sociaux et sociétaux, Mélyne souhaite alerter sur la situation des réfugiés climatiques lors de ce sommet. « Aujourd'hui l'industrialisation poussée et le changement climatique ont pour conséquence que certaines côtes ne sont plus vivables et conduisent au déplacement des personnes. Je vais lancer aussi un appel pour que les États se mobilisent à réfléchir à des politiques publiques qui intégreraient ces populations déplacées parce qu'en fait elles sont un peu déplacées de force, elles ne choisissent pas d'être réfugiées climatiques comme un réfugié économique. Demain, quand on aura malheureusement ces vagues de réfugiés climatiques, il faut que l'on soit prêt à les accueillir dans de bonnes conditions, avec des fonds et des mécanismes disponibles pour les accueillir, qu'ils aient un statut qui soit reconnu dans les États où ils seront accueillis». 

En attendant la tenue du Sommet Youth20, Mélyne Tarer et les autres jeunes délégués préparent activement le prochain pré-sommet au Brésil prévu du 10 au 17 août. Commencera un travail de lobbying et négociations avec les autres délégations présentes. « Sur les thématiques d'inclusion et de diversité que je porte, je vais rencontrer chaque représentant de délégation, avec l'objectif d'établir une feuille de route commune pour intégrer la question des réfugiés climatique mais que les sujets de l'inclusion et de la diversité soient traités dans son ensemble et non uniquement sous un seul prisme comme celui du genre.» Des rencontres et des consultations qui ont un but précis pour Mélyne : « Que nos propositions travaillées avec les autres délégués soient portées et lues par le Ministre des Affaires étrangères lors du sommet des leaders, que ces propositions soient retenues lors de ce sommet et qu'elles intègrent la déclaration finale du G20 qui va paraître en novembre», conclut la jeune Guadeloupéenne.

Publications de MélyneTarer sur Open Diplomacy