Si la France compte 49 sites inscrits au patrimoine mondial de l’Unesco, seulement quatre se situent dans les Outre-mer, dont trois sont reconnus comme biens naturels exceptionnels. Les volcans et forêts de la montagne Pelée et des pitons du nord de la Martinique pourraient bientôt rejoindre cette liste. Tour d’horizon des sites ultramarins classés.
Un article réalisé par Marion Durand.
L’île aux fleurs rejoindra-t-elle le palmarès tant convoité ? Réponse le 17 septembre. Le Comité du patrimoine mondial de l’Organisation des Nations unies pour l’Éducation, la Science et la Culture (Unesco) se réunit du 10 au 25 septembre à Riyad (Arabie saoudite). Les 21 États membres siégeant pour cette 45e session statueront sur les 50 candidatures, dont deux françaises : « la Maison Carrée de Nîmes » et « les volcans et forêts de la montagne Pelée et des pitons du nord de la Martinique ».
L’examen de la candidature martiniquaise aura lieu ce dimanche 17 septembre. Trois choix s’offriront aux membres du Comité : inscrire le site au sein du patrimoine mondial de l’Unesco, rejeter la candidature ou la différer. Cette troisième option est celle conseillée par l’Union internationale pour la conservation de la nature (UICN), l’organe consultatif en charge des évaluations des sites.
Bien qu’ils reconnaissent la « valeur universelle exceptionnelle » du bien, critère essentiel à l’inscription, les évaluateurs de l’UICN estiment que « les limites du bien proposé doivent être profondément révisées (…) pour englober tous les géosites nécessaires à l’expression de la valeur universelle exceptionnelle ». Il est aussi conseillé de « renforcer les dispositions relatives à la protection et à la gestion pour satisfaire aux exigences en matière de conservation d’une éventuelle valeur universelle exceptionnelle pour la biodiversité. »
Mais cet avis reste consultatif rappelle Erwan Cherel, chargé de mission au comité français de l’UICN, pour qui l’évaluation reste « positive, même si elle ne propose pas une intégration immédiate ». « Il se peut que le Comité du patrimoine mondial considère qu’il y a suffisamment d’informations pour inscrire le site, malgré l’avis de l’UICN ». En cas de réponse favorable, la Martinique rejoindrait les quatre autres territoires ultramarins figurant sur la liste du patrimoine mondial de l’Unesco.
La splendeur des lagons calédoniens
Les lagunes tropicales et les récifs coralliens de Nouvelle-Calédonie sont les premiers à faire leur entrée au sein du patrimoine mondial de l’Unesco. En 2008, les autorités françaises portent une candidature ultramarine devant le Comité. Victoire ! La diversité des récifs et des écosystèmes associés est saluée et la valeur universelle exceptionnelle des lagons calédoniens et reconnue à l’échelle internationale.
Selon l’Unesco, « les lagunes présentent une diversité exceptionnelle d'espèces de coraux et de poissons et un continuum d'habitats allant des mangroves aux herbiers marins avec la concentration la plus diversifiée de structures récifales au monde ». Le bien classé, composé de six zones marines, représente une surface de 15 000 km2, soit plus de 60 % du lagon calédonien.
Pour intégrer le palmarès, les sites doivent répondre a au moins un des dix critères de sélection. La Nouvelle-Calédonie en coche trois : représenter une beauté naturelle ; abriter un processus biologique et écologique en cours ; contenir les habitats naturels pour la conservation de la diversité biologique.
Le paysage accidenté et spectaculaire de La Réunion
Deux ans après l’entrée de la Nouvelle-Calédonie, le « paysage accidenté et spectaculaire » de l’île Bourbon et ses deux volcans encore actifs, le Piton de Neiges dormant et le Piton de la Fournaise, sont à leur tour reconnus. Pitons, cirques et remparts de La Réunion entrent au Patrimoine mondial de l’Unesco en 2010.
Le site classé couvre plus de 100 000 hectares dans la zone centrale du parc national. Outre les deux massifs volcaniques, le bien comprend le Piton d'Anchaing dans le cirque de Salazie, le Piton de Sucre et la Chapelle dans le cirque de Cilaos, la Grande Chaloupe dans le nord de l'île et Mare Longue dans le Sud.
« Dominée par deux sommets volcaniques imposants, des murs massifs et trois cirques bordés de falaises, la propriété comprend une grande variété de terrains accidentés et d'escarpements impressionnants, des gorges boisées et des bassins créant un paysage visuellement saisissant », décrit l’Unesco.
Bien que cette reconnaissance n’apporte pas de réglementation spécifique, la France doit garantir l’intégrité du bien. Le parc national de La Réunion en est le gestionnaire, de ce fait, il est chargé de rendre des rapports réguliers sur l’état de préservation du site.
Marae de Taputapuātea : témoin de la culture Mā’ohi
En 2017, lorsque l’Unesco statut favorablement pour le site de Taputapuātea, à Raiatea (anciennement Hava'i), c’est la première fois qu’un site ultramarin est inscrit sur la liste du Patrimoine mondial en tant que bien culturel. Le marae de Taputapuātea, véritable temple à ciel ouvert, construit par le peuple Mā’ohi vers l'an 1 000, vaut à la Polynésie de figurer dans ce palmarès, pour la première fois.
Dédié au dieu ‘Oro, le dieu de la guerre et de la fertilité, ce site sacré était un espace de liaison entre le monde des vivants et celui des ancêtres et des dieux. « Taputapuātea apporte un témoignage exceptionnel de 1 000 ans de civilisation Mā’ohi », raconte l’Unesco. Taputapuātea tient une place centrale dans la Polynésie orientale : il témoigne des anciennes alliances entre Hava’i, les îles Hawaii, Rarotonga, les Australes et la Nouvelle-Zélande. Certains marae de ces îles étaient construits à partir d'une pierre de Taputapuātea en guise de lien spirituel.
Le site classé comprend aussi deux vallées boisées, 'Opoa et Hotopu’u, une partie de lagon et de récif corallien, et une bande de pleine mer. Les parties hautes des vallées, qui abritent des espèces endémiques de l’île de Raiatea et de la Polynésie, comptent des marae plus anciens, des terrasses agricoles ou des vestiges archéologiques d’habitations.
Terres et mers australes françaises : une biodiversité exceptionnelle
Les Terres et mers australes françaises intègrent le patrimoine mondial en 2019. Le site classé couvre une superficie de plus de 67 millions d’hectares dans l’Océan indien : l’archipel Crozet, les îles Kerguelen, Saint-Paul et Amsterdam ainsi que 60 petits îlots situés dans la zone subantarctique. « Du fait de leur éloignement des centres d’activités humaines, ces îles sont des vitrines extrêmement bien préservées de l’évolution biologique, et elles constituent un terrain unique pour la recherche scientifique », juge l’Unesco.
L’exceptionnelle biodiversité présente dans ces îles est un des critères qui justifie cette intégration au sein du palmarès. Lieu de « naturalité », comme décrit l’organisation, le site abrite la plus grande population de manchots royaux et d’albatros de Carter au monde mais aussi la deuxième plus importante population mondiale d’éléphants de mer du sud à Kerguelen et 50 millions d’oiseaux issus de 47 espèces.
Les terres et mers australes sont classées comme réserve naturelle nationale depuis 2006 et « bénéficient du plus fort niveau de protection existant dans la réglementation française », précise l’Unesco.
Une liste indicative par pays
Chaque États membres de l’Unesco possède aussi une liste indicative. Cet inventaire recense les biens que les pays ont l’intention de proposer pour inscription sur la liste du patrimoine mondial. Seuls deux sites ultramarins figurent actuellement sur la liste indicative française : les îles Marquises depuis 2010 et dont la candidature sera étudiée l’année prochaine, et les Aires volcaniques et forestières de la Martinique depuis 2014. Une fois inscrits sur la liste du patrimoine mondial, les biens sont retirés de la liste indicative.
À noter également que la France compte trois biens ultramarins inscrits sur la liste du Patrimoine culturel immatériel : la Yole de Martinique, le Gwoka de Guadeloupe et le Maloya de La Réunion.
Par Marion Durand