Entre le regain de la participation, la percée du Rassemblement national dans certains territoires ou encore les candidats et députés sortants de gauche qui résistent aux Antilles-Guyane et à La Réunion : Outremers360 propose ce lundi matin une lecture du premier tour de ces législatives anticipées en Outre-mer.
Nous le soulignions il y a trois semaines : la très faible participation aux Européennes en Outre-mer, à contre-courant de l’Hexagone, a faussé les victoires dans les territoires. Ce dimanche, les regains de participation à ces législatives, qui visent des sujets et des personnalités plus locales, ont rebattu les cartes.
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Que ce soit dans l’Atlantique, dans le Pacifique ou l’océan Indien, les participations ont augmenté lors de ce premier tour, parfois à la marge comme en Polynésie française, où 43,09% des électeurs se sont exprimés contre 42,16 % il y a deux ans, où parfois de façon nettement plus franche comme en Nouvelle-Calédonie. Dans cet archipel, qui traverse une période troublée depuis mai dernier et l’adoption de la réforme constitutionnelle sur le dégel du corps électoral, 60,02% des électeurs se sont déplacés dans les bureaux de vote. Un chiffre historique, qui a quasiment doublé par rapport à 2022.
Deux territoires échappent toutefois à la règle : Wallis et Futuna et Mayotte. Dans l’archipel du Pacifique, 77,11% des électeurs se sont mobilisés dimanche, contre 78,22% au premier tour en 2022. Ici toutefois, les électeurs n’auront pas à s’exprimer une nouvelle fois dimanche puisque le député sortant Mikaele Seo a été élu au premier tour. À Mayotte, 43,07% se sont exprimés ce dimanche, contre 44,29% en 2022.
Au niveau national, le principal enseignement à l’issue du premier tour est, d’une part, une participation historique à 66,71% et d’autre part, la possibilité du Rassemblement national d’obtenir une majorité absolue, soit au moins 289 députés. En Outre-mer, et malgré que la liste Jordan Bardella soit arrivée 1ère ou 2ème aux Européennes dans beaucoup de territoires -avec toutefois des voix en moins par rapport aux Européennes de 2019 dans certains territoires-, la percée du parti d’extrême droite est à nuancer, et est surtout cantonnée aux territoires de l’océan Indien.
En effet, celui-ci est présent au second tour dans les sept circonscriptions à La Réunion, une première au détriment des ténors de la droite réunionnaise tandis que la gauche résiste. La marche est toutefois haute pour les candidats du RN puisque les reports et réserves de voix seront plus importantes à gauche, en faveur des députés sortants, sauf dans la 3ème circonscription où la députée sortante Nathalie Bassire est éliminée au premier tour et le candidat RN en ballotage favorable. Nathalie Bassire n’a pas encore livré son positionnement pour le second tour.
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L’issue du premier tour à La Réunion est aussi un échec pour la maire PS de Saint-Denis, ancienne ministre des Outre-mer, qui en opposition à certains députés sortants du NFP, avait positionné des candidats dissidents pour, d’une part, couper court aux ambitions municipales des députés NFP concernés, et d’autre part, concurrencer à gauche la présidente de la Région Huguette Bello, plutôt proche de LFI. Conclusion, c’est cette dernière qui sort renforcée de ce premier tour, l’ensemble des candidats qu’elle a soutenu étant qualifiés au second tour.
À Mayotte, si la première circonscription est pliée en faveur de la députée sortante Estelle Youssouffa, la seconde pourrait élire dimanche prochain, la première députée RN des Outre-mer. Anchya Bamana est en ballotage favorable, à 35,42% des suffrages et 7 933 voix face au député sortant Mansour Kamardine (LR), qui récolte 6 226. Un résultat serré certes, mais la candidate RN dispose déjà du soutien du candidat arrivé 3ème dimanche, qui dispose de 3 560 voix. Mansour Kamardine peut toutefois espérer récupérer les 3 470 voix du candidat soutenu par Renaissance.
À Saint-Pierre et Miquelon, en Guadeloupe et en Guyane, où le RN était arrivé en tête aux Européennes, le parti de Marine Le Pen perd nettement du terrain au premier tour des législatives. Dans l’archipel de l’Atlantique nord, il est éliminé dès le premier tour. En Guadeloupe, il est présent dans deux circonscriptions sur quatre, mais avec un retard considérable et un report de voix défavorable. En Guyane, il est rayé de la carte du second tour tandis qu’en Martinique, il est présent dans une circonscription, mais très loin derrière le député sortant Jean-Philippe Nilor (NFP). Aux Antilles-Guyane, la gauche enregistre ses meilleurs scores Outre-mer : entre 40 et près de 70%.
Dans les territoires du Pacifique également, le RN ne parvient toujours pas à s’implanter localement, éliminé dès le premier tour. Pas étonnant toutefois dans ces territoires autonomes du Pacifique, où les enjeux locaux, plus encore que dans les DROM, prennent le dessus sur les clivages nationaux. En Nouvelle-Calédonie par exemple, l’affrontement bloc contre bloc, exacerbé par des semaines de violences qui ont conduit à la détention de leaders indépendantistes dans l’hexagone, a tourné à plein régime avec, une donnée supplémentaire pour ce scrutin, une participation historique qui profite aux candidats indépendantistes.
Dans la 1ère circonscription, regroupant Nouméa, l’île des Pins et les îles Loyauté, la candidate indépendantiste fait le plein de voix dans les îles quand son adversaire, Nicolas Metzdorf, arrivé en tête dans cette circonscription, survole Nouméa. Dans la seconde, qui concerne les communes de la Grande Terre hors Nouméa, l’indépendantiste Emmanuel Tjibaou arrive en tête, porté par les communes du Nord et de l’Est, mais aussi des communes du Grand Nouméa où, même en étant en tête, enregistre des scores honorables.
Outre une participation supplémentaire dimanche prochain, les reports et mouvements de voix seront la clé du second tour en Nouvelle-Calédonie. Calédonie ensemble, l’Éveil océanien et le candidat RN Simon Loueckhote ainsi que les mouvements indépendantistes hors FLNKS seront surveillés de près. Le Mouvement indépendantiste nationaliste et souverainiste a déjà apporté son soutien aux candidats de l’UC, soit 2 343 voix non négligeables, surtout en 1ère circonscription. Dans celle-ci, Nicolas Metzdorf aura besoin des 5 791 voix du député sortant Philippe Dunoyer (Calédonie ensemble) pour distancer son adversaire. Mais les rapports entre ces deux mouvances non indépendantistes se sont détériorés.
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Interrogé par Nouvelle-Calédonie La 1ère, le docteur en géopolitique Christophe Pantz observe aussi un renforcement du clivage entre non indépendantistes et indépendantistes, laissant peu de place à une troisième voie modérée, représentée ici par Calédonie ensemble ou l’Éveil océanien.
En Polynésie, les partis autonomistes unis sont revigorés après les échecs électoraux de 2022 et 2023, et surfent sur un vote sanction à l’égard de la majorité indépendantiste élue il y a un an, se manifestant sur les députés indépendantistes élus en 2022. Tematai Le Gayic, premier à faire les frais, ne repartira pas à l’Assemblée nationale puisqu’il a été battu dès le premier tour par le candidat de l’union autonomiste Moerani Frébault. Celui qui, en 2022, avait été élu plus jeune député de la Vème République, double tout de même son score. Insuffisant face au rouleau compresseur autonomiste.
Reste aux indépendantistes les 2ème et 3ème circonscriptions. Dans la seconde, le député sortant Steve Chailloux est distancé de 1 824 voix par l’autonomiste Nicole Sanquer. Il peut toutefois espérer sur un report des voix du parti Heiura Les Verts (1 047) et d’une meilleure participation dans des communes plutôt favorables aux indépendantistes pour rattraper son retard. À Paea par exemple, commune administrée par le numéro du parti indépendantiste Tony Geros (également président de l’Assemblée locale) à peine 101 voix le sépare de Nicole Sanquer, alors que la participation plafonne à 40%.
Dans la troisième circonscription, bien qu’en tête, la députée sortante indépendantiste, Mereana Arbelot-Reid, est talonnée par la candidate autonomiste Pascale Haiti. Quelques 477 voix les séparent. Si la députée sortante peut bénéficier d’une meilleure participation dans la commune de Faa’a, la plus peuplée et bastion des indépendantistes, mais aussi des reports des écologistes de Heiura Les Verts, tous les regards sont tournés vers la dissidente autonomiste Naumi Mihuraa.
Écartée de l’investiture lors de l’union autonomiste, cette enfant de l’île de Raiatea a décidé de tenter sa chance en dehors des appareils autonomistes et obtient l’honorable score de 3 230. Si la candidate éliminée au premier tour refuse de se positionner, comment se répartiront ses voix au second tour ? Toutes les hypothèses sont pour l’heure sur la table : vote autonomiste, indépendantiste ou abstention.